avenir d'une offensive

Dossier Tunisie 5

11-01-15 - Libération -- Pour Ben Ali, c’est un complot islamiste

15/01/2011 à 00h00

«Pour Ben Ali, c’est un complot islamiste»

Interview

Mezri Haddad, ambassadeur de Tunis à l’Unesco, a démissionné quelques heures avant le départ du chef de l’Etat.

Par CHRISTOPHE AYAD

Vendredi matin, il défendait encore la politique du président Ben Ali sur France Inter, assurant que les promesses d’ouverture de la veille allaient se concrétiser. En début d’après-midi, Mezri Haddad, l’ambassadeur de Tunisie à l’Unesco, a rendu publique sa démission. Cet ancien opposant de gauche, journaliste et philosophe, rallié au régime Ben Ali en 2000, explique à Libération les raisons de son coup d’éclat. Cet entretien a été réalisé quelques heures avant l’annonce du départ de Ben Ali.

Pourquoi avez-vous démissionné ?

Je ne peux plus supporter l’insupportable. Trop c’est trop. Ce qui se passe est inacceptable, injustifiable.

Qu’est-ce qui a changé ?

On m’a donné de fausses informations. On m’a menti, à moi mais aussi à mon collègue ambassadeur de Tunisie en France [Raouf Najar, ndlr]. J’ai parlé au président Ben Ali le 10 janvier. Je lui ai expliqué ce qui se disait ici dans les médias. Il m’a répondu que ce qui se passait était un complot des islamistes qui se cachaient derrière les manifestants. J’y ai cru, jusqu’à ce que des amis m’ouvrent les yeux et me racontent la réalité de ce qui se passe en Tunisie.

Vous avez parlé à Ben Ali, ce matin ?

Oui, à deux reprises. Je tenais à l’informer de ma démission. Je le lui ai annoncé avant de lui faire parvenir ma lettre de deux pages. Il m’a rappelé pour me dire : "Ne te trompe pas. Ne fais pas ça, pas en ce moment. Je t’assure que les intégristes vont prendre le pouvoir." Je lui ai répondu : "J’espère que ce n’est pas vrai et que l’avenir vous donnera tort."

Croyait-il vraiment à ce qu’il disait ?

Je ne saurais le dire, mais il avait l’air sincèrement convaincu.

Avez-vous des regrets ?

Non, j’ai cru à ce projet. Au sein de ce régime, il y a des conservateurs, voire des réactionnaires. Mais il y a aussi des démocrates, comme Kamel Morjane, le ministre des Affaires étrangères, ou encore le Premier ministre, Mohamed Ghannouchi. Mais cette tendance réformatrice et démocratique est minoritaire.

Qui sont les autres ?

Abdelwaheb Abdallah, le principal conseiller du Président. C’est lui qui lui a raconté tous ces mensonges, il est le principal responsable. Il n’est pas le seul : il y a aussi Oussama Romdhani [le ministre de la Communication, débarqué le 29 décembre, ndlr] et d’autres, tout cet entourage est néfaste.

Y a-t-il une lutte de pouvoir autour de Ben Ali ?

Oui, je le crains. J’accuse Abdelwaheb Abdallah d’avoir fait pirater le site de Kamel Morjane, jeudi, pour annoncer une fausse démission. Ceux qui ont fait cela sont les mêmes qui ont créé une fausse page Facebook il y a un mois en faveur d’une candidature de Morjane à la présidentielle de 2014.

Ce régime est-il réformable ?

Je suis un réformiste, j’ai toujours craint les révolutions : c’est une position philosophique. J’espère que ce qui se passe va déclencher un processus de réformes et non conduire la Tunisie vers le chaos. Je souhaite de tout cœur que mon pays va rester sur la voie de la modernité et qu’il ne va pas plonger dans l’intégrisme.

Quel rôle ont joué les pressions internationales sur le recul de Ben Ali ?

Je ne sais pas, je n’ai pas suffisamment d’informations pour me prononcer sur le rôle qu’auraient pu jouer en coulisses les Etats-Unis ou la France. Je ne pense pas que la France, qui est un allié indéfectible et fraternel de la Tunisie, ait fait quoi que ce soit pour déstabiliser le pays.

Qu’allez-vous faire, maintenant ?

Je vais retourner faire de la philosophie.


11-01-15 - Le Monde -- Les révolutions de velours peuvent se faire dans un pays arabe

Tunisie' : "Les révolutions de velours peuvent se faire dans un pays arabe"

LEMONDE.FR | 14.01.11 | 20h30  •  Mis à jour le 15.01.11 | 11h51

Le premier ministre, Mohamed Ghannouchi, nouveau président tunisien par intérim, vendredi 14 janvier.AFP/MLADEN ANTONOV

Un mois de troubles ont ainsi fini par faire vaciller vingt-trois ans d'un règne sans partage. Acculé par la pression de la rue au terme d'une ultime journée d'émeutes particulièrement violentes à Tunis, vendredi 14 janvier, le président tunisien, Zine El-Abidine Ben Ali, a fini par quitter le pays. Le premier ministre, Mohamed Ghannouchi assurera désormais l'intérim de la présidence, avec le soutien de l'armée.

Ce dernier a lancé vendredi soir, à la télévision, un appel à l'unité nationale. Sa mission consiste désormais à former un gouvernement de transition jusqu'aux élections législatives, qui seront organisées dans six mois. Larbi Chouikha, politologue et militant de la Ligue tunisienne des droits de l'homme, revient sur les événements de la journée et les perspectives qui se profilent au sommet de l'Etat tunisien.

Quel est votre sentiment à l'annonce du départ du président Ben Ali au terme d'un mois de révolte populaire en Tunisie ? Cette annonce vous a-t-elle surpris ?

C'était prévisible car aujourd'hui les manifestations populaires ont été un véritable succès populaire. Toute la Tunisie est descendue pour dire non, et le message a été compris par le président. La police a été débordée et s'est même retirée et cachée. C'est la première étape : Ben Ali est parti. La question pour nous désormais est : "Comment arrêter cette hémorragie d'actes de pillage, qui devient insupportable ?" C'est une débandade qui nous effraie. Ces gosses ne s'attaquent plus seulement aux biens de la famille Trabelsi, mais à des postes de police, aux biens de tous. On est toujours sous couvre-feu et on a très peur. On espère tout de même que cette annonce va calmer les esprits.

Cela montre en tout cas que des révolutions de velours peuvent se faire dans un pays arabe. Pour la première fois, des gens se sont levés pour dire "non, va-t-en", et cela a été une réussite. Quel que soit le nouveau gouvernement, ou président, qui apparaîtra, il devra composer avec la rue. C'est ma plus grande fierté : nous ne sommes pas un peuple qui sombre dans l'obéissance, nous pouvons aussi désobéir. Cela pourrait même avoir un effet domino dans la région. Les Algériens, notamment, ont beaucoup suivi notre mouvement.

Que pensez-vous du choix du premier ministre, Mohamed Ghannouchi, pour mener le gouvernement de transition jusqu'aux prochaines élections législatives prévues dans six mois ?

Le choix de Mohammed Ghannouchi, c'est un moindre mal. Constitutionnellement, cela aurait dû être le président du Parlement, Fouad M'Baza, mais il a dû y avoir une discussion au plus haut niveau de l'Etat. M'Baza a dû refuser ou être contesté. Le choix de Ghannouchi est très certainement un choix négocié par toutes les parties concernées, politique et militaire.

Les partis de l'opposition, qui craignaient le chaos politique engendré par un départ précipité de Ben Ali, sont rassurés car c'est une personne du système. C'est la personnalité politique la plus intègre et la plus consensuelle aux yeux de la majeure partie de la classe politique tunisienne. Il n'a jamais été mouillé dans des affaires de corruption et de népotisme. Son itinéraire politique est ancien et remonte au temps de l'ancien président Habib Bourguiba. C'est un homme de dialogue qui a toujours été à l'écoute de ce que disait l'opposition et a une curiosité vis-à-vis de ce qu'elle pense. Je pense qu'on ne peut que lui accorder un préjudice favorable.

Quelles sont les prochaines étapes pour la classe politique tunisienne ?

La question maintenant est : "Comment M. Ghannouchi va-t-il manœuvrer ?" Cela va dépendre de plusieurs facteurs : le poids de l'armée et le rôle que le parti au pouvoir, le Rassemblement démocratique constitutionnel, va jouer. Mohamed Ghannouchi devrait très certainement composer un gouvernement d'union nationale. Il faudrait que ce gouvernement d'union soit le plus représentatif possible.

Il faut surtout absolument revoir les textes constitutionnels dans la perspective des élections législatives anticipées qu'il doit organiser d'ici à six mois. Tout a été verrouillé sous Ben Ali pour contrer l'opposition, tout est donc à revoir. On ne peut pas encore dire quels partis d'opposition participeront à ce gouvernement, mais beaucoup d'opposants politiques en exil devraient déjà rentrer en Tunisie.

Propos recueillis par Hélène Sallon

11-01-15 - Le Figaro -- pillages inacceptables

Tunisie: pillages "inacceptables"

AFP
15/01/2011 | Mise à jour : 12:13 Réactions (4)

Les autorités tunisiennes déploient tous les efforts pour rétablir l'ordre dans le pays, a déclaré aujourd'hui le premier ministre tunisien désigné Mohammed Ghannouchi, estimant que la poursuite des pillages était "inacceptable".

M. Ghannouchi s'exprimait sur la chaîne satellitaire Al-Jazira en qualité de président par intérim, peu avant que le Conseil constitutionnel tunisien accorde cette fonction au président du Parlement, Foued Mebazaa.

Le président Ben Ali, au pouvoir depuis 23 ans, a quitté hier la Tunisie après une contestation sans précédent de son régime qui a été réprimée dans le sang. Il s'est réfugié en Arabie saoudite. "Nous déployons tous les efforts pour rétablir l'ordre sur l'ensemble du territoire", a dit M. Ghannouchi, admettant "l'infiltration de certaines parties", qu'il n'a pas qualifiées, dans les manifestations de rue. "Il est inacceptable que se poursuivent les pillages", a-t-il ajouté.

Tunis s'est réveillée aujourd'hui sous tension après une nuit de pillages et de mises à sac, et la police bouclait le coeur de la capitale afin d'empêcher tout rassemblement, l'état d'urgence ayant été décrété la veille.


11-01-15 - Le Monde -- Incertitudes politiques après la fuite de Ben Ali

Incertitudes politiques après la fuite de Ben Ali

| 15.01.11 | 15h16  •  Mis à jour le 15.01.11 | 15h16

Le pouvoir est à prendre à Tunis. Le sera-t-il par ceux qui, civils ou militaires, furent les collaborateurs plus ou moins zélés de l'ancien président Ben Ali ? Par des "démocrates", opposants de toujours au régime ? Ou par des islamistes du parti Ennahda ?

Au lendemain de la fuite précipitée, sous la pression de la rue, de l'ancien chef de l'Etat et d'une partie de sa famille vers l'Arabie saoudite, tout est fait à Tunis pour préserver un semblant de légalité.

Mettant en avant l'article 59 de la Constitution, le premier ministre, Mohammed Ghannouchi, a annoncé, vendredi soir 14 janvier, qu'il assumait "provisoirement (...) la charge de président par intérim". Dans une brève allocution, il s'est engagé à "respecter la Constitution et à mettre en oeuvre toutes les réformes (...) annoncées en collaboration avec les partis politiques et les composantes de la société civiles".

Premier ministre depuis onze ans, Mohammed Ghannouchi, 69 ans, n'était pas un intime de Ben Ali. Haut fonctionnaire de formation, plus économiste que politique, peu connu des Tunisiens, il n'a pas été impliqué dans la répression. Les affaires touchant à la sécurité se traitaient en dehors de lui. Mais il a laissé faire et a accepté la mainmise sur la vie politique du parti présidentiel, le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD) dont il était membre du bureau politique depuis 2002.

Lorsqu'il a lu sa brève déclaration à la télévision, M. Ghannouchi était entouré de deux autres caciques du RCD : le président de la chambre des députés, Fouad Mebazaa, 78 ans, lui aussi membre du bureau politique du RCD. Et Abdallah Kallal, 68 ans, président de la Chambre des conseillers - l'équivalent du Sénat français. Ce dernier est, depuis des années, dans le collimateur des organisations de défense des droits de l'homme qui l'accusent d'avoir torturé des opposants lorsqu'il était ministre de l'intérieur dans les années 1990.

