avenir d'une offensive

Dossier Tunisie 7

11-01-22 - Caravane

11-01-22 - Le Monde -- Tunis - des policiers participent aux manifestations contre le gouvernement

Tunis : des policiers participent aux manifestations contre le gouvernement

LEMONDE.FR avec AFP et Reuters | 22.01.11 | 12h27  •  Mis à jour le 22.01.11 | 17h35

Un policier participant à la manifestation du 22 janvier, à TunisAFP/FRED DUFOUR

Mohamed Ghannouchi, premier ministre du gouvernement d'union nationale tunisien, a reçu plusieurs ministres samedi matin, au lendemain de son engagement à quitter la vie politique à l'issue des prochaines élections. Cette promesse vise à calmer la colère d'une partie de la population, furieuse de la présence au sein de la nouvelle équipe dirigeante d'anciens membres du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), le parti de Zine Ben Ali, contraint par la rue de quitter le pays après 23 ans de pouvoir sans partage.

Au même moment, plusieurs centaines de personnes ont défilé dans le centre de Tunis, pour demander la démission du gouvernement. Des policiers qui manifestaient en civil et en uniforme devant le siège du gouvernement ont bloqué un moment l'accès du bâtiment à la voiture du président tunisien de transition, Foued Mebazaa, avant d'être écartés en douceur par d'autres policiers en service. Le groupe de policiers manifestants s'est joint à un autre groupe protestataires, en majorité des employés de mairie, pour réclamer de meilleures conditions de travail et le départ du gouvernement.

De nombreux policiers en civil ou en uniforme, dont quelques motards juchés sur leurs machines, défilaient dans le centre de la capitale, se disant «des Tunisiens comme les autres», pour réclamer la création d'un syndicat de police.AP/Hassene Dridi

Les Tunisiens manifestent quotidiennement pour demander la démission du gouvernement d'union nationale formé lundi, trois jours après la fuite en Arabie saoudite du président déchu Zine El Abidine Ben Ali. Vendredi, pour la première fois, des policiers avaient rejoint les manifestations à Tunis et dans plusieurs villes de province. Ils étaient nombreux samedi à défiler dans le centre-ville de Tunis, arborant un brassard rouge.

"Nous aussi avons pendant des années été victimes de l'arbitraire de Ben Ali", a expliqué un jeune policier. "Aujourd'hui, notre vie est menacée, les citoyens nous prennent pour des tueurs. Le peuple veut se venger, mais nous, nous sommes là pour assurer sa sécurité", a-t-il ajouté. Il a aussi demandé, comme l'avaient fait la veille des policiers dans plusieurs villes de Tunisie, la création d'un syndicat pour défendre les droits de la profession.

La population tunisienne exprime ouvertement son hostilité à l'égard de la police, instrument privilégié du pouvoir de Ben Ali, qui s'est illustrée dans la répression sanglante de la "révolution de jasmin", qui a fait 100 morts en un mois selon les Nations unies. "Je vous demande pardon et j'espère que vous nous pardonnerez", avait déclaré vendredi un policier en uniforme, Naïm Selmi, ovationné par la foule rassemblée devant le siège officiel des services du premier ministre, la Kasbah de Tunis.


11-01-22 - Le Monde -- Partie du centre de la Tunisie, une marche pour un nouveau gouvernement

Partie du centre de la Tunisie, une marche pour un nouveau gouvernement

LEMONDE.FR avec AFP | 22.01.11 | 19h32

Des centaines d'habitants du centre-ouest de la Tunisie, d'où est partie la révolution tunisienne qui a conduit à la fuite l'ancien dictateur Zine El-Abidine Ben Ali, ont entamé samedi 22 janvier une marche sur Tunis pour réclamer le départ du gouvernement des caciques de l'ancien régime. Ils étaient environ 300 au départ samedi matin de Menzel Bouzaiane, à 280 km au sud de la capitale, mais d'autres manifestants ont rejoint le groupe en chemin et approchaient dans la soirée de la localité de Regueb.

Selon le correspondant de l'AFP, ils étaient environ 800 dans la soirée. Un syndicaliste qui participe à la marche, Mohamed Fadhel, a avancé le chiffre de 2 500. Des appels circulent sur les réseaux sociaux pour que d'autres manifestants d'autres régions rejoignent la marche qui compte arriver à Tunis "dans quatre ou cinq jours", selon M. Fadhel.

Les marcheurs de cette "Caravane de la libération", selon le nom que ses initiateurs lui ont donnée, comptaient dormir à Regueb, où environ 2 500 habitants les attendaient, dont certains avec l'intention de partir avec eux dimanche. Dimanche, les participants à cette marche spontanée à laquelle toutefois se sont joints des syndicalistes et des défenseurs des droits de l'homme, reprendront la route en direction de Kairouan (à environ 150 km au sud de Tunis), selon M. Fadhel.

"Cette marche est volontaire et a été décidée par des jeunes, mais notre rôle de syndicalistes est de les encadrer", a déclaré Rabia Slimane, une institutrice et syndicaliste de 40 ans. "Le but de cette caravane est de faire tomber le gouvernement, notamment les ministres issus du RCD", le Rassemblement constitutionnel démocratique, ancien parti au pouvoir du temps de Ben Ali. "Cela prendra trop de temps de marcher sur Tunis, donc nous allons emprunter des moyens de transport et nous arrêter dans chaque ville sur notre chemin, pour faire une marche symbolique de quelques kilomètres avant de repartir avec les habitants venus grossir nos rangs", a expliqué cette institutrice.

D'autres marches similaires vont partir de Kasserine, autre foyer de la révolte populaire d'un mois qui a précipité le 14 janvier la chute du président Zine El Abidine Ben Ali, ainsi que de la ville minière de Gafsa.

11-01-23 - Al Jazeera -- Police join protests in Tunisia


Police join protests in Tunisia


PM's pledge to quit politics after elections fails to pacify demonstrators demanding dissolution of interim government.

Last Modified: 23 Jan 2011 05:45 GMT


Thousands of demonstrators, including police officers, lawyers and students, have taken to the streets of Tunisia's capital, Tunis, in another day of unrest in the North African country.

At least 2,000 police officers participated in Saturday's demonstrations, according to the Associated Press news agency. They were joined by members of the national guard and fire departments.

Crowds gathered in front of the office of Mohamed Ghannouchi, the interim prime minister, and on Avenue Habib Bourguiba, the main street of Tunis.

The rally was the latest in a month of turmoil that toppled Zine El Abidine Ben Ali, Tunisia's longstanding ruler, sending him into exile in Saudi Arabia on January 14.

While many demonstrators are continuing to demand the dissolution of the interim government, the police officers who have joined the protests are seeking better working conditions and an improvement in what they call unfair media portrayal.

Al Jazeera's Nazanine Moshiri, reporting from Tunis, said that the police officers marched with protesters, wearing red armbands in solidarity with the marching crowds.

"They said they want to be with people now, they want to be part of the revolution," she said.

"They no longer want to be persecuted - they say, 'Please don't blame us for the deaths of the protesters'."

At the prime minister's office, Al Jazeera's Hashem Ahelbarra reported, protesters broke through barricades but no violence occurred.

He reported that the anti-riot squad pleaded with the crowd, saying: 'Do whatever you want to do but please don't storm the office of the prime minister. That is a red line."

But protesters were already starting to break the barricades by late afternoon.

Masoud Romdhani, a trade union activist who was at the demonstration, told Al Jazeera that the protests must continue in order to oust entirely the Constitutional Democratic Rally (RCD), the former ruling party.

Many Tunisians are angry over the inclusion of several prominent members of Ben Ali's administration in the new interim cabinet.

Romdhani said labour activists feel that "nothing is done" until the RCD is removed.

Countering such criticism, Sami Zaoui, the Tunisian secretary for communication technologies, told Al Jazeera that "civil society" and opposition parties account for more than two-thirds of the transitional government.

He also rejected the view that Ghannouchi was "in a difficult situation" and played down the ongoing protests as "very local demonstrations".

"We cannot say that the entire country is currently demonstrating," Zaoui said.

Dissolution demanded

Thousands of protesters have been holding daily protests, demanding the dissolution of the interim administration, since Ben Ali fled earlier this month.

In an effort to dampen the anger, Ghannouchi, who is a former ally of Ben Ali, pledged to quit politics after elections that he says will be held as soon as possible.

In an interview on Tunisian television on Friday, Ghannouchi said he would leave power after a transition phase that leads to legislative and presidential elections "in the shortest possible timeframe."

Despite resigning his RCD membership, he has been struggling to restore calm under a new multiparty government that the opposition complains retains too many members of the party. Interim president Fouad Mebazaa also resigned his RCD membership.



"My role is to bring my country out of this temporary phase and even if I am nominated I will refuse it and leave politics," Ghannouchi said.

He did not specify when the elections would be held, though the constitution requires a presidential vote within 60 days. He said the elections must be a success "to show the world that our country has a civilisation."

Ghannouchi also said that all of the assets held abroad by Ben Ali's regime had been frozen and would be returned to Tunisia after an investigation.

Al Jazeera's Ayman Mohyeldin, reporting from Tunis, said that Ghannouchi also announced that the state would provide compensation to those who died during the uprising, as well as their families.

The army and the justice department have been ordered to preserve any documents and evidence that can be gathered during the unrest in order to investigate the old government, our correspondent said.

The transitional government has also said that it would lift a ban on political groups, including the Islamist al-Nahda (Renaissance) party.

The exiled leader of the formerly banned party, Rachid al-Ghannouchi, told Al Jazeera on Saturday that al-Nahda is democratic and should not be feared and rejected any comparison between him and Iran's late leader Ayatollah Ruhollah Khomeini.

"We are a moderate Islamic movement, a democratic movement based on democratic ideals in ... Islamic culture. Some people pull Khomeini's robe over me, while I am no Khomeini nor a Shia," he said.

Mohamed Ghannouchi, the interim prime minister (not related to Rachid al-Ghannouchi) has said that the Nahda leader cannot return to Tunisia until a 1991 prison sentence is lifted. 


11-01-23 - Libération -- A Tunis, le peuple vient faire tomber le gouvernement

23/01/2011 à 08h29
A Tunis, «le peuple vient faire tomber le gouvernement»

La pression de la rue à Tunis pour exiger la démission du gouvernement de transition et des ministres issus du régime Ben Ali a pris dimanche une nouvelle dimension, avec le siège du palais du Premier ministre, initié par un millier de jeunes déshérités venus du centre du pays.

La poursuite des manifestations tout au long du week-end à Tunis a relancé les spéculations sur la capacité du gouvernement provisoire à résister à la pression populaire, alors qu'un appel à la grève illimitée des enseignants du primaire a été lancé pour lundi, date théorique de reprise des cours.

Syndicalistes, opposants de gauche, islamistes, citoyens ordinaires, avec femmes et enfants: des milliers de manifestants - 3000 selon un policier - ont fait le siège tout la journée du palais de la Kasbah où travaille le Premier ministre Mohammed Ghannouchi au centre de Tunis.

"Le peuple vient faire tomber le gouvernement", scandaient dès l'aube les participants à la "Caravane de la libération", partis la veille du centre-ouest pauvre et rural du pays, dans les rues encore désertes de la capitale.

Rejoint par un flot continu de manifestants de Tunis, ils ont été les premiers à faire le siège de la Primature, débordant des cordons de policiers et de militaires.

"Ils ont volé nos richesses, ils ne voleront pas notre révolution", "on ne va pas vendre le sang des martyrs", proclamaient deux banderoles accrochées aux grilles des fenêtres du bâtiment, témoignant de la défiance de la rue à l'égard du nouveau gouvernement, dominé par les caciques de l'ancien régime.

Les manifestants brandissaient les portraits des victimes de la répression du soulèvement populaire, au cours duquel au moins 100 personnes ont trouvé la mort selon l'Onu.

"Nous sommes venus de Menzel Bouzaiane, de Sidi Bouzid, de Regueb pour faire tomber les derniers restes de la dictature", lance le vieux Mohammed Layani, drapé dans un drapeau tunisien.

Ces villes sont les principaux foyers de contestation du centre-ouest frondeur et déshérité, en première ligne lors de la révolte populaire et d'abord strictement sociale qui devait provoquer le 14 janvier la chute brutale du président Ben Ali.

Mais la protestation vient aussi des rangs des islamistes, une nouvelle fois discrètement présents dimanche dans les manifestations.

"Ils essayent de faire peur en agitant la menace islamiste, mais on a aussi droit à la liberté. Il faut faire une place au mouvement islamiste: toutes les sensibilités doivent être représentées dans un régime démocratique", estime Souhir, une jeune femme portant le voile.

Très contesté, le gouvernement semble tabler sur un essoufflement du mouvement dans les jours à venir et s'efforce de remettre le pays sur les rails en relançant notamment l'activité économique.

Grève des enseignants

Lundi sera une journée test pour jauger l'évolution du rapport de force rue-gouvernement.

Ecoliers, collégiens et une partie des lycéens doivent théoriquement reprendre le chemin des classes, fermées depuis le 10 janvier, quatre jours avant la fuite de Ben Ali en Arabie Saoudite, mais le syndicat des enseignants du primaire a appelé à une "grève générale illimitée" dès ce lundi pour exiger un nouveau gouvernement débarrassé de tout cacique de l'ère Ben Ali.

Le ministre de l'Enseignement supérieur, l'opposant Ahmed Ibrahim, a appelé les instituteurs à renoncer à cette "grève irresponsable", lors d'une réunion de son parti, mouvement Ettajdid, au cours de laquelle il a justifié sa participation au gouvernement "pour éviter le vide total".