Au lendemain d'une révolte populaire qui a fait des dizaines de morts, les Tunisiens accepteront-ils d'être dirigés, même provisoirement, par des hommes issus du "benalisme" ? Ce n'est pas acquis. Mais quelle est l'alternative ?

L'un des problèmes auquel est confronté le pays tient à la faiblesse de l'opposition laïque. Les personnalités qui l'incarnent manquent de troupes. Vingt-trois ans de régime Ben Ali ont fait du champ politique un désert. A telle enseigne que, ces dernières années, les voix les plus fortes de l'opposition émanaient de la Ligue tunisienne des droits de l'homme, la plus ancienne du monde arabe, de journalistes dissidents ou du monde judiciaire.

Le courant islamique profitera-t-il du vide ? C'est la principale inconnue. Lorsque Ben Ali s'est emparé du pouvoir, en novembre 1987, les "barbus" du Mouvement de la tendance islamique (MTI) de Rached Ghannouchi (sans lien de famille avec le premier ministre) constituaient une force politique importante et structurée.

Passée une courte période d'état de grâce entre Ben Ali et Ghannouchi les relations vont se dégrader. Le chef du MTI, qui sera condamné à mort pour "complot", est contraint de s'exiler en Grande-Bretagne tandis que ses sympathisants font l'objet d'une répression féroce qui divise d'ailleurs les "démocrates" : faut-il défendre ou pas les ennemis de la liberté ?

Depuis, la situation a évolué. Le MTI (devenu Ennahda) était toujours interdit en Tunisie mais le pouvoir avait maintenu des contacts avec les islamo-conservateurs. Certains avaient été autorisés à rentrer en Tunisie. Et une banque et une radio islamiques avaient fait leur apparition dans le pays, sous le contrôle de la famille du président déchu.

Ben Ali renversé, Rached Ghannouchi s'est engagé, lors d'une interview diffusée vendredi par France 24, à "travailler avec les mouvements politiques et la société civile pour bâtir un Etat de droit". Mais sera-t-il en mesure de le faire en position de force ?

Jean-Pierre Tuquoi

11-01-15 - Libération -- Ici, dans mon quartier, beaucoup de boutiques ont été dévalisées

«Ici, dans mon quartier, beaucoup de boutiques ont été dévalisées»

temoignage

Par LIBÉRATION.FR

Voici le témoignage de François, à Tunis depuis mardi dernier. Il a vécu en Tunisie de 2001 et 2004. Depuis, il y revient régulièrement.

«Les Tunisiens sont tellement fiers et heureux ce matin. Malgré le désolement des destructions un peu partout et les frayeurs de la nuit, il y a un tel sentiment de fraternité et de dignité nationale retrouvée. Les Tunisiens sont débarrassés de leur honte d’eux-mêmes.

Ce matin, les visages sont marqués par le peu de sommeil, entre auto-surveillance de son quartier, de sa maison, et appels aux amis et à la famille pour prendre des nouvelles.

La nuit a été marquée, à Tunis, par le bruit des patrouilles militaires, accompagnés des hélicoptères, lesquels ont directement tirés sur certaines bandes de pillards. Personne ne doute que ce sont les forces spéciales de Ben Ali qui se défoulent, obéissant aux derniers ordres donnés avant de partir. Ici, dans mon quartier, toutes les boutiques qui n’avaient pas de solides rideaux de fer ont leur vitrines défoncées et, le plus souvent, ont été dévalisées et saccagées. A Sousse, une amie me rapporte que la gare de train a brûlé. Des hôpitaux aussi ont été attaqués. La télévision nationale et les simples citoyens avec Facebook ont contribué à relayer les appels de détresse pour mieux coordonner les interventions de l’armée.

Les «chiens de Ben Ali» ont grand ouvert les prisons, libérant les prisonniers les plus dangereux. C’est une bonne nouvelle, cela fait de la place pour qu’ils y aillent.

Je suis juste déçu de ne pas avoir réussi à shooter au bon moment l’un des portraits géants de ZABA décroché d’un mur d’immeuble de bureau, c’était beau et émouvant. Dans le calme, toute la grande bâche décrochée d’un côté par le haut, était repliée sur elle même et ne laissait plus flotter au vent qu’une partie du fond de l’image, celle du drapeau tunisien. Quel symbole involontaire superbe!»



11-01-15 - Le Figaro -- 42 morts dans un feu en prison

Tunisie: 42 morts dans un feu en prison

AFP
15/01/2011 | Mise à jour : 15:52 Réactions (6)

Au moins 42 prisonniers ont péri dans l'incendie aujourd'hui d'une prison de Monastir, dans le centre-est de la Tunisie, a indiqué à l'AFP un médecin de l'hôpital local, tandis que d'autres centres de détention subissaient des attaques qui ont fait des blessés, selon différentes sources. "Trente-et-un corps ont été transportés dans la morgue et onze ont suivi", a déclaré le Dr Ali Chatli, chef du service de médecine légale à l'hôpital Fatouma Bourguiba de Monastir, à 160 km au sud de Tunis.

Selon ce médecin, l'incendie s'est déclaré lorsque un détenu a mis le feu à un matelas dans un dortoir hébergeant près de 90 détenus au cours d'une tentative d'évasion qui a tourné à la panique suite à des tirs près de la prison. Il a précisé que toutes les victimes du premier groupe ont été identifiées et ont été transportées dans l'hôpital avant l'aube, et que les 11 autres venaient d'arriver. "Les corps sont arrivés carbonisés mais on a pu les identifier", a-t-il ajouté, précisant que les victimes sont mortes de suffocation et de brûlures graves. Il s'agit de l'incident le plus meurtrier depuis le début, il y a un mois des émeutes qui ont conduit à la fuite vendredi de l'ancien chef de l'Etat Zine El Abidine Ben Ali.

A Messadine, dans la même région, au moins une vingtaine de femmes ont été blessées par des éléments incontrôlés habillés en policiers, qui se sont emparés d'armes dans la ville voisine de Msaken avant de répandre la rumeur sur une fausse libération de prisonniers. Des familles de détenus se sont rendus, selon des témoins, à la prison et c'est alors qu'elles ont essuyé des tirs dans la panique et la confusion. Les blessés ont été transportés à l'hôpital Sahloul de Sousse.

A Mahdia, plus au sud, une attaque de la prison a fait trois blessés, selon le directeur de l'hôpital de la ville, Radhouane Harbi qui a évoqué la possibilité de morts à l'intérieur du centre de détention. A l'ouest de Tunis, des tentatives d'attaques ont été signalées à l'AFP par des témoins contre la prison à Mornaguia, à l'ouest de Tunis, dont le plus grand centre pénitentiaire du pays et celle de Fejja. A Mornaguia, des hélicoptères de l'armée survolaient ces deux localités en mettant la population en garde contre le risque de "balles perdues" des assaillants. A Kasserine, dans le centre-ouest, un syndicaliste, Sadok Mahmoudi, a signalé une tentative d'attaque contre la prison de la ville en évoquant toutefois la possibilité d'une implication d'habitants cherchant à libérer de proches.


11-01-15 - Al Jazeera -- Looters roam suburbs of Tunis

Looters roam suburbs of Tunis


Tunisian army called in to restore order as looters and armed gangs exploit prevailing security vacuum.

Last Modified: 15 Jan 2011 04:38 GMT

A security vacuum left by the departure of Zine El Abidine Ben Ali, the Tunisian president, is being exploited by looters and violent gangs, witnesses say.

Residents in several parts of the Tunisian capital, Tunis, said on Saturday that groups were prowling through neighbourhoods setting fire to buildings and attacking people and property, with no police in sight.

Occasional gunshots could be heard in the centre of Tunis as well as the sound of tear-gas grenades being fired, while helicopters patrolled overhead and acrid smoke hung in the air, Reuters news agency reported.

Several witnesses in Denden, 19km from Tunis, said soldiers were dropped by helicopter to try to restore security.

Witnesses told Al Jazeera that masked special forces they suspected of being affiliated to the toppled government, or foreign militias imported by the leadership before exiting the country, were cracking down on looters.

They said that the army published help phone lines for citizens to call to report pillaging and security emergencies.

Martial law

In a dramatic climax to weeks of violent protests against his rule, Ben Ali, who ruled Tunisia for more than 23 years, was pushed out on Friday and Mohamed Ghannouchi, the prime minister, took over as caretaker president.

In an interview with Al Jazeera, Ghannouchi said that everything was being done to restore order.

"Gangs are indulging in looting, wreaking havoc and destruction and spreading fear among citizens. We call on Arab states to help pacify the situation in Tunisia," he said.

"Police are patrolling the streets to restore security and protect public property. Martial law is in effect and the army is deployed in critical and strategic areas.

"We aim now to get things back to normal and restore security."

In working-class suburbs of Tunis, hundreds of residents lined the streets with metal bars and knives trying to ward off looters.

Sources told Al Jazera that there were calls in Tunisia to form civil squads to defend quarters, combat looting and take control of security because the army was only stationed in certain areas.

"There is a terrible state of fear. May God bring us peace," one woman, Lilia Sfaxi, told Reuters. "We cannot live any more like this in total fear."


11-01-15 - Le Figaro -- Pillages dans une banlieue chic de Tunis

Pillages dans une banlieue chic de Tunis

AFP
15/01/2011 | Mise à jour : 17:59 Réactions (36)

Des pillages de maisons, dont certaines appartiendraient aux Trabelsi, la belle famille du président déchu, ont eu lieu hier soir et aujourd'hui à La Marsa, banlieue chic à une vingtaine de kilomètres au nord de Tunis, selon les témoignages de Français.

"Depuis cet après-midi (samedi), on est barricadés chez nous. Des groupes de voyous de 10 à 15 personnes défoncent les portes pour pouvoir piller. Ils circulent avec des couteaux, des armes, s'en prennent aux maisons, que ce soit de Tunisiens ou d'étrangers", a affirmé Stéphanie Buscher, Française de 39 ans jointe par téléphone depuis Paris. "Le grand Carrefour de La Marsa a été pillé hier soir" et "cette nuit, dans ma rue, j'ai vu un groupe de 11 personnes pourchassé par l'armée", alors que "de gros hélicoptères de l'armée nous tournaient autour", a-t-elle ajouté.

Selon elle, "la police a disparu, l'armée paraît débordée" et la situation vire à l'"anarchie". Stéphanie Buscher se dit très inquiète: "On craint pour notre vie, on n'a plus d'essence car les stations ont été pillées, on ne peut plus acheter de nourriture car les magasins sont fermés ou ont été pillés".

"Que la France fasse quelque chose, qu'ils viennent nous chercher, on n'est pas en sécurité! On ne peut plus rester comme ça, on veut quitter la Tunisie", a-t-elle ajouté, "mais à chaque fois qu'on appelle l'ambassade, ils nous disent 'Ne soyez pas inquiets, restez chez vous'".

"A La Marsa, il y a eu des pillages", a confirmé un autre expatrié français vivant dans cette ville, responsable d'une institution financière européenne et qui ne souhaite pas donner son nom: "La population du quartier a d'abord méthodiquement pillé les maisons appartenant aux Trabelsi", la famille de Leïla Ben Ali, épouse de l'ancien président.

"Les gens disaient qu'ils n'en voulaient pas aux biens des habitants, mais qu'ils venaient récupérer ce qui appartenait à la Tunisie. Mais la nuit, des bandes ont commencé à piller d'autres maisons, avec des gens qui étaient virés de chez eux. L'armée est ensuite arrivée et a patrouillé toute la nuit pour tenter de faire respecter le couvre-feu", a-t-il raconté.

Comme lui et sa famille, les expatriés de son institution ont été rassemblés ensuite dans un hôtel de Tunis "afin d'éviter d'être confrontés à des pillages. Mais il n'y a aucune évacuation en projet. A ma connaissance, aucune boîte n'a décidé d'évacuer ses expatriés".


11-01-15 - Le Monde -- Incidents dans Tunis et mutineries dans les prisons

Incidents dans Tunis et mutineries dans les prisons

LeMonde.fr avec AFP et Reuters | 15.01.11 | 08h02  •  Mis à jour le 15.01.11 | 19h18

Au lendemain du départ surprise du président Zine El-Abidine Ben Ali, Tunis vit sous tension, samedi 15 janvier, pendant que la ville de Monastir a connu l'incident le plus meurtrier depuis le début des troubles, il y a plus d'un mois.

Dans cette localité du centre-est du pays, une quarantaine de prisonniers sont morts dans l'incendie d'une prison. "Trente-et-un corps ont été transportés dans la morgue et onze ont suivi", a déclaré le Dr Ali Chatli, chef du service de médecine légale à l'hôpital de Monastir, à 160 km au sud de Tunis.

Selon ce médecin, l'incendie s'est déclaré lorsque un détenu a mis le feu à un matelas dans un dortoir hébergeant près de 90 détenus lors d'une tentative d'évasion qui a tourné à la panique en raison de coups de feu tirés près de la prison. "Les corps sont arrivés carbonisés mais on a pu les identifier", a-t-il ajouté, précisant que les victimes sont mortes de suffocation et de brûlures graves.

A Messadine, dans la même région, au moins une vingtaine de femmes ont été blessées par des éléments incontrôlés habillés en policiers, qui se sont emparés d'armes dans la ville voisine de Msaken avant de répandre la rumeur sur une fausse libération de prisonniers. A Mahdia, plus au sud, une attaque de la prison a fait trois blessés, selon le directeur de l'hôpital de la ville, Radhouane Harbi qui a évoqué la possibilité de morts à l'intérieur du centre de détention. A l'ouest de Tunis, des tentatives d'attaques ont été signalées par des témoins contre la prison à Mornaguia, à l'ouest de Tunis, dont le plus grand centre pénitentiaire du pays et celle de Fejja. A Mornaguia, des hélicoptères de l'armée survolaient ces deux localités en mettant la population en garde contre le risque de "balles perdues" des assaillants. A Kasserine, dans le centre-ouest, une source syndicale a signalé une tentative d'attaque contre la prison de la ville en évoquant toutefois la possibilité d'une implication d'habitants cherchant à libérer de proches.

PILLAGES ET FUSILLADES À TUNIS

A Tunis dans la soirée, des voitures transportant des hommes armés circulaient à vive allure, ouvrant le feu au hasard sur des bâtiments ou des attroupements, rapporte un journaliste de l'agence Reuters. L'identité de ces hommes n'a pas été établie, mais un haut responsable militaire, s'exprimant sous couvert de l'anonymat, a affirmé que des éléments loyaux au président Ben Ali se déployaient à travers la Tunisie.

A la nuit tombée, des habitants de certains quartiers des faubourgs de la capitale se sont rassemblés en groupes d'autodéfense, armés de matraques et d'armes blanches, pour se protéger des pillards. Selon un journaliste de Reuters, seuls les habitants des quartiers sont autorisés à passer. L'armée s'est elle aussi déployée dans plusieurs quartiers de la ville.

La présidence par intérim a déclaré dans la nuit de vendredi à samedi qu'elle avait pour "priorité absolue" le rétablissement de l'ordre public. "Je salue le fait que des groupes de jeunes gens se rassemblent pour défendre leur quartier mais nous pouvons vous garantir que nous allons renforcer leur sécurité", a dit M. Ghannouchi, président par intérim pendant 24 heures.

Plusieurs quartiers de la banlieue de Tunis ont vécu une nuit d'angoisse en raison de destructions et de pillages menés par des bandes de personnes encagoulées, selon les témoignages d'habitants apeurés, qui ont été relayés par les télévisions locales. Des appels ont été lancés à l'armée, qui protège dans le cadre de l'état d'urgence des bâtiments publics, pour qu'elle intervienne d'urgence contre ces bandes.


11-01-15 - Le Monde -- Le président de la chambre des députés est chef de l'Etat par intérim

Tunisie : le président de la chambre des députés est chef de l'Etat par intérim

LeMonde.fr avec AFP et Reuters | 15.01.11 | 11h37  •  Mis à jour le 15.01.11 | 19h24

Le président du Parlement tunisien, Foued Mebazaa, en mars 2007.AFP/FETHI BELAID

Le président de la chambre des députés tunisien, Foued Mebazaa, a été proclamé samedi président par intérim par le Conseil constitutionnel écartant ainsi la possibilité d'un retour à la tête de l'Etat de Zine El Abidine Ben Ali qui a fui en Arabie saoudite.

Vendredi, après la fuite de M. Ben Ali, son premier ministre Mohamed Ghannouchi, 69 ans, était intervenu à la télévision nationale pour revendiquer la présidence par intérim de la Tunisie. Il devait d'ailleurs rencontrer samedi plusieurs figures de l'opposition.

Mais sa nomination en vertu de l'article 56 laissait la porte ouverte à un retour au pouvoir de M. Ben Ali et avait été contestée à la fois par des juristes, une partie de l'opposition et la rue. Cet article ne prévoit pas d'élections et ne donne pas le droit au président par intérim de briguer la présidence.

DES ELECTIONS DANS LES 60 JOURS

De fait, Mohammed Ghannouchi n'avait pas mentionné d'élections après sa nomination, s'engageant seulement à "mettre en oeuvre des décisions" prises par M. Ben Ali, notamment la tenue de législatives anticipées dans un délai de six mois.

Le Conseil constitutionnel tunisien a donc estimé qu'en vertu de l'article 57 (lire encadré ci-dessous) de la loi fondamentale tunisienne, le président de la chambre des députés était le chef d'Etat intérimaire, et non pas le premier ministre. Il a indiqué par ailleurs qu'une nouvelle élection présidentielle devait se tenir dans les 60 jours.

Samedi, M. Mebazaa a confié à M. Ghannouchi la tâche de former un gouvernement de coalition. "J'ai demandé à Mohamed Ghannouchi de former un nouveau gouvernement d'unité nationale", a annoncé à la télévision le président du Parlement, qui venait de prêter serment en tant que président par intérim.

MANIFESTATIONS CONTRES GHANNOUCHI

Ce nouveau rebondissement s'est produit au moment où des manifestations et des marches ont commencé dans des villes de province pour réclamer le départ de Mohammed Ghannouchi dont la présence à la tête de l'Etat n'aura duré que moins de 24 heures.

Ces marches se déroulaient en dépit de l'état d'urgence qui interdit tout rassemblement sur la voie publique et donne aux forces de l'ordre la possibilité de tirer sur ceux violant ces dispositions.

11-01-15 - Le Figaro -- Tunis reste sous tension

Tunis reste sous tension

15/01/2011 | Mise à jour : 21:14

Après une nuit de pillages, des habitants tentent de s'organiser pour se défendre par leurs propres moyens. Dans l'est du pays, une mutinerie dans une prison s'est soldée par la mort de 42 personnes.

Un climat de tension et d'incertitude régnait samedi à Tunis, après une nuit de pillages et le départ soudain en Arabie saoudite du chef de l'Etat, Zine El Abidine Ben Ali, chassé du pouvoir sous la pression de la rue après un mois d'émeutes réprimées dans le sang. Ces dernières auraient causé la mort d'au moins 66 personnes, selon des chiffres communiqués jeudi par la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme. Un bilan qui pourrait toutefois s'alourdir, de nouvelles victimes ayant été signalées depuis.

Samedi, la police a bouclé le coeur de la capitale afin d'empêcher tout rassemblement, l'état d'urgence ayant été décrété la veille. A l'heure du couvre-feu, le centre-ville était désert, et les cafés et commerces fermés.

Néanmoins, des voitures transportant des hommes armés circulaient à vive allure dans certaines rues de Tunis, ouvrant le feu au hasard sur des bâtiments ou des attroupements, selon un journaliste de l'agence Reuters. L'identité de ces hommes n'a pas été établie, mais un haut responsable militaire, s'exprimant sous couvert de l'anonymat, a affirmé que des éléments loyaux au président Ben Ali se déployaient à travers la Tunisie.

«Se défendre soi-même»

Dans Tunis et sa banlieue, des habitants tentaient de s'organiser en comité de défense. Une démarche relayée par le principal syndicat du pays, l'Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT), qui a appelé dans la soirée sur la télévision nationale à la formation de comité de vigiles «pour que les gens puissent se défendre eux-mêmes» en cas d'attaques.

Plusieurs quartiers ont été soumis la nuit précédente à des pillages. Des boutiques et résidences de luxe, propriétés de la famille de Ben Ali et de son épouse Leïla, ont été particulièrement ciblées. A la sortie nord de Tunis, l'hypermarché Géant a été pillé samedi matin, après avoir été attaqué et partiellement incendié la veille. Selon un photographe de l'AFP, des dizaines de personnes sortaient du centre commercial, en emportant tout ce qui leur tombait sous la main, en l'absence de tout représentant des forces de l'ordre. Certains pilleurs fracassaient également les vitrines de magasins épargnés par les flammes, tandis que des chariots vides étaient éparpillés jusque sur une autoroute proche.

Une mutinerie dans une prison a causé 42 morts

Les attaques de supermarchés se sont multipliées ces derniers jours. Plusieurs magasins des enseignes françaises Carrefour et Casino, auxquels sont associés des proches du pouvoir en Tunisie, ont été récemment pillés. Des appels ont d'ailleurs été lancés à l'armée pour qu'elle intervienne contre ces bandes.

L'armée a fait survoler la ville par des hélicoptères alors que les spéculations allaient bon train sur l'identité des responsables de ces pillages. Certains habitants évoquent des miliciens liés aux proches du président en fuite, d'autres affirment qu'il s'agit des prisonniers de droit commun évadés de centres de détention, certains accusent des éléments de la police. Le président par intérim, interrogé par la chaîne Al-Jazira du Qatar sur l'identité de ces casseurs, qui ont également sévi dans plusieurs villes de province, a déclaré : «tout est possible».

Dans l'est du pays, une mutinerie a éclaté dans une prison à Monastir et s'est soldé par la mort de 42 personnes. Des détenus ont tenté de s'enfuir de la prison, ce qui a abouti à un chaos total. Certains prisonniers ont pu s'échapper et d'autres ont mis le feu à des matelas dans une aile de l'établissement pénitencier. Selon des sources médicales, ceux qui sont morts ont été victimes de brûlures et d'intoxication.

11-01-15 - The Independent -- Tunisia continues descent into chaos

Tunisia continues descent into chaos

By Elaine Ganley and Ben Bouazza, Associated Press

Saturday, 15 January 2011

Rioters burned the Tunisian capital's main train station to the ground and sacked and looted shops in a wave of unrest after the North African nation's president was forced from power by protesters.

The departure of President Zine El Abidine Ben Ali after 23 years of iron-fisted rule — demanded by protesters — appeared not to be enough to quell the unrest over soaring unemployment and corruption that has swept Tunisia for nearly a month.

An Associated Press photographer saw soldiers intervening this morning to try to stop looters from sacking a huge supermarket in the Ariana area, 20 miles north of the capital.

A helicopter circled low over the capital, apparently acting as a spotter for fires or pillaging. Gunfire was heard crackling anew in the mid-morning.

Overnight, public television station TV7 broadcast phone calls from residents of working-class neighborhoods on the capital's outskirts, recounting attacks against their homes by knife-wielding assailants.

The country's interim leader, former Prime Minister Mohammed Ghannouchi, called in to TV stations overnight to say he had ordered the army and other security forces to intervene immediately in those neighborhoods.

The palace of Saudi King Abdullah confirmed that the ousted president and his family had landed in Saudi Arabia, saying that the kingdom welcomed him with a wish for "peace and security to return to the people of Tunisia."

There has been no official announcement about Ben Ali's precise whereabouts in Saudi Arabia, but a source inside the kingdom said he was in the small city of Abha, about 310 miles south of Jeddah. The source said Ben Ali had been taken there to avoid sparking any possible demonstrations by Tunisians living in the larger, seaside city of Jeddah.

He spoke on condition of anonymity because of the sensitivity of the matter.

The ouster followed the country's largest protests in generations and weeks of escalating unrest, sparked by one man's suicide and fueled by social media, cell phones and young people who have seen relatively little benefit from Tunisia's recent economic growth. Thousands of demonstrators from all walks of life rejected Ben Ali's promises of change and mobbed Tunis, the capital, to demand that he leave.

The government said at least 23 people have been killed in the riots, but opposition members put the death toll at more than three times that.



11-01-16 - Al Jazeera -- Tunisia hit by widespread looting

Tunisia hit by widespread looting


Bands of looters go on the rampage while a fire in a prison apparently linked to the violence kills 42 inmates.

Last Modified: 16 Jan 2011 04:35 GMT

Looting, deadly prison riots and street chaos have engulfed Tunisia after mass protests forced its long-time president, Zine El Abidine Ben Ali, to flee.

On Sunday, the AFP news agency reported that a member of the president's extended family had reportedly died of a knife wound two days earlier.

Imed Trabelsi, a nephew of Ben Ali's wife, died has he was being treated in a military hospital in the capital, Tunis, a staff member told the AFP. He was the first person in the president's extended family to die as a result of the uprising.