Les autorités ont par ailleurs annoncé dimanche l'assignation à résidence de deux des plus proches collaborateurs de Ben Ali, le président du sénat et ancien ministre de l'Intérieur Abdallah Kallel, et l'éminence grise du régime, Abdel Aziz Ben Dhia.

Arrestations pour «haute trahison»

L'agence a aussi annoncé l'arrestation de Larbi Nasra, propriétaire de la chaîne de télévision privée Hannibal, qui a cessé d'émettre. Il est accusé de "haute trahison et complot contre la sécurité de l'Etat" pour avoir voulu "favoriser le retour de l'ancien dictateur" Ben Ali.

Larbi Nasra a été arrêté en même temps que son fils Mahdi, marié à une femme appartenant à la famille honnie de l'épouse de l'ex-président, Leïla Trabelsi et qui travaillait également pour Hannibal.

"Larbi Nasra oeuvrait par le biais de sa chaîne à faire avorter la révolution des jeunes, semer la désordre, inciter à la désobéissance et à la diffusion de fausses informations dans le but de créer un vide constitutionnel et de saboter la stabilité dans le pays et le pousser vers le chaos", selon une source autorisée citée par l'Agence tunisienne de presse.

Pour sa part, l'Arabie saoudite a assuré dimanche avoir voulu "contribuer à désamorcer la crise et arrêter l'effusion de sang du peuple tunisien" en donnant l'asile à Ben Ali.

(Source AFP)

11-01-24 - Libération -- En Tunisie, des détenus dans un état de terreur

24/01/2011 à 00h00

En Tunisie, «des détenus dans un état de terreur»

Reportage

Malgré l’amnistie générale adoptée jeudi, les prisonniers politiques n’ont pas quitté des cellules de plus en plus dangereuses depuis la révolution du jasmin.

Par LÉA-LISA WESTERHOFF Correspondante à Rabat (Maroc), CHRISTOPHE AYAD Envoyés spéciaux à Tunis

D’une main fébrile, Otmane Saïdi sort des photocopies d’une housse d’ordinateur convertie en porte-documents. Le certificat médical de son fils Rami, attestant qu’en 2007 il souffrait de troubles psychiques et était sous traitement médical. Ses bulletins de notes à l’université de Sousse. Depuis cinq jours il ne sait plus vers qui se tourner pour obtenir de l’aide. «On nous a dit qu’il y avait eu des libérations… Voilà cinq jours que je suis à Tunis, et toujours rien», raconte le vieil homme. Quelques heures avant il a rendu visite à Rami, âgé de 27 ans. Toujours derrière les barreaux, à la prison de Mornaguia, près de Tunis. En 2009, il a été condamné à quatre ans de prison ferme au titre de la loi antiterroriste. La famille a fait appel. Depuis, les audiences ont sans cesse été repoussées. Qu’a-t-il fait ? « Rien ! assure son père. Il n’est pas politisé, les islamistes ça ne l’a jamais intéressé.»

Samir ben Amor, avocat, connaît bien ce type de cas. Secrétaire général de l’Association internationale de soutien aux prisonniers politiques (AISPP), il est l’un des rares à avoir défendu les dossiers de terrorisme pendant les années Ben Ali. Il estime aujourd’hui à plus de 3 000 le nombre de détenus condamnés au titre de cette loi du 10 décembre 2003 - adoptée lors de la Journée mondiale des droits de l’homme, et intitulée «Contribution de la Tunisie à l’effort international contre le terrorisme». «C’était une façon de se garantir le soutien occidental après le 11 Septembre.» Dans les faits, la loi permet de poursuivre n’importe qui sur une simple présomption, sans preuve matérielle. Pour Ben Amor, il ne fait pas de doute que ces «islamistes» sont des prisonniers politiques, au même titre que ceux d’opinion.

islamistes. Comme beaucoup, Otmane Saïdi espérait donc retrouver son fils libre, samedi, suite à l’adoption d’une loi d’amnistie générale deux jours plus tôt, par le tout jeune gouvernement de transition tunisien. Le texte, qui doit encore passer devant le Parlement, concerne officiellement tous les prisonniers politiques, islamistes compris. «Le mouvement Ennahda [parti islamiste interdit, ndlr] sera concerné par l’amnistie générale», avait confirmé jeudi le ministre de l’Enseignement supérieur, Ahmed Brahim. Vendredi, le Premier ministre de transition, Mohamed Ghannouchi, a aussi promis d’abroger les textes antidémocratiques comme la loi antiterroriste. Sur le terrain, les promesses sont plus lentes à se réaliser. «Jusqu’à maintenant, aucun membre d’Ennahda ni aucune personne arrêtée en vertu de la loi antiterroriste n’a été libéré», affirme Abdelkarim Harouni, membre d’Ennahda et vice-président de Liberté et équité, une association de protection des droits de l’homme. Une information confirmée par le représentant de Human Rights Watch, Eric Goldstein qui parle d’une dizaine de libérations, essentiellement des détenus en préventive. «Si ce gouvernement se veut crédible, il faut libérer ces prisonniers d’opinion tout de suite et leur accorder des droits civils et politiques pour qu’ils puissent redevenir des citoyens à part entière», poursuit Harouni, lui-même privé de passeport du fait de son appartenance à Ennahda. Fondé en 1981 par des intellectuels inspirés par les Frères musulmans égyptiens, Ennahda («renaissance») a été d’abord toléré, avant de se voir interdit, ses militants pourchassés et emprisonnés, après avoir enregistré un score de 17% aux élections générales de 1989.

meurtres. «Dans les prisons, la situation est très dangereuse, de plus en plus de morts nous sont signalés par les familles», affirme Abdelkarim Harouni qui cite des cas de meurtres par balles dans les prisons de Bizerte, de Tunis et de Sousse. Hedia Daraji confirme. La dernière fois qu’elle a obtenu un court droit de visite pour voir son fils à la prison de Borj al-Roumi, près de Bizerte, «il était derrière une vitre mais le téléphone pour se parler était cassé. On n’a pu échanger que par gestes». Quand elle lui a demandé si des prisonniers avaient été tués ces derniers jours, il a montré trois fois ses deux paumes ouvertes : trente. «C’est grave, renchérit Me Samir Dilou, président de l’AISPP. A l’heure où nous parlons, il se passe des choses terribles dans les prisons. Plus de prisonniers sont morts derrière les barreaux qu’il n’y a eu de morts durant toute la révolution. Des détenus sont abattus comme des chiens, d’autres sont laissés sans nourriture. Les prisonniers vivent dans un état de terreur.»

Selon les décomptes de l’AISPP, 100 à 150 prisonniers sont morts. Une quarantaine ont perdu la vie dans l’incendie du centre de détention de Monastir (au sud-est de Tunis), d’autres ont été victimes des tirs des gardiens, morts par étouffement dû aux gaz lacrymogènes ou de manque de soins, à Sfax, Sousse ou Bizerte. Des informations impossibles à confirmer de source indépendante. 

11-01-24 - Libération -- remaniement imminent, selon un ministre

24/01/2011 à 08h52

Tunisie: remaniement imminent, selon un ministre

Un remaniement ministériel en Tunisie est imminent, «peut-être d'ici demain», a annoncé à l'AFP le porte-parole du gouvernement de transition Taieb Baccouch, sans suggérer que tous les caciques de l'ex-équipe Ben Ali partiraient comme le réclame la rue.

«Il ne faut pas oublier qu'il y a des postes non pourvus», a-t-il déclaré dans un entretien avec des journalistes de l'AFP, rappelant que cinq ministres ont démissionné la semaine dernière: trois syndicalistes, un opposant et un membre de l'ancien parti au pouvoir le Rassemblement constitutionnel tunisien (RCD).

«Peut-être qu'il va y avoir de nouvelles démissions. Donc il y aura un minimum de six, sinon plus, postes à pourvoir, et cela va nécessiter forcément un remaniement ministériel d'ici peut-être demain», a ajouté M. Baccouch, une personnalité indépendante issue du monde syndical, qui est également ministre de l'Education.

«Des contacts sont en cours», a-t-il poursuivi.

«L'armée nationale se porte garante de la Révolution»

Cet après-midi, dans un discours improvisé sur l'esplanade de la Casbah, devant des centaines de manifestants rassemblés près des bureaux du Premier ministre, le général Rachid Ammar, chef d'état-major de l'armée de terre tunisienne, a promis: «L'armée nationale se porte garante de la Révolution. L'armée a protégé et protège le peuple et le pays».

«Nous sommes fidèles à la Constitution du pays. Nous protégeons la Constitution. Nous ne sortirons pas de ce cadre», a ajouté le général Ammar, qui jouit d'une immense popularité en Tunisie, parce qu'il a refusé de faire tirer sur des manifestants comme le lui demandait Ben Ali.

Le chef d'état-major a appelé les manifestants, dont beaucoup de jeunes issus des provinces déshéritées et rebelles du centre du pays, à lever le siège des bureaux du Premier ministre, qu'ils ont entamé dimanche et poursuivi lundi, défiant le couvre-feu.

«Vos demandes sont légitimes. Mais j'aimerais que cette place se vide, pour que le gouvernement travaille, ce gouvernement ou un autre», a-t-il poursuivi, évitant d'apporter un soutien trop explicite à l'actuel cabinet.

«Vive l'armée!», ont crié à plusieurs reprises les manifestants. Une voix s'est toutefois élevée pour insister: «Le peuple veut un gouvernement civil!».

«Mes enfants»

La foule rassemblée a entonné l'hymne national après le discours du général, qui a usé d'un ton rassurant et affiché sa proximité avec la population en utilisant le dialecte tunisien et en appelant à plusieurs reprises les manifestants «mes enfants».

Ces paroles suffiront-elles à calmer la colère des manifestants? Ce lundi, ils étaient de nouveau des milliers à exiger sans faiblir la démission du gouvernement de transition, notamment devant le siège du Premier ministre où des heurts limités ont eu lieu avec la police, alors que les instituteurs faisaient grève pour soutenir le mouvement.

Rassemblés sur l'esplanade de la Casbah, les protestataires réclament toujours la démission du gouvernement formé lundi dernier et dominé par les caciques de l'ancien régime du président Ben Ali.

De quelques centaines à l'aube, ils sont devenus à nouveau des milliers -«entre 3 et 5.000» selon un militaire- en début d'après-midi à protester sur l'esplanade de la Kasbah, près du palais où travaille le Premier ministre Mohammed Ghannouchi.

«La Kasbah, c'est la Bastille de la Tunisie»

«La Kasbah, c'est la Bastille de la Tunisie et on va la démonter, comme les sans-culottes français ont fait tomber la Bastille en 1789», promettait un manifestant.

D'autres cortèges, auxquels se sont joints notamment des lycéens, ont défilé avenue Habib Bourguiba, l'artère principale de la capitale.

Tôt, près des bureaux du Premier ministre, à l'endroit où ont campé toute la nuit malgré le couvre-feu de jeunes ruraux arrivés la veille de la région de Sidi Bouzid, foyer de la «révolution du jasmin», des heurts ont opposé la police à des groupes de manifestants.

Un homme, venu avec la «caravane de la libération», lors d'une manifestation à Tunis le 24 janvier. (Finbarr O'Reilly / Reuters)

Des policiers anti-émeute ont tiré des gaz lacrymogènes contre des manifestants qui leur lançaient des pierres alors que d'autres policiers tentaient d'exfiltrer des fonctionnaires du siège du gouvernement.

Plus tard, un groupe a totalement saccagé une voiture de police vide dans une rue voisine, après s'être précipité sur des personnes qu'ils avaient prises pour des membres du gouvernement entrant dans un bâtiment officiel.

A chaque fois, les militaires, très populaires pour avoir refusé de tirer sur la foule avant la chute de Ben Ali, ont fait barrage entre protestataires et policiers.

Après un week-end de mobilisation anti-gouvernementale, lundi devait tester l'évolution du rapport de force entre la rue et le gouvernement, qui table sur un hypothétique essoufflement de la contestation populaire.

Ses efforts pour remettre le pays sur les rails ont d'entrée été plombés par une «grève illimitée» des instituteurs réclamant eux aussi le départ des anciens ministres de M. Ben Ali, en ce jour de reprise officielle des cours dans les maternelles, le primaire et pour les lycéens de classe terminale.

«On prend nos gosses en otages»

«Selon nos informations, le mouvement est suivi à 90-100% dans tout le pays. Il n'y a que quelques rares cas d'enseignants non-grévistes», a assuré à l'AFP le secrétaire général du Syndicat national des enseignants du primaire, Hfayed Hfayed. Le gouvernement n'a pas immédiatement donné d'estimation.

Cette grève a provoqué la grogne de nombreux parents. «Cette grève est irresponsable, on prend nos gosses en otages», s'emportait Lamia Bouassida devant l'école primaire de la rue de Marseille à Tunis.

Dans la banlieue de Tunis, à Mourouj, quelques parents ont insisté pour faire admettre leurs enfants dans les salles de classe, dénonçant «une grève politique».

Une conférence prévue de presse du ministre de la Justice, Lazhar Karoui Chebbi, sur les enquêtes visant le clan Ben Ali et celui de son épouse Leïla Trabelsi a par ailleurs été reportée à une date non précisée.

A l'étranger, le président français Nicolas Sarkozy, très critiqué pour sa réserve lors de la «révolution du jasmin», a reconnu que la France n'avait «pas pris la juste mesure» de la situation.

Nicolas Sarkozy, le 24 janvier. (Philippe Wojazer / Reuters)

«Derrière l'émancipation des femmes, l'effort d'éducation et de formation, le dynamisme économique, l'émergence d'une classe moyenne, il y avait une désespérance, une souffrance, un sentiment d'étouffement dont, il nous faut le reconnaître, nous n'avions pas pris la juste mesure», a-t-il reconnu.