Trabelsi was an influential businessman and became more widely known after he was mentioned in a US diplomatic cable released by WikiLeaks that said he was reported to have stolen a yacht belonging to the chairman of the powerful French financial firm Lazard.

A new interim president, the speaker of parliament, was sworn in on Saturday, and promised to create a unity government that could include the long-ignored opposition. It was the second change of power in the North African nation in less than 24 hours.

Amid the political instability, looters emptied shops and torched the main train station in the capital, Tunis, and soldiers traded fire with assailants in front of the interior ministry.


Troops were patrolling the capital on Saturday and a state of emergency was in force after Ben Ali, president for more than 23 years, fled to Saudi Arabia in the wake of the deadly protests.

The Reuters news agency reported that squads of men in civilian clothes were driving through Tunis at high speed, shooting randomly at buildings and people.

Soldiers and plainclothes security personnel dragged dozens of suspected looters out of their cars at gunpoint and took them away in lorries, according to a report from the AFP news agency.

"The army is all over the place in Tunis, they are trying to check cars and control people going by," Youssef Gaigi, a blogger and activist based in Tunisia, said.

Black smoke billowed over a giant supermarket in Ariana, north of the capital, as it was torched and emptied.

Soldiers fired warning shots in vain to try to stop the looters, and shops near the main bazaar were also attacked.

Targeted rioting

Some rioters appeared to be targeting businesses owned by members of Ben Ali's family. In Tunis, a branch of the Zeitouna bank founded by Ben Ali's son-in-law was torched, as were vehicles made by Kia, Fiat and Porsche - carmakers distributed in Tunisia by members of the ruling family.

Public television station TV7 broadcast phone calls from residents on the capital's outskirts, describing attacks by knife-wielding assailants.

Amid the turmoil, Tunisians have organised themselves to protect their neighbourhoods, Amine Ghali, a democracy advocate in Tunisia, told Al Jazeera.

"There is a serious security issue, but people are getting organised. They are standing in front of their neighbourhoods, forming neighbourhood committees ... they are trying to be as calm as possible and trying to help the military," he said.

Residents of some Tunis neighbourhoods set up barricades and organised overnight patrols to deter rioters. In El Menzah neighbourhood, dozens of men and boys armed with baseball bats and clubs were taking turns on patrol - just as a broadcast on Tunisian television had urged citizens to do.

"This isn't good at all. I'm very afraid for the kids and myself," Lilia Ben Romdhan, a mother of three in outer Tunis," said.

'Militia' fears

There are fears that some of the violence is being carried out by armed factions allied to Ben Ali, with Reuters quoting an unnamed military source as saying: "Ben Ali's security is behind what is happening."

Gaigi, who had been part of the protests that brought down Ben Ali, indicated that the army's presence was required because the police force had broken down.

"Several militias, which are actually doing some of the looting are part of the ministry of the interior, or police members, and they are co-ordinated by heads of police and intelligence in Tuisia," he said.

"We heard the army have captured some of these people but there is still a lot of work to be done."

In a sign that Ben Ali's rule was over, workers were taking down a portrait of the former president outside the headquarters of his RCD party on Mohamed V Avenue in the centre of Tunis.

Meanwhile, a fire on Saturday at a prison in the Mediterranean coastal resort of Monastir killed 42 people, coroner Tarek Mghirbi told The Associated Press news agency.

Witnesses told Al Jazeera that other prisoners had escaped and reports said that some prisoners had been shot as they made their escape bid. 

In Mahdia, further down the coast, inmates set fire to their mattresses in protest. Soldiers opened fire, killing five inmates, a local official said.

Breakouts were also reported at three other prisons and a report from The Associated Press news agency said that an official at one facility had let 1,000 inmates escape following protests at the prison.

Thousands of tourists have been evacuated from the Mediterranean nation following the unrest.

11-01-16 - Herald Tribune -- In Tunisia, Clashes Continue as Power Shifts a Second Time

In Tunisia, Clashes Continue as Power Shifts a Second Time


DAVID D. KIRKPATRICK

Published: Sunday, January 16, 2011 at 5:15 a.m.
Last Modified: Sunday, January 16, 2011 at 5:15 a.m.

TUNIS — Tanks, police officers and gangs of newly deputized young men wielding guns held the deserted streets of Tunis Saturday night after a day of sporadic rioting and gunfire. Power changed hands for the second time in 24 hours, and the swift turnabout raised new questions about what kind of government might emerge from the chaos engulfing Tunisia.

People took food and other goods from a destroyed store in Tunis on Saturday. Power was turned over to the Parliament speaker.

Christophe Ena/Associated Press


The interim government named Friday had hoped that the toppling of President Zine el-Abidine Ben Ali, who fled the country, would satisfy protesters, but continued unrest Saturday made clear that they were determined to chase his allies from power as well.

Bursts of gunfire rang out through the capital all day Saturday, and a patient discharged from a major hospital here reported that the emergency room was packed with people suffering gunshot wounds.

After a hail of machine-gun fire in the late afternoon in downtown Tunis, snipers were visible on the rooftop of the Interior Ministry, aiming down at the Boulevard Bourguiba. Human rights groups said that they had confirmed dozens of deaths at the hands of security forces even before the biggest street battle began Friday, and on Saturday residents huddled in their homes for fear of the police.

The tumbling political succession started Friday when Prime Minister Mohamed Ghannouchi announced on state television that the president was gone and that he was taking over. Then, on Saturday morning, Mr. Ghannouchi, an ally of Mr. Ben Ali, abruptly announced that he was surrendering the reins of government to the speaker of Parliament, complying with succession rules spelled out in the Tunisian Constitution. Now the speaker, Fouad Mebazaa, is expected to hold elections to form a new government within 60 days.

The shake-up underscored the power vacuum left here after the end of Mr. Ben Ali’s 23 years of authoritarian rule — a transition of dizzying speed that Tunisians view with both hope and fear.

With Tunisia’s relatively large middle class, high level of education and secular culture, some here argue that their country is poised to become the first true Arab democracy. And commentators around the Middle East pondered the potential regional implications of the success of Tunisia’s protests; Mr. Ben Ali’s fall marked the first time that street demonstrations had overcome an Arab autocrat. “Will Tunisia be the first domino to fall?” asked a headline on the Web site of the news channel Al Jazeera.

But others at home and abroad worried that Tunisia could slide into chaos, laying the groundwork for a new strongman to emerge. Mr. Ben Ali was viewed in the West as a reliable ally in the fight against the Islamic extremism flourishing in other parts of North Africa, and in Washington, national security experts said extremist groups like Al Qaeda in the Islamic Maghreb could capitalize on the disorder to find a new foothold.

For now, though, the political field remains conspicuously empty. Mr. Ben Ali’s pervasive network of secret police had succeeded in effectively eliminating or co-opting any truly viable opposition or political institution. The former president also long ago wiped away the Islamist groups that form the main grass-roots opposition in most Arab countries.

There are very few players to keep track of,” said Michael Koplow, an expert on Tunisia who has written about the uprising for Foreign Policy magazine. “If there were new free elections, it is unclear whether there is anyone qualified to run who the people would accept. It is wide open.”

There is also no apparent leader or spokesman for the four-week-old protest against joblessness and government corruption that forced Mr. Ben Ali from power. The protests erupted spontaneously after the Dec. 17 suicide by self-immolation of a college-educated street vendor in the Western city of Sidi Bouzid frustrated by the lack of opportunity (the police had confiscated his wares because he did not have a permit). They spread through online social networks like Facebook and Twitter. And they accelerated as demonstrators shared homemade digital videos of each confrontation with the police.

“There are no leaders, that is the good thing,” one protester declared Friday as thousands crowded around the Interior Ministry just before the police imposed martial law and Mr. Ben Ali left the country.

Protesters immediately turned against the unconstitutional ascension of Mr. Ghannouchi, arguing that he was a crony of Mr. Ben Ali who came from the same hometown of Sousse. It remains unclear if critics will be satisfied with the switch in power to Mr. Mebazaa, who has presided over a Parliament dominated exclusively by Mr. Ben Ali’s ruling party and like almost every other Tunisian elected official, owes his career to the former president.

There were reports in Arabic news outlets this weekend that it was the Tunisian military that finally triggered the unwinding of Mr. Ben Ali’s government. As the demonstrations escalated on Thursday afternoon, the country’s top military official, Gen. Rachid Ammar, is said to have refused to shoot protesters.

That afternoon, the military began pulling its tanks and personnel out of downtown Tunis, leaving the police and other security forces loyal to the ruling party to take their place as President Ben Ali delivered his final speech pleading, in effect, for another chance. The tanks returned after Mr. Ben Ali left the country.

On Saturday afternoon, there were some signs that General Ammar himself may now have an eye on politics. On Facebook, a staging ground of the street revolt, almost 1,700 people had clicked that they “like” a Web page named “General Rachid Ammar President” and emblazoned with his official photographs.

Still, the Tunisian military is relatively small compared with the armies of most countries in the region and is far less pervasive here than internal security forces, and so far neither General Ammar nor any other military figure has publicly stepped forward to try to lead the country.

Meanwhile, Tunisians abroad and exiled opposition leaders reveled in the chance for a change. Several thousand Tunisians demonstrated in Paris on Saturday at the Place de la République calling for real democracy and celebrating Mr. Ben Ali’s downfall.

Exiled opposition leaders, many of whom have lived abroad for decades in France or Britain, prepared to return in the hope of rekindling their movements. Perhaps foremost among them was Rachid al-Ghannouchi, a progressive Islamic leader who founded the Hizb al-Nahdah, or Renaissance Party. He was imprisoned twice in the 1980s and granted asylum in Britain in 1993.

“The dictatorship has fallen,” Mr. Ghannouchi told Reuters. “There is nothing to stop me returning to my country after 22 years of exile.”

In Egypt, critics of President Hosni Mubarak rushed to embrace the Tunisian example, noting that their country shared the combination of an autocratic ruler, rampant corruption and a large population of frustrated youth. Egyptians traded phone messages like “Mubarak, oh, Mubarak, your plane is waiting for you!” and posted images of the Tunisian flag to their Facebook pages. A major opposition group, led by Mohamed El Baradei, the former head of the International Atomic Energy Agency, merged the Egyptian and Tunisian flags into one on its Web site.

One group of young Egyptians set up a Facebook page calling on their fellow citizens to make January 25 “The day of revolution against torture, poverty, corruption and unemployment.”

“If you care about Egypt, if you want your rights, join us and participate and enough silence,” the page said.

Still, many commentators around the Arab world wondered if it might be too soon to celebrate, given the continuing violence in Tunisia and the lack of an obvious leader. “We don’t know if the Tunisia of yesterday has opened up, or is about to plunge into a deep sea of the unknown and be added to the series of Arab disasters that don’t end,” Tarek al-Hamid wrote in Asharq al-Awsat, a paper with a Saudi owner. “No one will cry over Ben Ali, but the prayer is for Tunisia not to fall into a quagmire of crises with a bleak future.”

Saudi Arabia said Saturday that it had welcomed Mr. Ben Ali and his family. France, the former colonial power in Tunisia, made it clear that it did not want to risk inflaming its large Tunisian immigrant population by accepting the former president. And on Saturday, the French government said that members of Mr. Ben Ali’s family who had taken refuge at a hotel at Disneyland Paris were not welcome either.

“Ben Ali’s family members on French soil have no reason to stay,” a government spokesman said. “They are going to leave it.” French media said the family members were later seen leaving the hotel.

Meanwhile, reports of unrest continued Saturday in Tunisia, with the Arab news media reporting that hundreds of prisoners were freed after a jailhouse riot in a resort town and that more than 40 were killed in a fire at another prison set by an inmate hoping to escape amid the country’s chaos.

But the Tunisian airport reopened at least partially Saturday, and some in Tunis said things were looking up. Huddled in the doorway of a darkened apartment building downtown Saturday, a man in his late 20s was smoking cigarettes and watching security forces patrol the square outside. He would give only his first name, Faisal, and he said that he had been unemployed for the seven years since he graduated from college, in part because he could not afford the bribes necessary to secure a job.

He had nothing good to say about Mr. Ben Ali, but when asked about what would come out of the chaos, he shrugged and smiled.

“Look,” he said, “everything is going to be O.K.”

11-01-16 - The Boston Glob -- Tunisia erupts in rioting, looting after president flees

Tunisia erupts in rioting, looting after president flees

Interim leader sworn in; next steps unclear

TUNIS, Tunisia — Looting, deadly prison riots, and street chaos engulfed Tunisia yesterday, a day after mass protests forced its strongman to flee. A new interim president was sworn in, promising to create a unity government that could include the long-ignored opposition.