La «révolution du jasmin» a donné une «leçon» à l'Union européenne et aux Etats-Unis sur leurs rapports avec des dictatures, a pour sa part estimé le directeur général de Human Rights Watch, Kenneth Roth.

«Nous avons été particulièrement déçus par la réaction de la France», qui «n'a appuyé les manifestants que quand le président Zine el-Abidine Ben Ali était pratiquement sur le départ», a-t-il critiqué, jugeant que les Etats-Unis, dont le président Barack Obama a pris «clairement le parti de la démocratie» ont «été meilleurs».

(Source AFP)

11-01-24 - Nouvel Obs -- heurts devant le siège du gouvernement, grève des instituteurs

24/01/11 10:45 Réagir

Tunisie: heurts devant le siège du gouvernement, grève des instituteurs

Des manifestants ont jeté lundi matin à Tunis des pierres et des bouteilles sur des policiers anti-émeutes qui ont riposté par des tirs de gaz lacrymogènes près des bureaux du Premier ministre du gouvernement de transition controversé. (c) Afp

Un affrontement a opposé devant le siège du gouvernement lundi à Tunis policiers et manifestants exigeant le départ des ministres de l'ancien régime, tandis que la reprise des cours était plombée par une grève à l'ouverture d'une semaine cruciale pour la survie du cabinet.

La Tunisie restait plongée dans la tension alors que des milliers de manifestants hostiles à l'équipe, formée il y a tout juste une semaine mais très contestée, ont reçu le renfort symbolique de ruraux de l'intérieur à l'origine de la chute du président Zine El Abidine Ben Ali.

"On va rester jusqu'à ce que le gouvernement démissionne et s'enfuie comme Ben Ali", a déclaré à l'AFP Othmene, 22 ans, militant de l'Union générale des étudiants de Tunisie (UGET).

Lundi matin, des policiers anti-émeute ont tiré des gaz lacrymogènes contre des manifestants qui leur lançaient des pierres devant les bureaux du Premier ministre après que des policiers eurent tenté d'exfiltrer des fonctionnaires des bureaux de Mohammed Ghannouchi, a constaté l'AFP.

Sur les centaines de manifestants qui avaient passé la nuit malgré le couvre-feu sur l'esplanade de la Kasbah, près du palais du Premier ministre, plusieurs dizaines ont couru vers les policiers, provoquant un mouvement de foule. Des policiers ont tiré quelques grenades lacrymogènes sur les manifestants qui leur ont jeté des bouteilles en plastique, puis des pierres et tout ce qui leur tombait sous la main.

Après le bref incident, les portes du palais du Premier ministre étaient étroitement gardées par l'armée. Les accès à la Kasbah ont été fermés par des barbelés et des cordons de l'armée et de la police.

Un millier de personnes, venues notamment de la région de Sidi Bouzid, danle centre, d'où est partie à la mi-décembre "la révolution du jasmin", rejointes par des Tunisois, ont commencé vers 07H00 du matin (06H00 GMT) à appeler de nouveau au départ du gouvernement d'union nationale.

Des dizaines de manifestants ont été tués par balles par la police pendant la révolte populaire d'un mois qui a eu raison le 14 janvier du régime de M. Ben Ali.

Des centaines de ruraux ont dormi sur l'esplanade la Kasbah, dans des sacs de couchage, ravitaillés en nourriture et boissons par des voisins, sous la surveillance de l'armée.

D'autres groupes de manifestants venus de province doivent arriver prochainement dans la capitale, selon des messages qui circulent sur le réseau social Facebook.

Lundi est considéré comme une journée test pour jauger l'évolution du rapport de force entre la rue et le gouvernement, qui fait le gros dos pour le moment et semble tabler sur un hypothétique essoufflement de la contestation populaire.

Ses efforts pour remettre le pays sur les rails ont d'entrée été plombés par une "grève illimitée" des instituteurs réclamant eux aussi les départ du gouvernement provisoire des anciens ministres de M. Ben Ali, en ce jour de reprise théorique des cours dans les maternelles, le primaire et pour les lycéens de classe terminale.

"Nous n'avons pas une image complète de la situation mais il semble que la grève est bien suivie à Médenine, Tataouine (sud-est), Mahdia (centre-est) et Kasserine (centre-ouest)", a affirmé à l'AFP Nabil Haouachi, membre du syndicat national de l'enseignement primaire.

A Tunis, des nombreux parents se sont pressés aux portes de la grande école primaire de la Rue de Marseille. Mais, après des discussions avec les instituteurs, ils ont ramené leurs enfants à la maison.

Dans la banlieue de Tunis, à Mourouj, quelques parents ont insisté pour faire admettre leurs enfants dans les salles de classe, dénonçant "une grève politique". Il y ont renoncé également, comme à Ben Arous et Mégrine, autres banlieues du sud de Tunis, où s'est reproduit le même scénario, selon des journalistes de l'AFP.



11-01-24 - Le Monde -- la pression populaire s'accentue sur le gouvernement

Tunisie : la pression populaire s'accentue sur le gouvernement

LEMONDE.FR avec AFP | 23.01.11 | 20h26  •  Mis à jour le 24.01.11 | 14h59

Manifestants devant devant le siège du gouvernement, dimanche 23 janvier 2011.REUTERS/ZOHRA BENSEMRA

La pression de la rue a pris une nouvelle dimension à Tunis, lundi 24 janvier. Les manifestants qui exigent depuis une semaine la démission du gouvernement d'union nationale, en raison de la présence controversée dans ses rangs de caciques de l'ancien régime Ben Ali, ont vu à nouveau leurs rangs grossir : ils étaient des milliers à s'être rassemblés, notamment devant le siège du premier ministre.

Des policiers ont tiré quelques grenades lacrymogènes pour disperser les manifestants qui leur jetaient des pierres et des bouteilles. Ces incidents se sont produits alors que des policiers antiémeutes tentaient d'exfiltrer des fonctionnaires du siège du gouvernement de Mohammed Ghannouchi. Des dizaines de manifestants qui avaient passé la nuit sur place malgré le couvre-feu se sont précipités vers eux en courant, provoquant un mouvement de foule.

L'incident a été bref mais la tension restait vive sur la grande esplanade qui jouxte les bureaux du premier ministre, où des militaires parlementaient avec les manifestants pour tenter de les calmer. Des militaires qui servent donc de barrage entre protestataires et policiers. L'armée reste en effet très populaire pour avoir refusé de tirer sur la foule avant la chute de Ben Ali.

GRÈVE ILLIMITÉE DES ENSEIGNANTS

Ce lundi devrait être une journée test pour jauger l'évolution du rapport de force entre la rue et le gouvernement. Ecoliers, collégiens, et une partie des lycéens, doivent théoriquement reprendre le chemin des classes, fermées depuis le 10 janvier, quatre jours avant la fuite de Ben Ali en Arabie saoudite, mais le syndicat des enseignants du primaire a appelé à une "grève générale illimitée" pour exiger un nouveau gouvernement débarrassé de tout cacique de l'ère Ben Ali.

Le ministre de l'enseignement supérieur, l'opposant Ahmed Ibrahim, a appelé les instituteurs à renoncer à cette "grève irresponsable", lors d'une réunion de son parti, au cours de laquelle il a justifié sa participation au gouvernement "pour éviter le vide total".

La grève "illimitée" des instituteurs tunisiens a été "suivie à 90-100% dans tout le pays", a affirmé, lundi, le secrétaire général du Syndicat national des enseignants du primaire, Hfayed Hfayed, estimant qu'"il n'y a que quelques rares cas d'enseignants non grévistes". La reprise de la scolarité, qui doit s'échelonner au cours de la semaine dans les collèges et lycées, est un test important pour le gouvernement de transition de Mohammed Ghannouchi, qui tente de remettre le pays sur les rails.

Des Tunisiens venus du centre-ouest du pays encerclaient, dimanche soir 23 janvier, le palais du premier ministre, pour réclamer le départ du gouvernement des cadres du régime déchu de Ben Ali.REUTERS/ZOHRA BENSEMRA

"FAIRE TOMBER LES DERNIERS RESTES DE LA DICTATURE"

Syndicalistes, opposants de gauche, islamistes, citoyens ordinaires, avec femmes et enfants : des milliers de manifestants avaient entamé le siège, toute la journée de dimanche, du palais de la Kasbah, où travaille le premier ministre, Mohammed Ghannouchi. "Le peuple vient faire tomber le gouvernement", scandaient depuis l'aube les participants à la Caravane de la libération, partis la veille du centre-ouest pauvre et rural du pays, dans les rues encore désertes de la capitale. Rejoints par un flot continu de manifestants de Tunis, ils ont été les premiers à faire le siège de la primature, débordant des cordons de policiers et de militaires. "Ils ont volé nos richesses, ils ne voleront pas notre révolution", affichait une banderole accrochée aux grilles des fenêtres du bâtiment, témoignant de la défiance de la rue à l'égard du nouveau gouvernement, dominé par les caciques de l'ancien régime.

Les manifestants brandissaient les portraits des victimes de la répression du soulèvement populaire, au cours duquel au moins cent personnes ont trouvé la mort, selon l'ONU. "Nous sommes venus de Menzel Bouzaiane, de Sidi Bouzid, de Regueb pour faire tomber les derniers restes de la dictature", lançait un vieil homme, drapeau tunisien sur les épaules. Un nouveau groupe d'environ trois cents habitants de Kasserine, autre haut lieu de la révolte populaire, a rejoint les protestataires trois quarts d'heure avant le couvre-feu. Des messages sur Facebook faisaient état d'autres groupes de provinciaux s'organisant pour marcher lundi sur la capitale.

DEUX PROCHES DE BEN ALI EN RÉSIDENCE SURVEILLÉE

Les autorités ont par ailleurs annoncé, dimanche, l'assignation à résidence de deux des plus proches collaborateurs de Ben Ali, le président du Sénat et ancien ministre de l'intérieur, Abdallah Kallel, et l'éminence grise du régime, Abdel Aziz Ben Dhia.

L'agence de presse tunisienne a aussi annoncé l'arrestation de Larbi Nasra, propriétaire de la chaîne de télévision privée Hannibal, qui a cessé d'émettre dimanche après-midi. Il est accusé de "haute trahison et complot contre la sécurité de l'Etat" pour avoir voulu "favoriser le retour de l'ancien dictateur" Ben Ali. Larbi Nasra a été arrêté en même temps que son fils Mahdi, dont l'épouse appartient à la famille honnie de l'épouse de l'ex-président, Leïla Trabelsi, et qui travaillait également pour Hannibal.

11-01-24 - Le Monde -- RCD - la fin incertaine d'un parti-Etat

RCD : la fin incertaine d'un parti-Etat

LEMONDE.FR | 24.01.11 | 19h59  •  Mis à jour le 24.01.11 | 19h59

Des manifestants réclament le départ des ministres issus du RCD, à Tunis, le 21 janvier.AP/Christophe Ena

"RCD, dégage !" Le slogan a spontanément remplacé les "Ben Ali, dégage !" dès le lendemain du départ de l'ancien président, preuve que le Rassemblement constitutionnel démocratique, parti à la solde de Ben Ali, est indéfectiblement associé à l'ancien régime. Le maintien au pouvoir de certains ministres continue d'ailleurs de susciter l'ire d'une partie des opposants.

Par bien des aspects, le RCD rappelle les partis communistes des anciennes dictatures d'Europe de l'Est. Avec ses deux millions d'adhérents revendiqués — sur une population de huit millions d'habitants — le parti a longtemps été incontournable dans la société tunisienne. "Pour avoir accès à une carte de gratuité des soins, un crédit à la banque, une école proche de son domicile, adhérer au parti aidait beaucoup", témoigne Sihem Bensedrine, journaliste et opposante historique rentrée en Tunisie le 14 janvier après avoir dû quitter le pays en 2009. "La carte du parti constituait presque une carte d'identité", explique-t-elle.

"Le parti avait monté une administration parallèle. On adhérait pour obtenir des services comme des bourses scolaires ou accélérer l'électrification de son domicile, mais aussi pour éviter les problèmes : l'adhésion constituait une sorte d'assurance-vie", appuie Vincent Geisser, spécialiste de la Tunisie à l'Institut de recherche sur le monde arabe et musulman.

Une idéologie floue. Le RCD est directement issu du Parti socialiste destourien d'Habib Bourguiba, leader de l'indépendance et prédécesseur de Ben Ali à la tête de la Tunisie. En 1988, Ben Ali se contente de la rebaptiser et d'y placer des cadres favorables pour asseoir sa prise de pouvoir réalisée un an plus tôt. Chef de l'Etat, Ben Ali était aussi le président du parti.

Sur le plan idéologique, le RCD s'est éloigné de la filiation socialiste revendiquée par Bourguiba. Bien qu'affilié à l'Internationale socialiste jusqu'à son exclusion prononcée le 17 janvier, le parti était plus proche "d'une idéologie populiste tiers-mondiste", assure Vincent Geisser : "Ben Ali récusait la lutte des classes et prônait l'avènement d'une classe moyenne".

"Mais l'idéologie était de toute façon secondaire, nuance-t-il, le parti était avant tout au service du président et fonctionnait dans une logique mafieuse au service des proches du pouvoir". "On n'adhérait jamais au RCD par idéologie, mais uniquement par clientélisme", soutient Sihem Bensedrine. De toute façon, aucune divergence ou débats d'idées n'étaient tolérés au sein du parti.

Un maillage de la société. Au-delà du parti, c'est un ensemble de structures qui permettait au RCD de cadrer entièrement la société tunisienne. "Le parti fonctionnait dans une logique sectorielle en étant présent dans les entreprises, dans les universités, dans l'administration et dans une logique territoriale : n'importe quel bourg possédait son bureau du parti avec un représentant", décrit Vincent Geisser.

Des organisations satellites telle que l'organisation des étudiants du RCD ou les scouts permettaient de s'infiltrer dans tous les pans de la vie sociale. A l'étranger également, des associations proches du parti permettaient "de surveiller toutes les manifestations anti-Ben Ali et d'intimider les manifestants", assure Vincent Geisser. Un maillage qui permettait au parti de détecter toute divergence. Le parti était présent jusque dans la famille de certains opposants, à l'image du père de Slim Amamou, récemment entré au gouvernement.

Un parti aux abois. Depuis le départ de Ben Ali, le RCD se décompose. L'immense siège, installé sur l'avenue Mohamed V à Tunis, semble abandonné à quelques employés qui s'occupent eux-même de faire tomber l'enseigne du parti, raconte Libération. Le site Internet du parti est inaccessible, seul le cache de Google permettant de retrouver la prose incomparable au service de Ben Ali.

"Tous les bureaux du RCD dans tout le pays sont fermés, les représentants du parti se terrent", assure Sihem Bensedrine. Les seules décisions que le parti est encore capable de prendre semblent le diriger vers la fin : l'exclusion de Ben Ali ou la dissolution du bureau politique, l'organe exécutif du parti. Tous les ministres du nouveau gouvernement issus de l'ancien régime ont par ailleurs décidé de le quitter.

Un avenir incertain. Le RCD peut-il intégrer le jeu démocratique sur le modèle de la plupart des partis communistes d'Europe de l'Est ? Certains opposants préféreraient le voir disparaître totalement du paysage politique, à l'image de Moncef Marzouki, qui a réclamé sa dissolution de crainte que le parti arrive à maintenir son influence. D'autant plus que le soupçon règne sur la réalité du virage démocratique entrepris par les ministres issus du parti.

D'autres sont au contraire persuadés que le RCD ne présente plus aucun danger. "Le parti est déjà cliniquement mort. Prononcer sa dissolution serait un simple constat de sa fin. Cela resterait un acte symboliquement fort mais ne serait qu'un détail", assure de son côté Sihem Bensedrine, en réclamant avant tout que les cadres soient jugés. Quant aux autres, "on ne peut pas purger toute l'administration de ses techniciens".

Le syndicaliste Houssine Dimassi, nommé ministre de la formation et de l'emploi, démissionnaire depuis mardi à la demande de son organisation, la puissante Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT), juge également que le RCD est "une composante du pays" incontournable. "On ne peut pas l'exclure du gouvernement. Cela n'a pas de sens, mais il doit avoir une place proportionnelle à son poids", plaide-t-il.

"On pourrait imaginer que certains membres du parti se présentent aux élections sous l'étiquette d'un RCD purgé de ses éléments les plus impliqués dans les dérives mafieuses et criminelles", avance même Vincent Geisser, imaginant le RCD sous la forme "d'un parti libéral-démocratique auquel certains anciens opposants pourraient même adhérer".

Jean-Baptiste Chastand

11-01-25 - Libération -- A Tunis, face-à-face entre des pro et des anti-gouvernement

25/01/2011 à 13h49 (mise à jour à 19h17)

A Tunis, face-à-face entre des pro et des anti-gouvernement

274 réactions

A Tunis, dès l'aube, un millier de manifestants ont exigé de nouveau devant le siège du Premier ministre Mohamed Ghannouchi, la démission du gouvernement de transition dominé par des membres du régime déchu de l'ex-président Ben Ali (© AFP Fethi Belaid)

L'essentiel - Un premier défilé pro-gouvernement a eu lieu à Tunis, dispersé par des manifestants hostiles à ce cabinet. Les instits mettent fin à leur grève. Mais sur l'esplanade de la Casbah, la mobilisation se poursuit pour exiger la démission des membres de ce gouvernement. L'opposant Moncef Marzouki y a été pris à parti aujourd'hui, par des protestataires qui disent vouloir éviter toute récupération politique. Un émissaire américain a entamé une visite, la première d'un envoyé occidental depuis la chute de Ben Ali.

Premier face-à-face musclé entre partisans et adversaires du gouvernement

Plusieurs centaines de jeunes opposants ont dispersé dans le centre de Tunis une manifestation de soutien au gouvernement d'union nationale.

Les manifestants pro-gouvernementaux, qui remontaient l'avenue Bourguiba, se sont heurtés à des centaines de jeunes, parmi lesquels des supporters ultra de football, arrivant en sens inverse et les repoussant brutalement vers les rues latérales.

Les opposants ont arraché à leurs adversaires banderoles et pancartes affichant leur soutien au gouvernement, sans que les policiers présents à proximité n'interviennent.

«Rendez-vous dans six mois», délai maximum dans lequel doivent se tenir les élections présidentielle et législatives et «UGTT, laissez le gouvernement réussir la transition», ont scandé d'autres à propos de la centrale syndicale dont les militants veulent faire tomber le cabinet d'intérim.

Fin de la grève des instits

Le syndicat tunisien des enseignants du primaire a appelé mardi à la fin de sa «grève illimitée» visant à obtenir la démission du gouvernement de transition, après deux jours d'un mouvement qu'il a qualifié de «grand succès».

Moncef Marzouki pris à parti

L'opposant tunisien historique Moncef Marzouki a été vivement pris à partie à Tunis par des manifestants sur l'esplanade de la Casbah, qui l'ont insulté et poursuivi, le contraignant à quitter les lieux précipitamment. L'incident s'est produit quand l'opposant a voulu saluer la foule devant le ministère des Finances où des avocats tunisiens lançaient des slogans contre le gouvernement.

Immédiatement, un groupe de jeunes manifestants s'est rué sur lui, en l'insultant, et le traitant d'«agent des Français et des Américains». «Ils disent que je suis un mécréant», a expliqué, essoufflé et visiblement choqué ce dirigeant de la gauche laïque âgé de 65 ans. Mais pour un des manifestants qui l'a poursuivi, il s'agit seulement d'empêcher toute récupération politique de la «révolution du jasmin», d'où qu'elle vienne. Le groupe qui a pourchassé Moncef Marzouki s'est ensuite vivement fait rabroué par les autres manifestants.

Moncef Marzouki est candidat à l'élection présidentielle qui doit être organisée d'ici six mois en Tunisie, qualifiant de «mascarade» le gouvernement d'union nationale. Il est l'ancien président de la Ligue tunisienne des droits de l'homme.

La mobilisation contre le gouvernement de transition se poursuit

A quelques kilomètres de là, des milliers de personnes rassemblées devant le siège du Premier ministre continuaient par ailleurs, comme chaque jour depuis une semaine, à exiger la démission du gouvernement de transition, en raison de la présence en son sein de caciques de l'ancien régime Ben Ali.

Et à Sfax, deuxième ville du pays pour l'activité économique, la section régionale du syndicat UGTT a appelé à la grève générale pour mercredi, pour exiger la démission du gouvernement de transition et la dissolution du RCD, l'ex-parti au pouvoir.

Les Etats-Unis, premiers à envoyer un émissaire parmi les Occidentaux

Jeffrey Feltman, secrétaire d'état adjoint pour le Proche Orient, a souligné l'importance d'élections pour stabiliser la situation en Tunisie.

«Ce qui décidera si le gouvernement est démocratique est une question qui trouvera seulement sa réponse avec des élections», a-t-il souligné au cours d'un point de presse.

Le responsable américain est le premier envoyé occidental à se rendre en Tunisie depuis la chute de Ben Ali.

En Egypte, manifestations inspirées de l'exemple tunisien

Des dizaines de milliers de personnes (15.000 au Caire, la capitale) ont manifesté contre le gouvernement, répondant à un appel lancé sur les réseaux sociaux.

Et aussi...

Le président du Sénat démissionne. Abdallah Kallel, qui est en résidence surveillée depuis dimanche, a démissionné de ses fonctions, a annoncé l'agence officielle TAP.

260 millions d'euros d'aide pour les régions rurales pauvres. Le gouvernement a annoncé le versement d'une aide exceptionnelle de 260 millions d'euros, à destination des régions rurales les plus pauvres du pays.


11-01-25 -TE -- la Révolution des Nouzouh n’a pas l’odeur du jasmin

25 janvier 2011

Tunisie : la Révolution des «Nouzouh»* n’a pas l’odeur du jasmin

Par Michael Ayari et Vincent Geisser

Pour Michael Béchir-Ayari et Vincent Geisser, chercheurs à l’Institut de recherche et d’étude sur le monde arabo-musulman, la « révolution » tunisienne réunit une dimension générationnelle et culturelle rappelant le mai 68 français ainsi qu’une dimension émeutière portée par un sous-prolétariat exclu et humilié. Décryptage.

Si la « Révolution du jasmin » évoque la douceur du parfum de la fleur du même nom, la « Révolution des œillets » au Portugal (Revolução dos Cravos) renvoyait, elle, à tout le moins pour les lusophones, aux clous de la crucifixion christique.

Aucune connotation sacrificielle dans la « révolution » tunisienne. Seuls demeurent un néo-orientalisme touristique et une sémantique rappelant celle des deux premières années du règne de l’ « artisan du changement », Zine El Abidine Ben Ali, qui aimait qualifier précisément son « coup d’Etat médical » de « Révolution du jasmin ».

Guère étonnant que ce terme ait été contesté par les principaux acteurs de ce soulèvement populaire. S’il fallait donner le nom d’une fleur pour symboliser cette révolution, ça serait plutôt celle du figuier de barbarie**, la seule « autorisée » à pousser dans ces régions arides.
 
Le retour à la normale prôné de ses vœux par le gouvernement de transition paraît bien plus inquiétant qu’un calme après la tempête. En effet, la brèche ouverte par la colère des exclus serait sur le point de se refermer.

Ces invisibles et ces sans-voix, dont les jeunes chômeurs issus des régions déshéritées du pays représentent le parangon, sentent mieux que n’importe quel observateur que leur lutte est sur le point de servir les vieilles élites citadines, comme naguère au XIXe siècle celle des ouvriers allemands avait pu servir le roi de Prusse. Pour comprendre ce scénario bien huilé, il est nécessaire de revenir sur les moments et les dimensions de cette colère populaire.
 
BASSIN MINIER DE GAFSA

Celle-ci se manifeste il y a deux ans lors du mouvement du bassin minier de Gafsa, quasiment inaperçu dans les médias français et tunisiens. Cette lutte de plus de six mois appelait déjà au respect de la justice sociale et de la dignité.

Réclamer du travail revenait à s’attaquer à un véritable système de solidarités tribales, de népotisme et de clientélisme, encadré par la police et les responsables du parti au pouvoir. Le tout se déroulait sur fond de promesses de développement local dans une « zone d’ombre » dont les habitants n’avaient plus que leur honneur à perdre.

Des centaines de Tunisiens ont été arrêtés, torturés ou bien emprisonnés, plusieurs sont morts dans les affrontements avec la police. Et le gouvernement a fini par installer des unités de production industrielle, génératrices d’emplois autour de l’épicentre de cette révolte, sorte de répétition générale.
 
Le 17 décembre 2010, Mohammed Bouazizi s’immolait à Sidi Bouzid, dans le gouvernorat voisin, se détruisant, à défaut de détruire ceux qui l’ont détruit. Le 22 décembre 2010, toujours à Sidi Bouzid, Houssine Ben Faleh Falhi mourrait électrocuté sur un poteau électrique, alors qu’il proclamait haut et fort son droit à la dignité, tel Nidhal le héros du long métrage Essaïda réalisé en 1996 par le cinéaste tunisien Mohamed Zran.
 
Les émeutes, d’abord localisées dans cette petite ville du nom d’Abou Saïd, personnage populaire burlesque et miséreux, se sont rapidement propagées dans les régions les plus déshéritées du pays.

Les premiers slogans appelant au départ de « Ben Ali et de sa clique de voleurs » rythmaient les manifestations de soutien aux martyrs, suicidés ou victimes des tirs à balle réelle. Le 4 janvier 2011, l’annonce par Achourouk, journal pro-régime, du plus grand projet d’investissement dans le gouvernorat de Sidi Bouzid a, à rebours de l’effet escompté par les pouvoirs publics, déplacé le centre de gravité des affrontements vers Kasserine, chef-lieu du gouvernorat voisin à l’est. (Voir la carte)

Malgré le climat de guérilla urbaine alourdi par les tirs de snipers, les émeutes se sont diffusées dans la majeure partie des villes du pays n’atteignant pas toutefois les grands centres urbains.

En effet, il faut attendre l’intervention de la centrale syndicale, l’Union générale tunisienne du travail (l’UGTT), seule organisation possédant une réelle capacité de mobilisation populaire, pour que la colère s’y dirige, canalisée dans des manifestations organisées.

Dans le sillage de la grève générale du matin du 14 janvier 2011, des lycéens, étudiants, avocats, chômeurs, employés et bientôt une foule de Tunisiens criaient « dégage !» à l’unisson devant le ministère de l’Intérieur précipitant la fuite de Ben Ali et la fin du premier acte de cette « révolution ».
 
NOUZOUH

Aussi, ce récit sommaire plaide-t-il, à juste titre, sinon pour souligner le rôle des inégalités régionales de développement et partant du sentiment d’injustice qu’elles entretiennent, du moins pour placer à l’origine de l’explosion de cette colère le sous-prolétariat des régions de l’intérieur du pays.