It was the second change of power in this North African nation in less than 24 hours.

Amid the political instability, looters emptied shops and torched the main train station in Tunis, soldiers traded fire with assailants in front of the Interior Ministry, and thousands of European tourists sought a plane flight home.

The death toll mounted. At least 42 people were killed yesterday in a prison fire in one resort town, and the director of another prison in another tourist haven let 1,000 inmates flee after soldiers shot five dead amid a rebellion. Those deaths came on top of scores of others after a month of protests in which police often fired upon demonstrators.

After 23 years of autocratic rule, President Zine El Abidine Ben Ali abruptly fled the country for Saudi Arabia on Friday following mass street protests over corruption, a lack of jobs, and clampdowns on civil liberties.

The leadership changes then came at a dizzying speed.

Ben Ali’s longtime ally, Prime Minister Mohammed Ghannouchi, stepped in briefly with a vague assumption of power that left open the possibility that Ben Ali could return. But yesterday, the head of the Constitutional Council declared the president’s departure permanent and gave Fouad Mebazaa, leader of the lower house of Parliament, 60 days to organize new elections.

Hours later, Mebazaa was sworn in.

In his first televised address, the interim president asked the premier to form a “national unity government in the country’s best interests’’ in which all political parties will be consulted “without exception nor exclusion.’’

The move was one of reconciliation, but it was not clear how far the 77-year-old Mebazaa, who has been part of Tunisia’s ruling class for decades, would truly go to work with the opposition. It was also unclear who would emerge as the country’s top political leaders, since Ben Ali utterly dominated politics, placing allies in power and sending opponents into jail or exile.

On the streets, the unrest was frightening.

A fire yesterday at a prison in the Mediterranean coastal resort of Monastir killed 42 people, coroner Tarek Mghirbi said. The cause of the fire was not immediately clear.

In Mahdia, further down the coast, inmates set fire to their mattresses in protest. Soldiers opened fire, killing five inmates, a top local official said. The director of the prison then let about 1,000 other inmates flee to avoid further bloodshed, the official said, asking not to be identified because of security concerns.

In front of the Interior Ministry in Tunis, the capital, security forces and unidentified assailants had a shootout yesterday that left two bodies on the ground.

Sporadic gunfire echoed around the capital and looters were out in force. Black smoke billowed over a giant supermarket in Ariana, north of the capital, as it was torched and emptied. Soldiers fired warning shots in vain to try to stop the looters, and shops near the main bazaar were also attacked.

Some rioters appeared to be targeting businesses owned by members of Ben Ali’s family, which had financial interests in a wide range of sectors, from banking to car dealerships. In Tunis, a branch of the Zeitouna bank founded by Ben Ali’s son-in-law was torched, as were vehicles made by Kia, Fiat, and Porsche — brands distributed in Tunisia by members of the ruling family.

Public television station TV7 broadcast phone calls from residents on the capital’s outskirts, describing attacks by knife-wielding assailants.

Residents of some Tunis neighborhoods set up barricades and organized overnight patrols to deter rioters. In the tony El Menzah neighborhood, dozens of men and boys armed with baseball bats and clubs were taking turns on patrol — just as a broadcast on Tunisian television had urged citizens to do.

“This isn’t good at all. I’m very afraid for the kids and myself,’’ said Lilia Ben Romdhan, a mother of three in outer Tunis. “If [Ben Ali] had stayed in the country it would be better.’’

Kamel Fdela, selling oranges and bananas in the same neighborhood, said he wanted democracy but was not sure that would happen. He also feared food shortages, with so many stores closed and others looted.

“God willing, a real man will take over,’’ he said.



11-01-16 - Libération -- il n'y aura aucune tolérance avec ceux qui sèment le chaos

16/01/2011 à 08h43

Tunisie: «il n'y aura aucune tolérance» avec ceux qui sèment le chaos

La journée de dimanche

Le Premier ministre tunisien Mohammed Ghannouchi s'est montré ferme dimanche soir alors que des affrontements ont éclaté dans l'après-midi dans le centre de Tunis.

Par LIBÉRATION.FR

Les nouveaux dirigeants tunisiens, confrontés aux pillages et aux violences, tentaient dimanche de reprendre le contrôle de la situation en Tunisie au bord du chaos après la fuite de Ben Ali en Arabie saoudite.

Le Premier ministre tunisien Mohammed Ghannouchi a averti dimanche soir que les autorités de transition ne feraient preuve d’«aucune tolérance» envers ceux qui sèment le chaos dans le pays, dans une déclaration téléphonique à la télévision publique.

«On a arrêté un grand nombre de bandes criminelles qui cherchent à semer le chaos. Les forces de l’ordre, l’armée, la police et la garde nationale sont en train d’accomplir un travail héroïque pour garantir la sécurité de la nation et des citoyens», a déclaré M. Ghannouchi.

Assault au palais présidentiel

Alors que la matinée avait été calme, les tensions ont repris dans l'après-midi de dimanche.

L’armée tunisienne a donné l’assaut au palais présidentiel de Carthage dans lequel sont retranchés des éléments de la garde présidentielle de Ben Ali, selon une source sécuritaire tunisienne.

Un habitant de la banlieue huppée de Carthage a dit entendre «des échanges de tirs» à proximité. Il a ajouté que l’armée avait établi un large périmètre de sécurité autour du palais présidentiel.

Selon la télévision publique, des policiers se trouvant dans l’enceinte de l’école des Hautes études commerciales (HEC), près du palais présidentiel, ont appelé l’armée à les secourir, disant qu’ils étaient pris sous le feu.

Des tirs nourris dans l'après-midi

Deux francs tireurs ont été abattus dimanche après-midi par l'armée dans le centre de Tunis, au début des affrontements armés qui ont éclaté entre miliciens armés et forces régulières, a annoncé à la télévision publique tunisienne un sous-lieutenant de l'armée tunisienne.

Un peu avant, les autorités annonçaient l'arrestation de l'ex-chef de la sécurité de Ben Ali, le général Ali Sériati, formellement accusé d'être responsable des exactions contre la population. Egalement arrêté, un neveu de Ben Ali. Il a été interpellé par l’armée dans le centre de la Tunisie, dans la nuit de samedi à dimanche avec dix autres personnes.

Le photographe français de l'agence EPA Lucas Mebrouk Dolega, 32 ans, gravement blessé vendredi à Tunis, est dans «un état critique», a indiqué dimanche le consulat français à Tunis, contredisant une précédente information confirmant sa mort.



11-01-16 - Le Monde -- L'armée a lâché Ben Ali

Tunisie : "L'armée a lâché Ben Ali"

LEMONDE.FR avec AFP | 16.01.11 | 11h31  •  Mis à jour le 16.01.11 | 11h57

L'ex-chef d'état-major français et ex-ambassadeur en Tunisie, l'amiral Jacques Lanxade, estime que "c'est l'armée qui a lâché" le président tunisien Zine El Abidine Ben Ali et qu'elle peut être un "élément stabilisateur" pour sortir du chaos.

Dans un entretien au Parisien, il estime que "l'armée, à l'inverse de la police du régime, s'est refusé à faire tirer sur la foule" pendant les manifestations de la semaine passée. Il cite ainsi le "Chef d'état-major de l'armée de terre, le général Rachid Anmar a démissionné en refusant de faire tirer l'armée et c'est probablement lui qui a conseillé à Ben Ali de s'en aller en lui disant: 'tu est fini'", ajoute l'amiral.

"CE N'EST PAS UNE ARMÉE DE COUP D'ETAT"

"L'armée qui - même sous Ben Ali - a toujours été tenue à l'écart de la politique et n'était pas partie prenante dans la direction des affaires du pays, est une armée assez républicaine. Je crois que l'armée est un élément stabilisateur et modérateur. Ce n'est pas une armée de coup d'Etat, même si je peux me tromper", dit-il.

"Mais il ne faudrait pas que, faute de trouver une organisation politique pour assurer la transition, l'armée soit obligée d'apparaître en première ligne. Il ne me semble pas que l'on aille dans ce sens-là et l'armée n'y pousse pas du tout", ajoute-t-il.



11-01-16 - Le Figaro -- Les vivres commencent à manquer à Tunis

Les vivres commencent à manquer à Tunis

16/01/2011 | Mise à jour : 15:46

De nombreux citoyens ont appelé l'armée à organiser la réouverture de boulangeries, le pillage de nombreux dépôts ayant désorganisé les circuits de distribution des denrées de première nécessité. Le couvre-feu a été allégé dimanche.

Face à la tension ambiante, les Tunisiens s'organisent. Nombre d'entre eux ont formé des comités de vigiles pour défendre leurs quartiers face aux pillards, après la multiplication des mises à sac et des agressions en province et dans la capitale. Le puissant syndicat, l'Union générale des travailleurs tunisiens (Ugtt), a invité ses structures et ses adhérents à se joindre ou à encadrer ces comités de vigiles. Des structures qui se sont multipliés en province, selon différentes sources.

Un manque de vivres a notamment commencé à se faire ressentir dans la capitale. De nombreux citoyens ont demandé à l'armée d'organiser au moins la réouverture de boulangeries et d'épiceries. «J'ai passé la journée avec une famille nombreuse et on n'a eu qu'un repas», a raconté samedi un cadre du nord de la ville. «J'ai passé la journée à me tourner les pouces, incapable de satisfaire les demandes des clients», a renchéri Salah Ben Zekhri qui tient un petit commerce près de la banlieue de Radès, au sud de la capitale.

Des journalistes de l'AFP ont de leur côté affirmé avoir vu samedi de longues files se former devant les rares boulangeries ouvertes dans plusieurs quartiers de la banlieue nord, tandis qu'un grand hôtel de Tunis a indiqué commencer à ressentir un manque d'approvisionnement. «La cuisine n'a pas été livrée depuis une semaine, on vit sur les réserves et on a commencé à fabriquer notre pain», a déclaré un responsable de cet établissement.

Les restrictions à la circulation et le pillage de nombreux dépôts ont désorganisé les circuits de distribution des produits de première nécessité. Les autorités, qui se veulent rassurantes, ont toutefois admis un «certain manque» de carburants dans les stations-service et affirmé travailler pour y remédier.

Exactions

Si Tunis et ses environs se sont réveillés dans le calme dimanche, avec un dispositif de sécurité allégé et une présence policière plus discrète dans le centre de la capitale, la nuit a en revanche été marquée par la multiplication d'alertes sur des mouvements de véhicules suspects circulant à vive allure et dont les occupants tiraient sur les maisons. Des hélicoptères de l'armée ont survolé toute la nuit, tous projecteurs allumés, cette vaste zone. «Une ambulance a été vue à La Marsa et une autre à Mégrine (nord et sud de la capitale). Ils tirent sur des maisons», avait ainsi raconté à l'AFP un citoyen apeuré, en affirmant que ces véhicules transportaient des personnes encagoulées.

L'ex-chef de la sécurité du président déchu Zine El Abidine Ben Ali a d'ailleurs été arrêté à la demande de la justice tunisienne, qui l'accuse des récentes exactions commises contre la population, a indiqué dimanche une source officielle. «Le général Ali Sériati a été placé sous mandat de dépôt après la présentation des chefs d'inculpation qui pèsent sur lui», a précisé cette source. Autre arrestation: celle d'un neveu de l'ex-président tunisien, Kaïs Ben Ali, interpellé à Msaken avec dix autres personnes qui «tiraient en tous sens» à bord de véhicules de police, selon des témoins.

Des échanges de tirs se sont également produits dimanche à Tunis devant le siège d'un parti d'opposition, le Parti démocratique progressiste (PDP), à l'issue desquels plusieurs personnes ont été arrêtées, dont deux étrangers, a indiqué un des responsables de cette formation. Il n'y a pas eu de blessés dans la fusillade.

Un peu plus tôt dimanche, une source officielle citée par l'agence TAP avait révélé que le couvre-feu avait été allégé d'une heure dans l'ensemble de la Tunisie. «En raison d'une amélioration de la sécurité, il a été décidé d'alléger le couvre-feu qui est désormais fixé de 18 heures à 5 heures», a indiqué une source officielle citée par l'agence TAP. Le couvre-feu courait jusque là de 18 heures à 6 heures. Dans la pratique toutefois, les forces de sécurité l'appliquaient de 17 heures à 7 heures. Les autres mesures de l'état d'urgence sont quant à elles maintenues : interdiction de rassemblement sur la voie publique de plus de trois personnes, autorisation donnée aux forces de l'ordre de tirer sur les personnes prenant la fuite aux contrôles.