En effet, celui-ci est exclu sur le plan économique car chômeur et indigent. Il est exclu sur le plan social car discriminé à l’embauche et humilié par ses diplômes le rendant paradoxalement responsable aux yeux du tout un chacun de son inactivité professionnelle ou de son « déclassement ».

Il est enfin exclu sur le plan politique, car ces jeunes « nouzouh », descendants des hilaliens et des tribus nomades, effraient les oppositions politiques et para-politiques légales composées en majorité d’élites citadines de plus de 50 ans concentrées dans le triangle huppé de la capitale (Carthage, La Marsa, Sidi Bousaïd).
 
Pour autant, cette révolte des « nouzouh » a enclenché une dynamique démocratique par le bas sur le point de s’enrayer. Au sein de comités populaires spontanés, ces jeunes, armés de bâtons parfois terminés de couteaux à l’image des paysans qui, jadis, attaquaient les cavaliers du Bey (le monarque), libéraient leur parole, devenant tous théoriciens du politique et spécialistes de droit constitutionnel. Délivrés de leurs stigmates, ils étaient acteurs de l’Histoire, chez eux, jusqu’à être récemment contraints de marcher symboliquement vers Tunis comme par réflexe ancestral.
 
Dans la capitale, certains y étudient déjà l’informatique, les sciences de la gestion ou les langues étrangères et transfigurent leur triple exclusion par une fascination pour l’imaginaire de la conspiration sur Internet, fréquentant parfois les jeunes bourgeois de Tunis (beldis) unis comme eux contre un moloch insaisissable présent tant dans les cerveaux que dans les flux électroniques.
 
« LAISSE-MOI VIVRE ! »

Car, une fois les inégalités régionales et sociales reléguées au second plan, reste la lutte culturelle d’une jeunesse dont le sentiment d’étouffement est proportionnel à son désir de détruire ce qui entrave sa liberté d’être et d’avoir.

En effet, tant décrié par les sorbonnards dans la France de mai 1968, l’accès à la société de consommation ne semble pas représenter une aliénation pour ces jeunes.

Au contraire, l’ouverture du marché tunisien à de nouveaux produits leur évoque davantage la possibilité d’endosser de nouvelles identités. Il faut croire que le pôle délimité par le modèle du mafieux type « Al Pacino » cristallisé de manière maladroite par Imed Trabelsi, le neveu de Leïla Ben Ali, ou celui de l’islamiste salafiste de quartier, trop idéologisé, voire « retourné » par la police, ne suscitent pas d’identification positive.
 
En effet, ils en ont assez de ne disposer que de quelques marges d’action entre ces deux extrêmes : jeune marié plus ou moins pieux écoutant le dernier CD MP3 de musique populaire que tout le monde possède, buveur de rouge ou de Celtia (la bière locale), fréquentant les discothèques « branchés » ou « squattant » dans le quartier, jeune femme séductrice portant lunette Ray-Ban ou bien affichant sa piétée par un couvre-chef, gage de sérieux exhibé aux prétendants masculins.

Sur le plan idéologique, les choix se réduisent quasiment à un marxisme-léninisme aux relents tribalistes et étatistes, des convictions nietzschéennes de gauche ou de droite, une religiosité identitaire de type Islam new age de marché ou des croyances théologico-politiques plus totales et radicales alimentées par le spectacle télévisuel des exactions de l’armée américaine en Irak.
 
C’est comme si finalement, la société tunisienne entretenant de plus en plus d’airs de famille avec la société albanaise ou moldave, notamment sur le plan de ses pesanteurs traditionnelles, de sa corruption systémique, du développement de la prostitution de ses femmes et du tape-à-l'œil de ses bandes mafieuses, revendiquait son moment post-moderne à travers ses jeunes proclamant aux caciques du régime, aux nouveaux riches trop ostentatoires et aux idéologues de tout poil : « lâche-moi ! » et « laisse-moi vivre ! ».

MAI 68

À ce titre, cette « révolution » est une révolution générationnelle semblable à un mai 68 qui aurait réussi, portée et publicisée par l’avant-garde résolue d’une société individualiste, incarnée par la figure émergente de l’« hacktiviste » féru de Facebook et amateur du film dystopique « V pour Vendetta ».
 
Les grandes transformations qui ont récemment affecté le tissu symbolique et socioéconomique de cette société maghrébine se sont manifestées chez les jeunes, tant par un brouillage des rôles entre les sexes que par un sentiment de paupérisation et de frustration générateur de dépressions psychologiques.

Elles ont également engendré un déni de la souffrance d’autrui destiné à masquer sa propre souffrance – une forme de banalisation du mal – et enfin une soumission à contrecœur à la hiérarchie des « vieux », moins éduqués, empêtrés dans des « archaïsmes » de pensée et de comportement.

Il faut croire que tout a voulu éclaté au même moment. Le régime autoritaire si inique qu’il soit sur le plan moral n’était pas l’unique cause de ce désarroi salvateur. En revanche, il en a représenté le symbole.
 
La « révolution » tunisienne réunit ainsi une dimension générationnelle et culturelle rappelant le mai 68 français ainsi qu’une dimension émeutière portée par un sous-prolétariat exclu et humilié. En ce dernier sens, elle demeure en phase avec les nouvelles mobilisations qui semblent se profiler en Europe occidentale et en Amérique du Nord.

Par ailleurs, sa « réussite », à tout le moins le fait qu’elle ait démantelé partiellement un régime et exclut ses représentants les plus zélés de l’imaginaire national, montre que le « volontarisme révolutionnaire » du gauchisme maoïste et tiers-mondiste est caduc. Elle révèle qu’une révolution peut éclater sans qu’une minorité agissante insuffle l’esprit révolutionnaire à des masses « inertes », atomisées par la misère et le contrôle social.
 

De ce point de vue, elle sert sans nul doute d’antidote aux désillusions de nombre de soixante-huitards du Maghreb et d’ailleurs, secrètement fidèles, malgré leur activiste d’antan, à la théorie du primat des conditions socio-économiques réelles dans la dynamique révolutionnaire.

Si, son dénouement est heureux, elle montrera également qu’un pouvoir peut s’écrouler malgré la surveillance serrée des prétendues activités de « subversion » à l’échelle d’un pays.

Quoi qu’il en soit, même si les luttes sociales conduisent à la chute de l’actuel gouvernement, à l’élection d’une assemblée constituante et à une véritable « révolution démocratique » dans la durée, seule l’Histoire nous prouvera si le sous-prolétariat des « nouzouh » des régions oubliées de Tunisie a bel et bien lutté pour son roi de Prusse, le futur maître de Carthage.
 

* En dialecte tunisien, le terme « Nouzouh », qui a une connotation parfois péjorative, désigne les populations des régions rurales de l’intérieur du pays par opposition aux « Beldis » (les élites citadines).

** La journaliste franco-tunisienne Nabihah Gasmi et le militant politique Sadri Khiari refusent catégoriquement la formule de « Révolution de jasmin », fleur des banlieues huppées de Tunis, lui préférant celle de « Révolution de la figue de barbarie ».


11-01-26 - Libération -- La Tunisie craint de se faire voler sa révolution

26/01/2011 à 00h00

La Tunisie craint de se faire voler sa révolution

Reportage

Les puissants syndicats demandent la dissolution du gouvernement. Le remaniement se fait attendre.

Par LÉA-LISA WESTERHOFF Envoyée spéciale à Tunis Léa-Lisa

Manifestation à Tunis, le 25 janvier 2011. (AFP Fethi Belaid)

Manifs et contre-manifs. Les partisans du gouvernement de transition, plusieurs centaines de personnes, défilent en groupe sur l’avenue Bourguiba, l’artère centrale de Tunis. Quelques pancartes : «Le vrai choix se fera par le vote, en attendant soyons unis», ou encore, inscrit en rouge et noir, «Appel aux enseignants : travaillez ! L’avenir de nos enfants n’est pas un jeu.» Depuis le trottoir, les «anti» regardent. La rencontre est électrique.

«Nous, on est debout, pas vous !» crie Hichem, grosse moustache, prof d’une cinquantaine d’années. «C’est pas vrai, le pays est dans l’anarchie totale, il faut se remettre au travail», répond Chaer, trader, les cheveux gominés et rasé de près. Ceux qui manifestent en faveur du gouvernement de transition démentent évidemment s’être déplacés à l’appel de l’ex-parti au pouvoir. Mais les observateurs sont sans appel : c’est la première fois que le RCD ressort dans la rue depuis le départ de Ben Ali. «Le risque de contre-révolution est réel», commente Nizar Amami, membre de l’Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT). Dans la journée, pour la première fois, des incidents ont été signalés à Gafsa, Monastir et Sousse.

Au siège de l’Union syndicale maghrébine, l’UGTT travaille à l’élaboration d’une sortie de crise. Avec des bureaux présents dans tout le pays et 500 000 adhérents, c’est la seule force structurée de la société civile. L’ensemble des associations tunisiennes et des partis politiques légaux et non reconnus ont donc été invités autour d’une table. La proposition : demander au président par intérim, Fouad Mebezza, de dissoudre le gouvernement de transition, puis en constituer un nouveau débarrassé des membres de l’ancien régime.

«Si on ne dissout pas ce gouvernement comme le demande la rue, la semaine prochaine, ce sera le président par intérim qui sera remis en cause, et ensuite la rue risque de demande à l’armée d’intervenir, nous voulons éviter ça», explique Me Abdelaziz Mezoughi, membre de l’association pour l’indépendance de la justice.

Hier soir, la Tunisie attendait toujours l’annonce du remaniement ministériel «imminent». Pendant ce temps, différents ministères signalaient la destruction de leurs archives. Des restes de papiers découpés jonchaient encore les trottoirs. De nouvelles manifestations et grèves sont annoncées pour aujourd’hui.

11-01-26 - Al Jazeera -- Tunisia protests turn violent

Tunisia protests turn violent


Police clash with demonstrators who want interim-government reshuffle to exclude all members of former government.

Last Modified: 26 Jan 2011 12:25 GMT



Demonstrators have clashed with Tunisian police as peaceful protests demanding those loyal to the ousted government quit turned violent.

It was not clear how the clashes near the government offices in the capital, Tunis, began on Wednesday, but the Reuters news agency said that witnesses saw riot police use tear gas on hundreds of demonstrators, mainly teenagers and young men who threw stones.

The interim government has struggled to assert itself in the face of street protests demanding more sweeping changes after Zine El Abidine Ben Ali, the long-time president, fled the country on January 14 in the face of a popular uprising over poverty, corruption and political repression.

Tension has risen this week as many protesters continue demonstrations and strikes while the government, backed by the army, attempts to bring the country back to normal.

Al Jazeera's Nazanine Moshiri, reporting from Tunis, said that hundreds of protesters, who appear to be from rural regions, have been camping out at the government compound to make their voices heard.

"They want all members of the former ruling party out of the coalition government," she said.

"Rocks were thrown at the police, tear gas and water cannons were used against protesters. There have been numerous injuries. It is calm right now but tension is growing [among people from these areas].

"They say they are not going anywhere till the coalition government resigns. They do not want any members of Ben Ali's regime still in government," she said.

Arrests wanted

Meanwhile, the interim Tunisian justice minister has asked Interpol to help arrest Ben Ali, his wife Leila
Trabelsi and other members of the family who fled the country during the uprising.

Lazhar Karoui Chebbi said on Wednesday that Tunisia wanted to try Ben Ali and his family for "possessing [expropriated] property and transferring foreign currency abroad".

He named seven members of Ben Ali's family in Tunisian custody but said that Imed Trabelsi, a nephew of Leila Trabelsi, and Sakher al-Materi, Ben Ali's son-in-law, had fled abroad.

Chebbi said the name of Leila's brother Belhassan Trabelsi had also been presented to Interpol.

He said six members of Ben Ali's presidential guard in custody would be tried for "conspiring against state security and inciting people against each other with weapons".

On the same day, UNHCR representatives, human rights activists and lawyers are expected to arrive in Tunisia, accompanied by Tunisian exiled figures, including Abdelrahman Ayet Ahmed, a prominent opposition lawyer who is filing cases against Bin Ali's top officials.


Source:

Al Jazeera and agencies


11-01-26 - Novosti -- les autorités appellent 9.500 prisonniers évadés à se rendre

Tunisie: les autorités appellent 9.500 prisonniers évadés à se rendre

16:23 26/01/2011

Le gouvernement provisoire tunisien a exhorté mercredi près de 9.500 détenus évadés lors des récentes émeutes à retourner en prison, rapporte la chaîne de télévision qatarie Al-Jazira, se référant au ministre de la Justice du pays, Lazhar Karoui Chebbi.

Près de 11.500 détenus se sont évadés des prisons tunisiennes, dont 9.500 sont toujours en liberté, a indiqué le haut responsable, avant de préciser que 71 prisonniers étaient décédés lors des évasions massives du 14 janvier.

Initiés en décembre 2010, des troubles populaires contre les mauvaises conditions de vie, la corruption et le chômage en Tunisie ont fait plus de 80 morts, des centaines de blessés et ont causé au pays un préjudice économique estimé à 1,6 milliard d'euros. Le président Ben Ali s'est réfugié en Arabie Saoudite. La présidence par intérim a été confiée au premier ministre Mohammed Ghannouchi, puis au président du parlement Foued Mebezza. Le scrutin présidentiel anticipé doit se tenir dans moins de deux mois.