11-01-16 - Le Figaro -- Des proches de Ben Ali objets de réglements de compte

Des proches de Ben Ali objets de réglements de compte

Par Pauline Fréour
16/01/2011 | Mise à jour : 17:02

L'ex-chef de la sécurité présidentielle et un neveu du président déchu, tous deux soupçonnés d'entretenir l'instabilité des derniers jours, ont été arrêtés en Tunisie. Un autre de ses neveux a été tué.

Deux jours après le départ de Ben Ali, l'entourage de l'ex-président tunisien commence à être visé par des représailles. L'ex-chef de la sécurité du président déchu, le général Ali Sériati, a été arrêté à la demande de la justice tunisienne qui l'accuse des récentes exactions commises contre la population. Dans le cercle familial, un neveu de l'ex-chef d'Etat a été arrêté, et un autre neveu du couple Ben Ali a été assassiné.

L'ancien homme clé de la sécurité de Ben Ali a été interpellé à Ben Guerdane dans le sud de la Tunisie alors qu'il tentait de s'enfuir en Libye, a indiqué une source officielle, sans préciser la date de l'arrestation. Ramené à Tunis, Ali Sériati a été placé sous mandat de dépôt par un juge d'instruction.

Tentative de déstabilisation

Une source officielle citée auparavant par la télévision publique et l'agence officielle TAP indiquait que le général était formellement accusé d'être responsable d'exactions contre la population. «Une information judiciaire a été ouverte contre l'ancien directeur général de la sécurité présidentielle (le général Ali Sériati) et un groupe de ses collaborateurs pour complot contre la sécurité intérieure de l'Etat, incitation à commettre des crimes et à s'armer et provocation au désordre», a indiqué la télévision publique tunisienne. Selon cette même source, il a été établi que cet homme clé de l'ancien régime était derrière les milices qui sont responsables des désordres récents dans la capitale et d'autres villes du pays.

Du temps de Ben Ali, le corps de la sécurité présidentielle avait la haute main sur les autres forces de sécurité et était particulièrement redouté par la population. Plusieurs témoignages ont attribué les pillages et exactions de ces derniers jours à des membres de l'appareil sécuritaire, liés à l'ex-président, qui chercheraient à créer le chaos pour favoriser son retour.

Dans la nuit de samedi à dimanche, un neveu de l'ex-président, Kaïs Ben Ali, a également été interpellé par l'armée à Msaken, une localité de la région d'origine de l'ex-président Ben Ali dans le centre de la Tunisie. Il se trouvait avec dix autres personnes qui «tiraient en tous sens» à bord de véhicules de police, selon des témoins. Kaïs Ben Ali a la réputation d'être un potentat local à Msaken.

Le «chouchou de Leïla» poignardé

Un autre proche de Ben Ali, neveu préféré de son épouse, a succombé vendredi à une blessure à l'arme blanche à l'hôpital militaire de Tunis. «Le chouchou de Leïla (l'épouse de Ben Ali) a été poignardé ces derniers jours et admis aux urgences», a déclaré une source médicale, sans pouvoir préciser les circonstances de l'incident. Selon des informations circulant à Tunis, Imed Trabelsi, le plus favorisé des nombreux neveux du couple Ben Ali, aurait été poignardé lors d'un règlement de compte par l'un de ses anciens collaborateurs.

Imed Trabelsi, qui a fait fortune dans l'immobilier et la grande distribution en association notamment avec la société française Conforama, avait été «élu» en mai dernier maire de La Goulette, une commune au nord de Tunis, où il s'était installé en maître bien avant les élections. Ses méthodes étaient décriées par la communauté des affaires qui n'osait pas lui faire ouvertement front.

Il a été par ailleurs poursuivi sans succès en France pour «vols en bande organisée» pour s'être approprié le prestigieux yacht de Bruno Roger, l'un des dirigeants de la Banque Lazard et proche de Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy. En mai 2007, la justice française avait émis un mandat d'arrêt à son encontre, mais la justice de son pays a refusé de l'extrader.

(Avec agences)

11-01-16 - Al Jazeera -- Tunisia situation remains tense

Tunisia situation remains tense


Reports of gunshots in the capital Tunis as politicians struggle to restore order and form a government.

Last Modified: 16 Jan 2011 17:42 GMT

Tunisian politicians are trying to form a unity government and restore order amid the violence following the toppling of Zine El Abidine Ben Ali, the deposed president.

Soldiers were guarding public buildings after drive-by shootings and prison riots on Saturday in which scores of inmates were killed in the chaos.

There were reports on Sunday of shots being fired near the headquarters of Tunisia's opposition Progressive Democratic Party (PDP) opposition in the centre of the capital, Tunis.

In a statement, the party said that police and military stopped a car carrying of armed men, who it described as foreigners, after which shots were fired.

Al Jazeera's James Bays, reporting from Tunis, said there were few details of the shooting but that there had been other such incidents in the city.

Bays said that even though there are army road blocks set up throughout the city, people are saying that they need to arm themselves against the police, who they do not trust.

"In between the road blocks, we were coming across large groups of people who had their own home-made weapons, axes and steel bars, and some of them were not particularly friendly to us when we wanted to film in the area," he said.


Looting and burning

A tense calm appeared to have descended on Tunis, a day after looters emptied shops and torched the main train station and soldiers traded fire with unidentified armed men in front of the interior ministry.

Some rioters appeared on Saturday to be targeting businesses owned by members of Ben Ali's family. In Tunis, a branch of the Zeitouna bank founded by Ben Ali's son-in-law was torched, as were vehicles made by Kia, Fiat and Porsche - brands distributed in Tunisia by members of the ruling family.

Ben Ali, who had been in power since 1987, fled to Saudi Arabia on Friday following mass protests against his government.

Public television station TV7 broadcast phone calls from residents on Tunis's outskirts, describing attacks by knife-wielding assailants.

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Amid the turmoil, Tunisians have organised themselves to protect their neighbourhoods, Amine Ghali, a democracy advocate in Tunisia, told Al Jazeera.

"There is a serious security issue, but people are getting organised. They are standing in front of their neighbourhoods, forming neighbourhood committees ... they are trying to be as calm as possible and trying to help the military," he said.

Residents of some Tunis neighbourhoods set up barricades and organised overnight patrols to deter rioters.

"If the interim government doesn't quickly implement measures to reduce the level of unemployment and increase standards of living, we are going to see more of these protests," Ayesha Sabavala, deputy editor of the Economist Intelligence Unit, told Al Jazeera.

'Pretty volatile'

Al Jazeera's Bays said the situation in Tunis on Sunday was "pretty volatile" even for ordinary people.

"We were filming the hardships of the ordinary people of the city - a bread queue ...  and then members of the crowd turned on us and said 'it was shameful for you to film us in this situation, begging for bread'," he said, adding that the TV crew just managed to escape the large, angry crowd.

He said the army was rounding up those loyal to Ben Ali, including members of the presidential police.

In the most prominent arrest, Tunisia's former interior minister, the man many held responsible for a police crackdown on anti-government protesters, was held in his home town in the north of the country.

Rafik Belhaj, who was the most senior official in charge of the police force, was arrested in Beja on Sunday afternoon.

Belhaj had been dismissed from his position on Wednesday in one of Ben Ali's final efforts to placate public anger with his leadership.

Separately, Tunisian state television announced that General Ali Seryati, the former head of Ben Ali's security service, would appear in court to face charges of threatening national security and provoking armed violence.

Family targeted

In another development, the AFP news agency reported that a member of the president's extended family had died of a knife wound two days earlier.

Imed Trabelsi, a nephew of Ben Ali's wife, died in a military hospital in Tunis, a staff member told the AFP.

He was the first person in the president's extended family reported to have died as a result of the uprising.

Trabelsi was an influential businessman and became more widely known after he was mentioned in a US diplomatic cable released by WikiLeaks that said he was reported to have stolen a yacht belonging to the chairman of the powerful French financial firm, Lazard.

Salim Shayboub, Ben Ali's son-in-law, also reportedly has been arrested.

Dissident to return

Against this backdrop of instability, the exiled head of one of its leading opposition parties announced his intent to return to the country.

Rashid al-Ghannouchi, the leader of the Islamist Nahdha (Renaissance) party, told Al Jazeera on Saturday that he and other leading figures would "return shortly" to Tunisia.

The Nahdha, formed in 1988, never gained legal status under Ben Ali because of a law prohibiting political parties based on religion.

According to human rights groups, its members have long suffered persecution and torture.

Ghannouchi said Nahdha should be recognised and said that it is ready to take part in a coalition government.

Fouad Mebezaa, the speaker of parliament, was sworn in as the country's interim president on Saturday and promised to create a unity government that could include the long-ignored opposition.

It was the second change of power in Tunisia in less than 24 hours.

Earlier, Mohamed Ghannouchi, the prime minister, went on state television to announce that he had taken power in accordance with the constitution, after Ben Ali fled.





11-01-16 - Le Figaro -- Tunis reste en proie aux violences

Tunis reste en proie aux violences

16/01/2011 | Mise à jour : 23:30

Le centre de la ville a été le théâtre d'affrontements entre des miliciens armés et les forces loyales aux nouvelles autorités. Dans la soirée, l'armée a pris d'assaut le palais présidentiel.

En ce deuxième jour sans Ben Ali au pouvoir, Tunis a été le théâtre de scènes de guérilla urbaine entre des miliciens armés, apparemment fidèles à l'ex-président, et les forces loyales aux nouvelles autorités de transition. Les échanges de tirs nourris entre les deux camps en plein centre-ville, entre 16 heures et 18 heures (heure de Paris), marquent le franchissement d'un nouveau cap. Jusqu'alors, les miliciens semaient la terreur seulement la nuit, dans la capitale, sa banlieue, et plusieurs villes du pays.

Un calme relatif semblait être revenu progressivement avec le couvre-feu, vers 18 heures. Mais les tirs ont repris aux alentours du palais présidentiel, situé dans le quartier de Carthage. Une source sécuritaire a confirmé que l'armée donnait l'assaut contre le bâtiment dans lequel se sont retranchés des éléments de la garde présidentielle de Ben Ali.

Alors que la capitale s'était réveillée dans le calme dimanche matin, la situation s'est brusquement tendue en début d'après-midi. Les policiers sont alors devenus de plus en plus nerveux, contrôlant systématiquement les véhicules.

Le bilan des affrontements de l'après-midi fait état de deux morts, deux francs-tireurs abattus par l'armée au début des combats, a annoncé à la télévision publique un sous-lieutenant de l'armée. «Il y a eu deux snipers qui ont tiré depuis un bâtiment situé à proximité du ministère de l'Intérieur. On les a abattus», a-t-il expliqué.

Des touristes suédois passés à tabac

En revanche, l'arrestation de quatre ressortissants allemands armés annoncée par un officier de police à la télévision semblerait être une méprise. Il s'agirait en réalité d'un groupe de douze Suédois venus chasser le sanglier, et qui ont été pris à partie par une foule déchaînée les accusant d'être des «terroristes étrangers».

Les trois taxis qui devaient les mener à l'aéroport ont été arrêtés à un barrage improvisé et fouillés. Découvrant des armes, les Tunisiens tenant le checkpoint les auraient alors éjectés du véhicule et passés à tabac, a rapporté Ove Oberg, un membre du groupe. L'arrivée de la police, à qui les chasseurs ont montré leur permis, leur a permis de partir. Ils restaient néanmoins sans nouvelle de trois de leurs compatriotes.

Deux proches de Ben Ali arrêtés

La thèse de la responsabilité des fidèles de l'ex-président Zine El Abidine Ben Ali dans le climat d'exactions et d'insécurité qui règne en Tunisie depuis la fuite vendredi du dictateur s'est renforcée dimanche, avec l'arrestation de deux de ses proches, l'ex-chef de la sécurité présidentielle et un neveu de l'ex-chef d'Etat.

Le premier ministre Mohammed Ghannouchi, qui devrait annoncer lundi la composition du nouveau gouvernement, a averti dimanche soir que les autorités de transition ne feraient preuve d'»aucune tolérance» envers ceux qui sèment le chaos dans le pays, dans une déclaration téléphonique à la télévision publique.

(Avec agences)

11-01-17 - Libération -- Dans les villas des Trabelsi, colère, pillage et envie

17/01/2011 à 00h00

Dans les villas des Trabelsi, colère, pillage et envie

Reportage

Méthodiquement dépouillées ce week-end, les demeures de la belle-famille de Ben Ali sont devenues un lieu de pèlerinage pour les Tunisiens.