11-01-26 - Le Nouvel Observateur -- [HEURE PAR HEURE] Tunisie semaine du 17 au 23 janvier

[HEURE PAR HEURE] Tunisie : semaine du 17 au 23 janvier

Publié le 26-01-2011 à 19h06


Semaine du 17 au 23 janvier :

Dimanche 23 janvier

01h10 - Montréal Les membres de la famille de Ben Ali arrivés récemment à Montréal possèdent le statut de résident permanent, ce qui leur confère presque tous les mêmes droits qu'un citoyen canadien, indique le ministre de l'Immigration, Jason Kenney.

20h45 - Paris Le patron de l'UMP Jean-François Copé met en garde contre les risques de "prise de pouvoir par des fondamentalistes islamiques" en Tunisie, et si cela se produit, contre l'afflux de Tunisiens en Europe et "singulièrement en France".

13h50 - Ryad L'Arabie saoudite assure avoir voulu contribuer à arrêter "l'effusion de sang" en Tunisie en acceptant de donner asile à Ben Ali.

12h50 - Tunis On apprend que deux des plus proches collaborateurs du président déchu Zine El Abidine Ben Ali, se trouvent en résidence surveillée et un troisième est activement recherché, selon l'agence officielle TAP.

8h00 - Tunis Un millier de manifestants réclament la démission du gouvernement tunisien de transition dans le centre de Tunis.

 

Samedi 22 janvier :

21h15 - Tunisie Hilary Clinton, chef de la diplomatie américaine et François Fillon, Premier ministre français expriment leur soutien à la Tunisie.

20h05 - Tunis L'importation en Tunisie de livres, revues, films, "n'est plus soumise à autorisation préalable", a annoncé l'administration des douanes.

19h30 - Tunisie Le Congrès pour la République, le parti de l'opposant tunisien Moncef Marzouki, réclame la création d'un Conseil national chargé de rédiger une nouvelle Constitution, ainsi que la démission du gouvernement de transition.

18h40 - Tunis Le syndicat des enseignants du primaire appelle ses adhérents à observer une grève illimitée dès la rentrée prévue lundi pour exiger "la dissolution du gouvernement".

18h30 – Regueb On apprend que des centaines d'habitants du centre-ouest de la Tunisie, d'où est partie la "révolution du jasmin", ont entamé une marche vers Tunis, "la Caravane de la libération", pour réclamer le départ du gouvernement des caciques de l'ancien régime.

17h – Ottawa Des membres de la famille de l'ancien président Ben Ali sont arrivés à Montréal.

15h55 – Berlin Le leader du mouvement islamiste tunisien Ennahdha, actuellement en exil à Londres, mais concerné par une prochaine amnistie, déclare espérer retourner "très bientôt" en Tunisie.

13h – Tunis Les grandes écoles et universités tunisiennes, fermées depuis le 10 janvier, vont rouvrir progressivement à partir du mardi 25 janvier, annonce le ministre de l'Enseignement supérieur, Ahmed Ibrahim.

11h – Genève Un avion appartenant à l'entourage du président Ben Ali est bloqué à l'aéroport de Genève, alors que la Suisse a décidé de geler les avoirs de l'ex-chef d'Etat et de son entourage.

10h45 – Sidi Bouzid Une centaine de policiers se proclamant "victimes" de l'ancien régime du président Ben Ali défilent dans les rues de Sidi Bouzid, ville au sud de Tunis où la "révolution du jasmin" a débuté il y a cinq semaines.

9h - Tunis Des ouvriers agricoles occupent leur ferme, à l'ouest de Tunis, qui avait été confisquée par un neveu du président déchu Ben Ali.

11-01-26 - Le monde -- l'annonce du remaniement est repoussée

Tunisie : l'annonce du remaniement est repoussée

LEMONDE.FR avec AFP et Reuters | 26.01.11 | 10h33  •  Mis à jour le 26.01.11 | 21h04

Des centaines de manifestants réclament la démission du gouvernement de transition.AFP/FETHI BELAID

La pression de la rue augmente, l'annonce du remaniement ministériel est repoussée. Initialement prévue pour la journée de mercredi 26 janvier, elle devrait finalement intervenir jeudi, selon un porte-parole du gouvernement. L'agence de presse Reuters qui cite des sources politiques avance même les ministères concercés : l'intérieur, la défense et les affaires étrangères.

SÉCURITÉ RENFORCÉE

Mercredi, à Tunis, la sécurité a été renforcée près du siège du premier ministre où des centaines de manifestants ont campé sur place pour réclamer la démission du gouvernement de transition. Les forces de sécurité ont bloqué à l'aide de barbelés les accès principaux de la Casbah, l'esplanade de la capitale où se situent les bureaux du premier ministre et de plusieurs ministères. Des policiers anti-émeutes ont pris position alentour. Dans la matinée, la police a tiré des grenades de gaz lacrymogène contre des manifestants qui voulaient forcer un barrage et qui leur jetaient des pierres.

Dans l'après-midi, les autorités ont cependant annoncé un allègement du couvre-feu. Selon l'agence officielle TAP, "en raison d'une amélioration de la situation sécuritaire", le couvre-feu sera en vigueur de 22 heures à 4 heures, remplaçant la précédente interdiction de circuler qui courait de 20 heures à 5 heures.

"QUE LE GOUVERNEMENT TOMBE"

"A bas le gouvernement !" Quelques centaines de manifestants qui ont dormi sur place au mépris du couvre-feu chantaient des slogans sous les fenêtres du premier ministre, Mohamed Ghannouchi. "Nous avons une seule demande : que le gouvernement tombe, ils doivent tous partir, Ghannouchi le premier", a déclaré l'un d'eux. "Il faut nettoyer les restes de l'ancien gouvernement. Ce gouvernement est celui du 7 novembre", date du coup d'Etat de 1987 qui avait porté au pouvoir Zine El-Abidine Ben Ali, en fuite depuis le 14 janvier en Arabie saoudite.

La fermeture des principaux accès à la Casbah par les forces de sécurité, qui ont tenté ainsi d'empêcher le ravitaillement en couvertures et nourriture des manifestants, dont de nombreux provinciaux issus de l'intérieur déshérité du pays, a suscité de l'irritation. "Vous voulez nous affamer, vous voulez nous assiéger", a lancé aux forces de l'ordre un homme venu de Sfax, à 270 km au sud de Tunis.

GRÈVE GÉNÉRALE À SFAX

A Sfax, la deuxième ville de Tunisie, la grève générale a commencé mercredi avec "le débrayage de milliers de travailleurs de tous les secteurs", selon l'Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT). Les grévistes ont commencé à se rassembler devant le siège régional de la centrale syndicale pour demander la dissolution du gouvernement de transition, à l'appel de la centrale. "On va également demander pendant la marche la dissolution du RCD et dénoncer l'information officielle qui s'attaque à l'UGTT", a indiqué un membre du syndicat.

La centrale syndicale a joué un rôle important dans l'organisation des manifestations de la "révolution du jasmin" qui ont abouti à la chute du régime. Elle pèse aujourd'hui fortement dans le mouvement de protestation qui réclame le départ des membres de l'équipe de Ben Ali qui occupent les postes-clés du gouvernement de transition.

Un affrontement entre des habitants de la région de Sidi Bouzid et les forces de l'ordre à Tunis, le 26 janvier 2011. AFP/FETHI BELAID

L'UGTT accuse des nostalgiques du président déchu d'attaquer ses locaux. "Des miliciens et des bandes de malfaiteurs liés à l'ancien régime se sont attaqués, mardi, aux sièges régionaux de Gafsa, Kasserine, Béjà, Monastir et Mehdia", a déclaré Iffa Nasr, porte-parole de la centrale syndicale. Selon lui, les assaillants étaient armés de gourdins, de pierres, d'armes blanches et de chaînes. "Ils ont saccagé les locaux et blessé des syndicalistes à Gafsa", a-t-il affirmé. "Mardi, des inconnus ont tenté d'attaquer à Gafsa le siège régional de l'UGTT, mais l'armée est intervenue pour protéger le bâtiment, qu'elle a dégagé en tirant en l'air", a indiqué Ammar Ben Amroussia. "Des bandes de malfaiteurs composées d'hommes d'affaires liés à l'ancien régime et de cadres du Rassemblement constitutionnel démocratique ont attaqué les syndicalistes à l'intérieur du siège régional syndical", a affirmé ce syndicaliste.

L'UGTT a d'ores et déjà appelé à une "grève générale" jeudi à Sidi Bouzid, foyer de la révolution qui a provoqué la chute du président Ben Ali, pour exiger la démission du gouvernement de transition.

Le ministre de la justice appelle les prisonniers évadés à la reddition

Onze mille détenus se sont évadés depuis la chute de Ben Ali et 2 460 autres ont été libérés, a annoncé mercredi 26 janvier Lazhar Karoui Chebbi, le ministre de la justice, appelant les évadés à la reddition.

Il a également annoncé que 74 détenus étaient morts pendant le soulèvement et ses suites, dont 48 dans l'incendie de la prison de Monastir, à 160 km au sud de Tunis.

Selon le ministère de la justice, 698 personnes ont été arrêtées pour implication dans les troubles qui ont précédé et suivi la chute du président Ben Ali le 14 janvier. Parmi elles, 133 ont été remises en liberté conditionnelle.

11-01-27 - Libération -- La Tunisie cherche à protéger sa révolution

27/01/2011 à 00h00

La Tunisie cherche à protéger sa révolution

Reportage

Alors que le remaniement gouvernemental était toujours attendu, hier soir, l’opposition tente de préserver le pays de nouvelles dérives.

Par LÉA-LISA WESTERHOFF Envoyée spéciale à Tunis

Hier soir, la Tunisie attendait toujours de connaître le nouveau visage de son gouvernement de transition. Sans explication officielle sur le retard de cette annonce initialement prévue pour la matinée. Démission de trois ministres régaliens ? Négociations sur une absence de poursuite judiciaire des ministres démissionnaires ? «D’intenses discussions sont toujours en cours pour arriver à une composition finale du gouvernement qui soit convaincante pour l’opinion publique», a affirmé, le ministre du Développement régional, Ahmed Néjib Chebbi, issu du parti d’opposition PDP.

Pendant ce temps, la société civile et les partis ayant refusé de cautionner ce gouvernement tentaient de s’organiser. Depuis mardi, des consultations intenses ont lieu avec l’Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT), le seul syndicat du pays, pour élaborer une plateforme commune. Ils veulent la démission du gouvernement de transition et, surtout, l’instauration d’un comité de protection de la révolution.

Irréprochable.«Ce comité des sages va avoir comme mission d’assurer une transition pacifique réelle entre l’ancien régime de Ben Ali et le nouveau, car il y a un changement de régime», a expliqué Ahmed Mestiri, 85 ans, à Libération.Ex-ministre de Habib Bourguiba, ce juriste respecté pourrait être l’une des personnalités appelées à le présider. C’est à lui que la Tunisie doit une quasi-égalité entre hommes et femmes dès 1957, avec l’abolition de la polygamie, du mariage forcé ou encore la création d’une procédure judiciaire pour le divorce afin de remplacer la répudiation.

«Nous ne pouvons pas accepter que le régime de Ben Ali s’étende et continue sous une autre forme, les gens n’en veulent plus», explique cet homme qui s’est retiré de la vie politique en 1989. Il estime qu’il faut, dans ce gouvernement, des techniciens et des personnes irréprochables : «Je ne veux pas prononcer de noms, mais nous tenons à ce que ce nouveau gouvernement ne contienne pas de personnalités qui se sont compromises ou ont été impliquées directement sous le régime de Ben Ali. C’est ma condition pour participer au processus.»

Réforme. Le comité de protection de la révolution devrait également donner des directives pour la rédaction de lois urgentes. «Il y a des textes qui doivent être rédigés et promulgués pour cette période transitoire : la loi électorale, les divers textes pour garantir la liberté de presse, la liberté de réunion…» explique Mestiri. Les projets de réforme sont nombreux, encore faut-il pouvoir les mettre en œuvre. Hier soir, les négociations sur la composition de ce comité étaient toujours en cours.

«Ce comité de sauvegarde, c’est très bien», estimait pour sa part, l’avocat Abdelaziz Mezoughi, membre de Centre pour l’indépendance de la justice. Il craint néanmoins que cela complique la donne et brouille le message vis-à-vis de la rue, qui exige au plus vite un nouveau gouvernement de transition.

Des milliers de personnes manifestent chaque jour à Tunis devant les bureaux du Premier ministre pour exiger une équipe expurgée des sept ministres ayant servi sous Ben Ali, sans compter le Premier ministre, Mohamed Ghannouchi, dont ils réclament aussi la tête. L’UGTT a convoqué une grève générale et une manifestation jeudi à Sidi Bouzid, (centre du pays), foyer de la révolte tunisienne. Cet appel fait suite à une autre grève organisée hier à Sfax (est), la seconde ville du pays.

11-01-27 - Libération -- La Tunisie dans l'attente d'un nouveau gouvernement

27/01/2011 à 11h17

La Tunisie dans l'attente d'un nouveau gouvernement

Le contexte - La composition du gouvernement de transition reste vivement contestée. Le remaniement, annoncé depuis lundi, a été repoussé à plusieurs reprises. Il doit intervenir aujourd'hui.

Des milliers de personnes défilent à Sidi Bouzid.

Manif à Sidi Bouzid. Aux cris de «non au vol de la révolution!», des milliers de personnes exigent la démission du gouvernement de transition.

Ils manifestaient à l'appel de la puissante centrale syndicale UGTT qui a convoqué une grève générale dans la ville et sa région pour faire pression sur le gouvernement de transition.

Ce dernier doit annoncer jeudi un remaniement crucial pour sa survie, alors que des milliers de manifestants exigent chaque jour le départ des sept caciques de l'ancien régime Ben Ali qui y siègent jusqu'à présent.