Par LÉA-LISA WESTERHOFF Envoyée spéciale à Tunis

La grande porte d’enceinte de la villa est ouverte et celle de la maison défoncée. Dans la piscine flotte un matelas, un tuyau d’arrosage et quelques débris non identifiables. Une tête de mouton et une langouste reposent au fond. «Vous voyez, nous, on a du mal à s’offrir des sardines à 3 dinars le kilo ; eux, ils mangent de la langouste !» s’exclame Foufou, chauffeur de taxi. Autour de lui, une dizaine de personnes sont venues admirer le spectacle dans la villa de Moez Trabelsi, l’un des neveux de l’ex-président Zine el-Abidine ben Ali. Cette résidence de 400 m2 n’est ni la plus belle, ni la plus grande, de la banlieue chic de Gamart, au nord-est de la capitale tunisienne, mais elle appartient au clan des Trabelsi. Depuis vingt-trois ans, cette famille cristallise toutes les haines des Tunisiens, car elle est le symbole même des injustices de tout un système. Trafic d’influence, bakchich systématique pour obtenir des contrats, détournement de biens publics. Les Trabelsi, une famille de va-nu-pieds il y a un quart de siècle, a pu mettre le pays en coupe réglée et prendre le contrôle de ses ressources les plus juteuses grâce à la «coiffeuse», Leïla, la seconde femme du raïs qu’il a épousée en 1992 après quatre années de liaison et le divorce d’avec sa première femme.

Moncef Trabelsi, le frère de Leïla, était un ancien travailleur en Libye, qui a prospéré dans le bâtiment. Ses fils, Imed, tué hier à coup de poignard, et Moez étaient impliqués dans plusieurs affaires, notamment le vol de trois yachts de luxe en France, entre 2005 et 2006. L’un d’eux appartenait à Bruno Roger, de la banque d’affaire Lazard frères à Paris, un proche de Jacques Chirac et de Nicolas Sarkozy. Le bateau fut rapatrié sur pression de Paris, mais seuls des comparses furent jugés en France. La Tunisie de Ben Ali a toujours refusé d’extrader les neveux de l’ex-président et a tout fait pour étouffer l’affaire.

Vendredi, dès que l’information du départ de Ben Ali s’est propagée, les Tunisiens n’ont pas attendu une minute pour se venger de la famille honnie. Plusieurs villas des Trabelsi et Ben Ali ont été saccagées. Les vitres pare-balles brisées, les lustres arrachés, les voitures dans les jardins incendiées.

Chez Moez Trabelsi, trois jours après, des débris de verre, des papiers et des DVD traînent toujours sur le sol de la terrasse, avec vue somptueuse sur la mer. Comme beaucoup, Zeid, entrepreneur de 62 ans, est venu «voir».«Je suis soulagé, raconte-t-il. Ça veut dire que tout ce qui est au peuple revient au peuple, et tout ce qui est à l’Etat revient à l’Etat. On ne meurt jamais sans devoir un jour payer ses crimes.» Zeid sait de quoi il parle, il a eu directement affaire au clan Trabelsi lorsqu’il a tenté de monter une entreprise de construction à Gamart. Pendant trois mois, son chantier a été bloqué, au point que l’homme s’est endetté. «Chaque jour, les règles changeaient et les travaux n’étaient plus aux normes. En fait, Moncef Trabelsi ne voulait pas de concurrent dans le domaine de la construction», affirme-t-il.

Porsche. Amel, institutrice à la Marsa, voulait absolument profiter de son dimanche pour voir «ce qu’il reste après vingt-trois ans du vol de la Tunisie et des Tunisiens». L’un de ses frères, qui travaille à la douane, aurait réceptionné une Porsche d’une valeur de 550 000 dinars (280 000 euros) au nom du fils de l’ex-président, Mohamed Zine el-Abidine Ali. «Mais son fils a 5 ans, comment il va la conduire ? C’est indécent !» s’exclame l’institutrice. «Les gens voient que des proches, avec des diplômes d’enseignement supérieur, ne trouvent pas de travail et que des messieurs illettrés deviennent les plus riches, et même pas simplement de Tunisie», poursuit-elle, le visage encadré par un foulard mauve, une copie d’un sac Dolce & Gabbana à la main. A côté d’elle, Ahmed, étudiant de 20 ans en physique, est en train de déterrer des plantes. «Ce n’est pas du vol, c’est eux qui nous ont volés etpuis, c’est la révolution, se justifie-t-il. Le peuple est accablé d’impôts, la vie est trop chère et tous ces hommes de la famille Trabelsi se sont enrichis sur notre dos.» Zeid, lui, ressort de la maison avec un morceau de cristal arraché d’un lustre. «Un souvenir», dit-il.

A côté de la villa, les autres maisons sont intactes. Jusqu’à une autre maison du clan Trabelsi, 500 mètres plus loin. Là, les pilleurs ont ciblé celle d’Adel, le frère de l’ex-Première Dame, officiellement instituteur de son métier. «Il a pu se payer un palace en marbre avec un ascenseur qui dessert un seul étage», plaisante Azzedine Bhira, une casquette vissée sur la tête. Il est mécanicien, et a réparé de nombreuses voitures du propriétaire des lieux. Sa femme est institutrice et gagne 500 dinars (250 euros) par mois. Il raconte que la maison, comme toutes les autres, a été construite sur un terrain non constructible qui appartient à l’Etat et que la famille a décidé de s’accaparer sans rien payer. L’ état des lieux est plus ou moins le même que dans l’autre maison. Portes éventrées, fenêtres pare-balles défoncées, l’ascenseur a brûlé. Même les prises électriques ont été démontées et les câbles électriques arrachés. Il ne reste plus que le sol en marbre, incassable, les fausses moulures dorées et la sublime vue sur la mer.

Milliards. «On n’est pas choqué», estime Moncef Bey, le petit-fils de l’ex-roi de Tunisie, venu en promeneur du dimanche. «C’est le peuple qui se venge, il fallait bien que ça arrive un jour, puisque les Trabelsi ont trop pris d’argent et cela n’allait pas s’arrêter.» Le clan est accusé d’avoir détourné 5 milliards de dollars. Mais, tout à coup, l’un des visiteurs s’énerve en voyant des journalistes. Il hurle, demande ce qu’on fait là et nous demande de déguerpir. Une jeune femme intervient : «voir des journalistes comme ça, c’est nouveau pour nous», s’excuse-t-elle. «Tout le monde est stressé, il y a eu des tirs ici la nuit dernière. Mais ne vous inquiétez pas les choses vont se calmer. On va se débrouiller tout seul et bientôt, vous allez voir la nouvelle Tunisie !»



11-01-17 - Le Monde -- En Tunisie, 'la tension n'est pas retombée

En Tunisie, "la tension n'est pas retombée"

pour Le Monde.fr | 16.01.11 | 07h07  •  Mis à jour le 17.01.11 | 09h01

Un supermarché victime d'un pillage dans la banlieue de Tunis, samedi 15 janvier.AFP/FETHI BELAID

Thomas*, 29 ans, est un Français expatrié depuis 2005 en Tunisie où il travaille dans le télémarketting. Samedi, il décrivait au Monde.fr la situation tendue en Tunisie au lendemain de la fuite du président Ben Ali.

Quelle est votre situation ?

En ce moment, je suis avec deux de mes collègues, deux autres expatriés français, dont l'un est marié avec une tunisienne. On habite tous chez lui. On n'a pas bougé depuis trois jours. Jeudi, on a été travailler normalement. Comme nos locaux sont dans le centre de Tunis, on suivait attentivement l'évolution des événements.

A treize heures, la manifestation est arrivée vers chez nous. On a appris par Facebook qu'il y avait eu des tirs de lacrymo. La société a été fermée et on est rentré chez nous. Depuis on reste cloîtré. On est dans un quartier résidentiel de Carthage, à peu près à un kilomètre du Palais présidentiel. C'est un endroit habituellement assez calme et sécurisé, mais dans la nuit de vendredi à samedi, la situation s'est tendue. Il y a eu des coups de feu.

A un kilomètre de chez nous, entre Carthage Salambo et le Kram, il y a eu des émeutes, c'était le chaos. Impossible de sortir pour voir ce qu'il se passait, on savait que l'armée avait ordre de tirer. Samedi matin, on est ressorti pour la première fois depuis jeudi pour trouver de l'eau et des provisions.

A quoi ressemble l'extérieur ?

Il y a eu beaucoup de dégâts. La plupart des grandes surfaces ont été saccagées. Les commerces qui ont été épargnés sont fermés. On a quand même pu s'approvisionner dans une épicerie de la ville d'à-côté. Après, c'est assez paradoxal. Il y a beaucoup de monde dans les rues, on a même vu des cafés ouverts avec des gens en terrasse, pendant que d'autres étaient en train de construire une barricade devant un magasin. La tension n'est pas retombée. On a passé plusieurs contrôles de l'armée. L'épicier a reçu l'info que d'anciens flics circulaient dans le quartier au volant d'une voiture banalisée. Il nous a conseillé de rentrer chez nous.

Parce que vous êtes français ?

Je ne pense pas, mais c'est vrai qu'on était curieux de voir le regard des Tunisiens envers les Français. On a vraiment eu peur avec toute la confusion qui régnait autour de l'avion de Ben Ali. On a tous poussé un grand ouf de soulagement quand on a su qu'il n'atterrirait pas en France. Forcément, ça aurait eu des répercussions et compliqué notre situation, qui n'est déjà pas simple, avec le soutien de Sarkozy à Ben Ali et les “services” offerts par Michèle Alliot-Marie au pouvoir tunisen.

Etes-vous en contact avec d'autres expatriés ?

En dehors de mes collègues et d'un autre gars dans ma situation, pas vraiment, non. Mais heureusement on est en contact permanent via Facebook avec d'autres amis tunisiens. Ils habitent aux alentours et ça nous permet de savoir ce qu'il se passe à côté de chez nous. Ils se sont organisés en réseau.

Chacun informe les autres de l'évolution de la situation dans son quartier. Dans les médias français, l'information arrive souvent avec une demi-heure ou une heure de retard. Et puis ils ne transmettent que les actualités les plus spectaculaires. Ce n'est pas ce qui nous intéresse en priorité, on recherche plutôt des infos de proximité. Au début de la semaine, ils se servaient des réseaux sociaux pour relayer le mouvement général et les revendications vers l'extérieur, mais maintenant ils les utilisent aussi pour l'information interne.

Avez-vous reçu des instructions de la part des autorités françaises ?

Aucun signe. Vendredi soir on a été voir sur le site internet du consulat. A part quelques consignes générales sans grand intérêt, il n'y avait rien, pas même un numéro d'urgence. Ici, des numéros circulaient, mais aucun ne fonctionnait quand une amie tunisienne a essayé de les appeler alors que des gens essayaient de lui défoncer sa porte. Finalement, ce sont des voisins qui sont intervenus pour l'aider.

On n'est pas armé, mais comme tout le monde, on cède à la psychose. On en n'est pas fier, mais on a rassemblé des couteaux, des pelles, des pioches et tout ce qu'on a pu trouver pour éventuellement se défendre.

Pensez-vous au rapatriement ?

Pas vraiment. J'attends d'abord de voir comment la situation va évoluer. Pour l'instant, on en a aucune idée. Personnellement, j'ai envie de rester. Je me plais ici et je suis parti pour m'y installer. Après, ça va être une question de sécurité. Si ça devient vraiment dangereux, on se fera rapatrier, mais pour l'instant, on essaie de ne pas l'envisager. On n'est pas seulement inquiet pour nous, on l'est aussi pour les tunisiens. Il faut vraiment prendre acte de la volonté de la rue pour que soit mis en place quelque chose de réellement démocratique. Les gens ne veulent pas d'une autre dictature.

Aviez-vous vu venir ces événements ?

Non, c'était inimaginable. Tout le monde pensait que Ben Ali tiendrait. Je me souviens, la première fois que je suis venu en Tunisie, c'était pour un remplacement. Comme ça s'est fait rapidement, je n'avais pas eu le temps de me renseigner sur le pays. C'est dans l'avion, en lisant les journaux, que j'ai compris que j'arrivais en dictature. Il y avait cinq pages de propagande à la gloire de Ben Ali. J'avais déjà entendu parler du culte de la personnalité, mais là, j'ai compris ce que c'était.