«Dégagez les pourris!», «Ghannouchi, est-ce que tu ne nous a pas encore compris?», scandaient encore les manifestants, à l'adresse du Premier ministre, dernier chef du gouvernement du président Ben Ali qu'il a servi pendant 11 ans.

Le syndicat UGTT réuni à Tunis. La direction de la puissante centrale syndicale tunisienne UGTT se réunit jeudi près de Tunis pour prendre une «décision finale» sur l'acceptation ou non du nouveau gouvernement de transition dont l'annonce est attendue dans la journée, a indiqué son porte-parole Ifa Nasr.

«Nous allons parler du développement de la situation actuelle dans le pays et discuter de la composition du nouveau gouvernement afin de prendre une décision finale», a déclaré à l'AFP le porte-parole national de l'Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT).

La réunion qui devrait durer «deux ou trois heures», se tiendra à partir du milieu de la matinée alors que le gouvernement de transition formé après la chute de l'ex-président Ben Ali peaufine un remaniement sous la pression de la rue qui exige le départ des sept caciques de l'ancien régime qui y siègent, et du Premier ministre Mohamed Ghannouchi.

Ce remaniement crucial pour la survie de l'équipe de transition doit être annoncé jeudi à une heure non précisée.

11-01-27 - Libération -- manifestations à Tunis et Sidi Bouzid contre le gouvernement

Tunisie : manifestations à Tunis et Sidi Bouzid contre le gouvernement

LEMONDE.FR avec AFP | 27.01.11 | 11h44  •  Mis à jour le 27.01.11 | 11h52

 Des manifestants venus de la région de Sidi Bouzid protestent devant le bureau du premier ministre, Mohamed Ghannouchi.AFP/FETHI BELAID

Des centaines de manifestants faisaient, jeudi 27 janvier, le siège du bureau du premier ministre Mohamed Ghannouchi à Tunis, tandis que des milliers d'autres défilaient à Sidi Bouzid, berceau de la révolution tunisienne et où la centrale syndicale a appelé à une grève générale.

A Tunis, les manifestants ont ainsi campé, pour la quatrième nuit de suite malgré le couvre-feu, sous les fenêtres des bureaux du premier ministre alors que le gouvernement de transition, sous pression de la rue, peaufine encore un remaniement crucial.

L'Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT), qui a joué un rôle crucial dans les manfestations de la révolution tunisienne, maintient une forte pression sur l'équipe de transition, dont elle ne reconnaît pas la légitimité, pour qu'elle se débarrasse de tous les ex-ministres du président déchu Ben Ali.

"DÉGAGEZ LES POURRIS !"

A Sidi Bouzid (centre-ouest du pays), des milliers de Tunisiens défilaient aux cris de "non au vol de la révolution!", pour exiger la démission du gouvernement de transition. Ils manifestaient à l'appel de la puissante centrale syndicale UGTT, qui a appelé à une grève générale dans la ville et sa région pour faire pression sur le gouvernement de transition.

"Dégagez les pourris!", "Ghannouchi, est-ce que tu ne nous a pas encore compris ?", scandaient encore les manifestants à l'adresse du premier ministre, dernier chef du gouvernement du président Ben Ali qu'il a servi pendant onze ans, jusqu'à la fuite de ce dernier en Arabie saoudite le 14 janvier.

La veille, l'UGTT avait effectué une démonstration de force en organisant une grève générale dans son bastion historique de Sfax (Centre-Est), la deuxième ville du pays, où des milliers de manifestants ont exigé la démission du gouvernement.

"INTENSES DISCUSSIONS" POUR REMANIER LE GOUVERNEMENT

Le porte-parole du gouvernement de transition, Taïeb Baccouch, a assuré mercredi soir que l'annonce du remaniement interviendrait jeudi, alors que les négociations dans les coulisses du pouvoir s'éternisaient.

"D'intenses discussions sont toujours en cours pour arriver à une composition finale du gouvernement qui soit convaincante pour l'opinion publique", avait auparavant déclaré à la télévision le ministre du développement régional, Ahmed Néjib Chebbi.

11-01-27 - Libération -- Tunisie le chef du gouvernement reconduit mais des ministres de Ben Ali écartés

27/01/2011 à 22h04

Tunisie: le chef du gouvernement reconduit mais des ministres de Ben Ali écartés

Des étudiants tunisiens manifestent devant le siège du gouvernement à Tunis, jeudi. (© AFP Fethi Belaid)

Le Premier ministre tunisien, Mohammed Ghannouchi, dernier chef du gouvernement du président déchu Ben Ali, a été reconduit jeudi à la tête du gouvernement de transition remanié d’où les principaux ministres qui avaient appartenu a l’équipe Ben Ali ont été écartés.

Les postes-clés de l’Intérieur, de la Défense, des Finances et des Affaires étrangères changent de main. Les affaires étrangères sont confiées a Ahmed Ounaïs, un diplomate de carrière qui a servi sous les présidences de Habib Bourguiba et du président Zine El Abidine Ben Ali avant de prendre sa retraite.

Ce gouvernement a été formé à la suite de «consultations avec tous les partis politiques et les composantes de la société civile qui ont accepté d’y participer», a déclaré M. Ghannouchi avant d’égrener la liste de son nouveau gouvernement en direct à la télévision publique.

«Sa mission sera d’organiser des élections pour que le peuple choisissse en toute liberté», a-t-il ajouté, en appelant les Tunisiens «à retourner au travail». Le «gouvernement s’engage à ce que les élections soient organisées sous le contrôle d’une commission indépendante en présence d’observateurs internationaux pour en garantir la transparence», a-t-il ajouté.

Manifestations

Dans la journée des milliers de Tunisiens avaient de nouveau manifesté pour exiger le départ des ministres qui avaient servi le président Zine El Abidine Ben Ali, comme M. Morjane, à l’appel de la puissante centrale syndicale UGGT. Le ministre des affaires étrangères a lui même annoncé sa démission avant l’annonce de la liste du nouveau gouvernement.

Juste avant l’annonce du remaniement ministériel, l’Union générale des travailleurs tunisiens avait également fait part de sa décision de ne pas participer au prochain gouvernement tout en acceptant que M. Ghannouchi en reste le chef bien qu’il ait été le dernier Premier ministre en date de Ben Ali.

Les démonstrations quotidiennes se sont déplacées jeudi vers Sidi Bouzid, dans le centre du pays, berceau de la Révolution du Jasmin.

«Non au vol de la révolution!» ont scandé des manifestants qui ont défilé dans les rues de cette localité où l’immolation par le feu d’un jeune homme à la mi-décembre a marqué le début des émeutes qui ont balayé le régime.

La manifestation s’est déroulée sans incident sous le contrôle d’unités de l’armée déployées à la place de la police, auteur de la répression sanglante qui a précédé la fuite le 14 janvier du dictateur et de sa femme.

Retour

Par ailleurs, le chef du parti islamiste tunisien Ennahda, Rached Ghannouchi, en exil à Londres, prévoit de rentrer dimanche plus de 20 ans après avoir quitté la Tunisie, selon le porte-parole d’Ennahda à Paris.

«Il ne rentre pas en triomphant, en revendiquant une quelconque place au gouvernement, mais comme simple citoyen», a déclaré à l’AFP Houcine Jaziri, représentant en France du parti interdit sous l’ancien régime.

A Tunis, des milliers de manifestants ont poursuivi le siège des bureaux du Premier ministre de transition sur l’esplanade de la Kasbah. L’armée a fait barrage à une manifestation de professeurs et d’élève du secondaire en grève qui tentaient de les rejoindre, a constaté l’AFP.

L’UGTT, qui a joué un rôle fondamental dans l’encadrement de la révolte populaire, s’est réunie jeudi et a pesé de tout son poids pour obtenir le départ de l’exécutif des sept ministres ayant servi le régime corrompu et autoritaire de l’ancien chef de l’Etat.

«Dégagez les pourris !»

A Sidi Bouzid, où l’UGTT a appelé à une grève générale, des milliers de manifestants ont lancé: «Dégagez les pourris!».

Le cortège a marqué une autre pause face au Gouvernorat (préfecture), où Mohamed Bouzazizi, un jeune marchand de fruits, s’était immolé par le feu le 17 décembre. Des manifestants ont déployé une photo géante de leur «martyr» sur le toit du bâtiment officiel, tandis que d’autres criaient: "«Allah Akbar!, (Dieu est grand), nous resterons fidèle au sang des martyrs».

En Egypte, des manifestations sans précédent depuis 30 ans, inspirées du modèle tunisien, se poursuivent pour exiger le départ du président Hosni Moubarack alors l’opposant Mohamed ElBaradei est rentré au pays pour participer à la contestation.

Au Yémen, des milliers de personnes ont manifesté jeudi à Sanaa à l’appel de l’opposition pour réclamant le départ du président Ali Abdallah Saleh, au pouvoir depuis 32 ans.

(Source AFP)

11-01-28 - Rue89 -- la « caravane de la liberté » demande le départ de Ghanouchi

Published on Rue89 (http://www.rue89.com)

Tunisie : la "caravane de la liberté" demande le départ de Ghanouchi

By Henda Chennaoui

Created 01/28/2011 - 09:05

Entête large: 

Depuis le dimanche 23 janvier, des centaines de Tunisiens du centre du pays campent à El Casbahm dans la capitalem Tunis, et sous les fenêtres du Premier Ministre, réclamant la démission du gouvernement provisoire et surtout ses membres ex-RCDistes (le parti de Ben Ali, ndlr), à leur tête Mohamed Ghanouchi, serviteur pendant 11 ans de l4ancien dictateur.

Le soir du jeudi, Ghanouchi annonce un remaniement ministériel important écartant tous les ministres RCDistes. Les manifestants de la Casbah expriment leur joie mais déclarent, au même temps, qu'ils continuent à protester contre le premier ministre. « C'est une question de principe ! On ne peut pas accepter El Ghanouchi qui a tant servi la dictature », nous explique Hazem, un jeune cinéaste.

Le mouvement décide, de continuer les manifestations à la Casbah, sans l'UGTT qui déclare, le jour même, son soutien au gouvernement du Ghanouchi.

Entre temps, la police continue à exercer sa violence et son oppression contre les manifestants pacifistes. Quatre nuits, et cinq jours, pendant lesquels, la police torture ces jeunes par plusieurs méthodes. La plus médiocre est d'interdire l'accès des aides (nourritures et couvertures) venant des citoyens.

La méthode dure

La deuxième méthode, encore plus dure, consiste à l'agression et la violence. L'un des manifestants, Majdi de Gbeli (Sud de la Tunisie), a témoigné que, le 26 janvier, vers 2h du matin, des milices inconnues, ont débarqué avec des armes blanches et des grosses pierres. Au même temps, la police arrive et surveille de loin sans essayer d'intervenir. « Heureusement que l'armée est venue nous protéger de ces criminels » a jouté Majdi.

Le lendemain, 27 janvier, vers 23h, un jeune homme a témoigné que la police a agressé, gratuitement, un manifestant déjà affaibli par la grève de la faim. « Et pour faire de l'ambiance, ils nous jettent de temps à autre des bombes lacrymogènes » ironise-t-il.

Les manifestants souffrent aussi d'une pression médiatique exagérée. Depuis l'arrivée de la caravane de la liberté, les journalistes ont choisi leur camp : c'est celui du gouvernement provisoire. Les médias tunisiens ont réussi à vaincre la grande masse que « la caravane de la liberté rassemble une bande de malfaiteurs, ivrognes et anarchiques ». les médias ont même allé plus loin en défendant l'ancienne composition du gouvernement transitoire comme étant « le meilleur choix pour la stabilité du pays ».

Plusieurs jeunes tunisiens ont adopté ces opinions et ont fait des compagnes anti- manifestants sur Facebook. Certains ont même mis la photo de Ghanouchi pour le soutenir. La majorité a repris la vie normale et se montre indifférente et parfois hostile aux manifestations qui bloquent, selon les médias, l'économie du pays.

Devant cette manipulation médiatique, la caravane de la liberté a pris la décision de refuser tous les médias tunisiens débarquant à la Casbah pour des reportages. Naiîm, de Ben Arous, explique :

« La presse nationale est manipulée, ses journalistes disent que nous sommes des malfaiteurs… Déjà elle nous a déçus et trahis pendant les évènements du 14 janvier… »

Et il ajoute :

« Je suis en contact avec plusieurs journalistes étrangers… nous allons faire entendre notre voix sans la grâce des médias tunisiens ».

Après quelques cris de joie et des félicitations entre manifestants à la Casbah, suite au remaniement du gouvernement provisoire, la caravane de la liberté a décidé, de continuer « la lutte pour nettoyer le pays de tous les corrompus du clan Ben Ali, et à leur tête Mohamed Ghanouchi » nous assurent plusieurs activistes de ce mouvement pacifiste.

Ce vendredi, la caravane de la liberté, organise une marche pacifiste sur tout le centre ville de Tunis avec des avocats, des médecins et d'autres militants de la société civile. Une marche de victoire, mais surtout de réconciliation avec des Tunisois qui les ont un peu déçus ces derniers jours.


11-01-28 - Libération -- A Tunis, nouveaux heurts sous les fenêtres du Premier ministre

28/01/2011 à 13h34

A Tunis, nouveaux heurts sous les fenêtres du Premier ministre

actualisé

Par LIBÉRATION.FR

Un manifestant, vendredi, devant le bureau du Premier ministre. (REUTERS)

La police a fait évacuer vendredi les manifestants qui campaient depuis six jours devant les bureaux du Premier ministre au centre de Tunis, sur la place de la Kasbah. Les unités anti-émeutes ont tiré des grenades lacrymogènes contre les manifestants rassemblés sous les fenêtres du bureau du Premier ministre Mohammed Ghannouchi, et qui leur lançaient des pierres, a constaté l'AFP.

Au moins cinq personnes ont été blessées au cours de ces affrontements, a indiqué un médecin urgentiste sur place. Des unités de la police anti-émeutes, comptant environ deux cents hommes, ont fait mouvement vers la place de la Kasbah en tirant un grand nombre de grenades lacrymogènes. Sur l'esplanade, survolée par un hélicoptère, des militaires ont démonté les tentes utilisées par les manifestants, qui protestaient depuis le 23 janvier contre M. Ghannouchi, et son gouvernement de transition.

Ils ont placé des barrières autour de la place pour empêcher les manifestants de revenir. Dans les rues adjacentes, de nombreuses personnes refluaient en désordre, les yeux rougis et en pleurs à causes des tirs de grenades.

«J'ai vu au moins cinq blessés. Plusieurs saignaient», a affirmé le médecin du Samu de Tunis, Majdi Amami. Il a précisé que deux blessés ont été atteints par des pierres lancées par les manifestants et que la police rejetait ensuite vers eux. Un troisième a été atteint à la tête par une grenade lacrymogène tirée «presque à bout portant», a affirmé ce médecin.

Ghannouchi toujours contesté

Par la suite, les manifestations ont repris sur l'avenue Habib Bourguiba, et, en fin d'aprés-midi, la principale artère de Tunis retentissait des tirs de lacrymogènes, et était remplie de fumée. Sur l'avenue, qui avait retrouvé son visage ordinaire vendredi matin pour la première fois depuis plusieurs jours, les magasins et cafés ont vite fermé.

La zone a été survolée en permanence par un hélicoptère de l'armée, et la police a pourchassé des manifestants dans les rues adjacentes à l'avenue Bourguiba. Le président de la Ligue tunisienne des droits de l'Homme (LTDH), Moktar Trifi, a indiqué avoir demandé au Premier ministre «de faire cesser les tirs de lacrymogènes, de relacher les personnes arrêtées». «Il m'a dit que cela allait être fait», a-t-il ajouté.

Ce sont les premiers affrontements depuis deux jours entre forces de l'ordre et manifestants qui réclament toujours le départ du premier ministre Mohammed Ghannouchi. Voilà qui intervient au lendemain de la formation d'un gouvernement de transition remanié et épuré des principaux caciques de Ben Ali mais toujours dirigé par le Premier ministre Mohammed Ghannouchi qui concentre de ce fait les critiques.

De son côté la France, en espérant qu'il prépare «au mieux» les prochaines élections, a souhaité ce vendredi au nouveau gouvernement tunisien de réussir la période de transition.

Interrogé pour savoir si la France était satisfaite du maintien du Premier ministre Mohammed Ghannouchi, dénoncé par une partie de la population, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères a répondu: «On salue le nouveau gouvernement, on est satisfait ou pas satisfait, c'est plutôt aux Tunisiens d'exprimer un degré de satisfaction».

La chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton a pour sa part invité le nouveau ministre tunisien des Affaires étrangères Ahmed Abderraouf Ounaïs à le rencontrer à Bruxelles, une visite qui aura probablement lieu mardi.

11-01-29 - The Daily Star -- Police destroy protest camp at Tunisian prime minister's office

Saturday, January 29, 2011

By Lin Noueihed and Tom Perry

Reuters

TUNIS: Tunisian riot police broke up a protest camp in the capital Friday, hoping to end days of demonstrations against a government that has undergone a major overhaul to meet some of the crowds’ demands.

The assault on the round-the-clock sit-in came a day after Prime Minister Mohammad Ghannouchi replaced 12 Cabinet ministers in an attempt to placate protesters demanding a purge of all members of the former ruling party.

The reshuffle won the backing of Tunisia’s powerful labor union, which had organized protests around the country, but failed to satisfy several hundred young men who had travelled from the grim cities of the interior to make their voice heard in the capital.

Tawfik Ayachi, a journalist and political commentator, said protesters no longer had “absolute popular support” and the move signalled the government’s intention to put a halt to protests.

He said the changes in the interim government had met the demands of most of the people: “The consensus around it will grow.”

At least one anti-government protest called in Tunis failed to materialize.

Police and soldiers tore down tents outside government offices on the fifth day of the sit-in and chased protesters through the streets after scattering them with teargas. Witnesses said several people had been beaten but hospitals had no word on injuries.

Tunisians have been divided between those who demanded the government be purged of all symbols of the old regime and those who felt life should return to normal.

Thursday’s new Cabinet lineup, which removed all the old guard except Ghannouchi, prime minister for years under Ben Ali, helped swing public opinion away from hard-line protesters.

“I feel this is an improvement. Lots of doors that were closed have been opened. The ones making the noise have a brother or someone who died so they are upset,” said Raed Chawishi, 24, outside the prime minister’s office.

Tunisia’s uprising has electrified Arabs across the Middle East and North Africa, where many countries share the complaints of poor living standards and authoritarian rule.

Inspired by Tunisia’s example, tens of thousands of Egyptians have taken to the streets to demand an end to President Hosni Mubarak’s 30-year rule.

Tunisians protested outside the Egyptian Embassy in Tunis, calling for the overthrow of Mubarak and other Arab leaders. “Hosni Mubarak must fall,” some protesters chanted.

One protester held up a placard reading: “We made it, U can make it too.”

Seeing how fast their protests ended 23 years of oppressive rule, Tunisians have used public gatherings to make all sorts of demands. Doctors gathered outside the Health Ministry Friday and employees have demonstrated to demand better living conditions.

About 200 people marched through central Tunis after Friday prayers to demand religious freedom, the first significant protest by Islamists since the overthrow of Zine al-Abdine Ben Ali, who ran a strictly secular state.

Some carried placards reading: “We want freedom for the hijab, the niqab and the beard.” Under Ben Ali’s rule, women who wore the hijab were denied jobs or education. Men with long beards were stopped by police.

“We demand the revision of the terrorism law … and say no to the war on the niqab,” one woman told Reuters TV, her face entirely covered by a black veil, or niqab.

Islamists played no visible part in the “Jasmine Revolution” that toppled Ben Ali, but when the Ennahda, the country’s largest Islamist movement, was allowed to contest elections in 1989, it came second to the ruling party.

In Brussels, diplomats said EU foreign ministers were expected to agree Monday to freeze Ben Ali’s assets and offer Tunisia better trade terms.

11-01-30 - Algérie Soir -- Le calme revient, le nouveau gouvernement au travail

Tunisie : Le calme revient, le nouveau gouvernement au travail

Journal Horizons

Tunis était  calme hier. Si  elle fut secouée  la veille par de violents affrontements entre policiers  anti-émeutes et des centaines de manifestants délogés manu militari du quartier  des ministères, le  pays a renoué avec le calme. Il semble désormais amorcer  sa transition. Le remaniement gouvernemental réclamé par la rue a  conduit à l’éviction de la quasi-totalité des ministres issus de l’ancien régime. Les citoyens veulent reprendre une vie normale et expriment une réserve sur la persistance des actes de vandalisme et de casse.Des commerçants  ont prêté  main forte à des policiers qui pourchassaient des manifestants dans les petites  rues autour de l’avenue Habib Bourguiba.
Dans une   interview télévisée vendredi, le Premier ministre tunisien contesté,  Ghannouchi, a résumé l’enjeu de la nouvelle situation : «Les deux défis essentiels qui se dressent devant la Tunisie sont  la transition démocratique et la relance de l’activité économique. Le pays a toutefois, selon lui,  «tous les moyens nécessaires pour réussir cette  transition démocratique qui permettra à tous les Tunisiens, toutes  appartenances politiques confondues, de s’exprimer en toute liberté et de  choisir leurs dirigeants après cette phase transitoire», a-t-il  encore affirmé. Insistant sur la nécessité d’une reprise rapide de l’activité économique, il a souligné que malgré une «conjoncture difficile», les réseaux d’électricité  et de télécommunications n’ont pas été interrompus. Même  les rappeurs tunisiens bannis des ondes et harcelés par les autorités  sous l’ancien régime devaient se produire pour la  première fois samedi lors d’un concert doublé d’un rassemblement politique. Ce tableau serein a été toutefois entaché par des échauffourées dans une localité du nord-ouest du pays. Trois membres des forces de l’ordre ont été  blessés par  des jeunes manifestants qui ont incendié vendredi  soir le siège de la sécurité intérieure. Les trois hommes, deux policiers et un soldat, ont été  blessés en voulant dans un premier temps empêcher un groupe d’environ 200  personnes d’attaquer des commerces du centre-ville de Tajerouine. Le temps est au calme et aux comptes.
Le nouveau gouvernement tunisien doit lancer  «d’urgence» des enquêtes sur la mort de dizaines de manifestants et habitants,  tués par les forces de l’ordre lors du soulèvement des dernières semaines, a  déclaré  Human Rights Watch (HRW). «La situation évolue vite en Tunisie, mais il faut déterminer qui a ouvert le feu  sur les manifestants et pourquoi», a affirmé le   responsable de l’organisation de défense des droits de l’Homme pour le  Moyen-Orient et l’Afrique du Nord, au cours d’un point de presse.

11-01-30 - Liberté -- Elle se réveille difficilement de la révolte

Elle se réveille difficilement de la révolte

Tunisie, le jour d’après

Par : Azzeddine Bensouiah
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Après une nuit agitée, qui a été marquée par le démantèlement du dernier bastion de la résistance, place de La Casbah, en face des bureaux du Premier ministre, et les affrontements qui s’en sont suivis, Tunis se réveille, ce samedi ensoleillé, sur l’après-vent.

Le jour d’après s’annonce difficile. Dès les premières heures de la journée, l’avenue Habib-Bourguiba est prise d’assaut par un millier de policiers, toutes tenues confondues. Aux aguets, les policiers “scannent” tous les passants. Les commerces et autres cafés sont tous ouverts.
À l’entrée de La Casbah, un impressionnant dispositif policier est déployé. Même si les boutiques de M’dinet Laârbi ont repris leurs activités, au bout des ruelles, le passage vers le bâtiment du Premier ministère est bouclé par la police. La place est assiégée de fils barbelés. “Circulez, il n’y a rien à voir”, entend-on. Des travailleurs communaux s’affairent à enlever les immondices et les traces des débris de verre qui jonchent le sol. Devant le siège de l’UGTT (la centrale syndicale tunisienne), une centaine de militants continuent à scander leur refus de la reconduction de certaines figures de l’ancien système au sein du gouvernement de transition. De petits groupes de manifestants arpentent l’avenue Bourguiba, étroitement encadrés par les forces anti-émeutes. Beaucoup d’intellectuels affirment que le temps est venu pour passer à autre chose et que la contestation de la rue n’a plus lieu d’être. “La révolution était spontanée, mais la gestion de l’après-Ben Ali ne peut pas être spontanée. Ce ne sont pas les comités populaires qui vont gérer la transition. Ce ne sont pas les émeutiers de Sidi Bouzid ou de Kasrine qui vont siéger au gouvernement. Il y a un minimum de sérieux”, nous lance Mohcene, un intellectuel de gauche.
Les islamistes, timidement mais sûrement, commencent à sortir de leur tanière. Ils affichent ostensiblement leurs signes distinctifs (hidjab, niqab, barbes et qamis) et narguent les foules agglutinées au centre-ville. Ils protestent contre le rattachement du ministère du culte au ministère de l’Intérieur.
À la veille du retour du leader d’Ennahada, Rached Ghannouchi, les islamistes tunisiens se sentent pousser des ailes, même si, sur le plan politico-médiatique, ils préfèrent rester effacés, voire ne pas trop s’exposer.
Ce qui n’est pas le cas pour les autres formations, notamment celles (et elles sont nombreuses) de l’extrême gauche, qui trouvent en cette révolte une occasion — unique ou ultime ? — de se faire entendre.
La Tunisie est en train de changer. Ses citoyens aussi. “Tout le monde se présente en héros et tout le monde se détache de l’ancien régime, même ceux qui applaudissaient et ceux qui faisaient dans la délation”, nous lance Mahmoud, un jeune avocat tunisois, qui semble craindre le jour d’après. “Regardez le numéro un de l’UGTT, c’est le même qui avait servi le régime de Ben Ali et c’est lui qui négocie actuellement avec le gouvernement provisoire et se présente comme la première force du pays qui parle au nom du peuple. Ce n’est pas rassurant tout cela.”
Les irréductibles ont continué à défiler durant toute la journée d’hier. Ils ne veulent pas abdiquer, faire comme si de rien n’était. Ils craignent surtout que cette révolte, qui a provoqué la chute du dictateur et qui a été saluée par la communauté internationale, soit détournée ou accaparée par les anciens du régime de Ben Ali. Ceux qui sont venus, de la Tunisie profonde, dans “la caravane de la liberté” ne veulent pas baisser les bras, sans garanties. Ils savent que la mobilisation faiblira, une fois les foules dispersées.
Autres temps, autres mœurs, la télévision publique diffuse des clips de groupes de rap, et ils sont nombreux, qui chantent la chute du dictateur. Incroyable ! Mais le sentiment général penche vers la fin de la récréation.  Les choses sérieuses devraient commencer à partir de lundi. La Tunisie a tourné la page de Ben Ali, mais elle ne l’a pas encore déchirée. Les craintes de voir les rescapés de l’ancien régime revenir par la fenêtre ne se sont pas toutes dissipées.