Ca fait cinq ans maintenant que je suis en Tunisie et sincèrement, je n'ai rien vu venir.
A l'époque tout le monde en avait déjà ras-le-bol, mais ça ne s'exprimait pas vraiment, on ne parlait pas de politique, ou alors qu'avec des proches en qui on a vraiment confiance. Et puis, ça s'est fait progressivement. Ces derniers temps, c'était devenu intolérable, les proches de Ben Ali affichaient des styles de vie exubérants, les gens ne le supportaient plus. Ils en avaient marre de ce pouvoir, de sa censure et de sa police corrompue.

On m'a toujours dit : si tu te fais cambrioler, n'appelle surtout pas la police. Le seul rapport que j'ai eu avec eux, c'était lors de contrôle d'identité où ils trouvent toujours un moyen pour extorquer 20 dinars.

Avez-vous déjà perçu des changements ?

On a accès à des sites comme Dailymotion ou Youtube qui étaient jusqu'ici interdits. Et puis c'est hallucinant de voir le changement dans les médias. Hier, il y a eu un débat politique à la radio. Avant, c'était complètement impensable. Mais on reste quand même prudent.

Sur Facebook, on a posté une photo qui montrait des policiers en pleine scène de pillages. On ne sait pas si c'est de la censure, mais en tout cas elle a été supprimée de nos publications. On a aussi reçu des consignes de l'armée qui nous demandent d'arrêter de balancer des photos et des vidéos montrant leur déploiement.

*Le prénom a été changé.

Propos recueillis par Linda Maziz



11-01-17 - Le Monde -- La Tunisie en proie à des affrontements armés

La Tunisie en proie à des affrontements armés

LEMONDE.FR | 16.01.11 | 11h13  •  Mis à jour le 17.01.11 | 09h28

Tunis a été le théâtre, dimanche 16 janvier, de violents affrontements entre les forces régulières loyales au gouvernement de transition et des miliciens armés apparemment fidèles au président déchu Zine El-Abidine Ben Ali, qui a fui le pays vendredi. Les combats ont d'abord eu lieu dans le secteur du ministère de l'intérieur et auraient fait deux tués dans les rangs des miliciens. Dans cette zone, complètement désertée par la population, les tirs ont cessé à la tombée de la nuit.

Les affrontements se sont ensuite poursuivis aux abords du palais présidentiel, où l'armée a annoncé avoir donné, ce week-end, l'assaut du palais présidentiel de Carthage, dans lequel sont retranchés des éléments de la garde présidentielle de Ben Ali. Des témoins vivant à proximité du palais, situé à plusieurs kilomètres du centre de Tunis, ont confirmé avoir entendu des tirs continus d'armes lourdes. Un large périmètre de sécurité a été établi autour du site. Après l'annonce de cet assaut, les autorités tunisiennes n'ont plus communiqué sur le sujet, mais des témoins indiquaient que les combats baissaient peu à peu en intensité.

TIRS DEVANT LE SIÈGE D'UN PARTI D'OPPOSITION

Un peu plus tôt dans l'après-midi, des tirs avaient également été échangés devant le siège d'un parti d'opposition, le Parti démocratique progressiste (PDP), à l'issue desquels plusieurs personnes ont été arrêtées, dont deux étrangers, a indiqué un des responsables de cette formation. Quatre ressortissants allemands et d'autres étrangers en nombre indéterminé, tous armés, ont également été arrêtés, selon un policier cité par la télévision publique.

L'armée s'est déployée dimanche dans le centre de Tunis déserté par la population.AP/Christophe Ena

Un semblant de normalité semblait pourtant revenu dans la matinée. Les autorités provisoires avaient annoncé un allègement du couvre-feu en invoquant une amélioration des conditions de sécurité. Surtout, les pillages et les exactions qui avaient marqué les premières heures de l'après-Ben Ali ont largement diminué pendant la nuit.

La situation s'est bruquement tendue en début d'après-midi. Les policiers sont alors devenus de plus en plus nerveux, contrôlant systématiquement les véhicules pour vérifier notamment s'il n'y avait pas d'armes à l'intérieur. Des rumeurs font état de taxis transportant des miliciens.

Dimanche soir, l'armée était déployée à tous les endroits stratégiques de la capitale, notamment à l'aéroport international Carthage, devant la Banque de Tunisie et le siège du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD) parti de l'ex-président. Des comités de vigilance, sortes de milices de quartier, avaient organisé des rondes pour décourager les pillards et les troupes fidèles au président déchu de semer le désordre. "On n'a pas peur : les hommes protègent nos quartiers des miliciens armés qui sont là pour terroriser. Je me sens en sécurité", a témoigné Mouna Ouerghi, 29 ans, professeur d'université.

L'ANCIEN CHEF DE LA SÉCURITÉ DE BEN ALI ARRÊTÉ

Au sommet de l'Etat, une certaine confusion continuait également à régner, entretenue par des règlements de compte et des arrestations de proches de l'ancien président. Le général Ali Sériati, l'ex-chef de la sécurité du président déchu, a notamment été arrêté dans la journée à Ben Guerdane, dans le sud du pays, à la demande de la justice tunisienne qui l'accuse des récentes exactions commises contre la population. 

Selon une source gouvernementale citée par l'AFP, le général Sériati a été interpellé alors qu'il tentait de se rendre en Libye. Auparavant, une source officielle citée par la télévision publique et l'agence officielle TAP avait indiqué le général Ali Sériati avait été formellement accusé d'être responsable des désordres récents dans la capitale et d'autres villes du pays. Dans le même temps, on apprenait l'arrestation d'un neveu de M. Ben Ali. Kaïs Ben Ali a été interpellé par l'armée à Msaken, dans le centre de la Tunisie, avec dix autres personnes qui "tiraient en tous sens" à bord de véhicules de police, selon des témoins. Vendredi, un autre neveu de l'ancien président, très présent dans les affaires, avait été poignardé à mort.



11-01-17 - Le Monde -- A Tunis, entre deux tirs, la population acclame l’armée et crie vengeance

A Tunis, entre deux tirs, la population acclame l’armée et crie vengeance

| 17.01.11 | 11h23

Un barrage de l'armée à Tunis, samedi 15 janvier.REUTERS/ZOHRA BENSEMRA

Une fillette se plante devant le blindé et pose, le sourire gauche, le temps que sa mère la prenne en photo. Le blindé et ses militaires en treillis, postés devant le centre commercial Le Zéphyr, sont devenus la coqueluche des habitants du quartier de la Marsa, au nord de Tunis. Tout le monde vient ici se faire prendre en photo sur fond kaki. Cela semble aussi naturel que d'aller s'attabler aux terrasses de café, noires de monde en ce dimanche midi 16 janvier.

Dans la Tunisie de l'après-Ben Ali, l'armée est devenue, en un clin d'œil, la plus adulée des institutions du pays. On compte sur elle pour stopper les pillages, mater les milices, protéger les habitants et les édifices publics. Elle est le chevalier blanc de l'ère nouvelle. Mais un chevalier pauvre. Des renforts militaires, venus du Sud, seraient attendus incessamment dans la capitale, assure-t-on de bonne source.

"Les soldats ne sont pas assez nombreux, il faut les aider", explique Ahmed, étudiant, volontaire comme des dizaines d'autres habitants du quartier pour monter la garde, un gourdin à la main, à l'entrée de sa ruelle. Les comités de vigilance ont poussé comme des champignons à travers le pays, dans les villes, dans les villages aussi, afin de faire barrage aux miliciens et policiers de l'ancien régime qui, depuis vendredi, tentent de plonger la Tunisie dans le chaos.

"On a chassé Ben Ali, mais il faut les chasser aussi. Tant qu'on n'y est pas parvenu, le drapeau tunisien n'est qu'à moitié levé", résume un commerçant, casquette sur le crâne, planté à l'angle de l'avenue Taïeb-Mehiri et de la rue Salem-Bouadjeb. Plusieurs suspects, repérés par les comités de vigilance, ont pu être arrêtés par l'armée. Il est presque 18h30, et une première salve de tirs retentit, tout près.

"Ça vient de là!", crie un homme, tendant la main vers la masse confuse d'un bosquet d'arbres cernés de hauts murs. Il fait nuit noire. On n'y voit goutte malgré les lampadaires qui s'égrènent le long de l'avenue. Un véhicule militaire passe à toute allure. Les tirs cessent. Quelques instants plus tard, quand les soldats repassent, des applaudissements les saluent.

Durant le début de la soirée, l'atmosphère est presque détendue. Certes, il y a eu ces tirs – mais ce ne sont pas les premiers. Chacun a fini par s'y habituer, comme au bruit sourd des hélicoptères qui repèrent les mouvements suspects, et notamment ceux des pilleurs.

Au nord de Tunis, du quartier du Kram à celui de la Marsa, les biens détruits ne l'ont pas été par les milices de l'ancien régime. Le magasin Monoprix de Carthage, par exemple, a été incendié, sans que la banque voisine ou les commerces alentour soient touchés. Samedi, en plein jour, on pouvait encore croiser, ici et là, des pilleurs besogneux, poussant des chariots regorgeant de ce qu'ils avaient pu grappiller parmi les décombres du grand magasin – propriété d'un membre de la belle famille de l'ex-président.

Plusieurs villas, appartenant aux Trabelsi (le nom de jeune fille de l'épouse de Ben Ali), ont été mises à sac. Et une kyrielle de voitures, appartenant au parc d'un des membres de "la famille", ont été volées, incendiées ou désossées. "Voiture du peuple", était-il écrit (en arabe) sur la portière d'une de ces épaves. Ce ne sont là que des broutilles, comparées aux pillages de centres commerciaux perpétrés par les bandes armées de miliciens et policiers "benalistes". Sans parler des exactions et des tueries.

Dans les ruelles voisines de l'avenue Taïeb-Mehiri, à chaque barrage, des discussions s'engagent. On échange les informations. Plus d'une centaine de membres de l'ancienne garde présidentielle se sont retranchés à l'intérieur du palais de Carthage, dit-on, l'armée essayant de les déloger. La caserne de Gammarth aussi est "occupée". On répète enfin que plusieurs snipers étrangers, parmi lesquels des Français, ont été arrêtés.

Soudain, vers 19h15, des tirs nourris éclatent. La fusillade dure plusieurs longues minutes. Chacun, effrayé, se précipite pour se mettre à l'abri. Les femmes et les enfants, qui bavardaient dehors, près des barrages, se ruent à l'intérieur des maisons. L'alarme passée, la nervosité reste grande. La journaliste étrangère, chaleureusement accueillie cinq minutes plus tôt, se voit brutalement confisquer passeport et téléphone portable. La soirée se finit au poste de police, le temps d'une vérification d'identité.

Vers 21 heures, la télévision nationale annonce que le palais de Carthage a été vidé de ses occupants – sans qu'en soit précisé le nombre – et placé sous le contrôle de l'armée. L'affaire des snipers est évoquée. Pas un mot, en revanche, sur la caserne de Gammarth. La Marsa s'endort, sombrant dans un mauvais sommeil.

Catherine Simon

11-01-17 - Le Monde -- Peut-être on partira, mais on brûlera Tunis

"Peut-être on partira, mais on brûlera Tunis"

| 17.01.11 | 11h13  •  Mis à jour le 17.01.11 | 16h01

Cet homme n'est ni grand ni petit. On ne peut pas le décrire. Il n'a pas de nom. Il faut lui en inventer un : Zyed. Il se terre dans une maison du quartier Bardo, à Tunis, qu'il fait surveiller depuis la rue par de jeunes parents, les nerfs à fleur de peau. "Je change d'endroit toutes les heures", dit-il en refoulant des larmes.

Conseiller de Zine El-Abidine Ben Ali au palais de Carthage, il avait pris contact de sa propre initiative quelques jours avant la chute de l'ex-président parce que, disait-il, il ne voulait pas "être complice des massacres". Pour le rencontrer, ce dimanche 16 janvier, il faut suivre des émissaires à travers un dédale de rues.

Zyed tente aujourd'hui de fuir la Tunisie, mais son passeport français, qu'il exhibe trop brièvement, est faux. Son récit, souvent interrompu par le bruit de tirs tout proches qui le font violemment sursauter, met en scène les intrigues d'un clan familial sclérosé et une fin de règne agonisante bien avant le début, le 17 décembre 2010, des émeutes en Tunisie. "Il régnait une atmosphère délétère au palais, souligne-t-il. En septembre, il y a eu un accrochage très sérieux entre le président et sa femme, et, à partir de là, la présence de son frère Belhassen et de son fils Imed est devenue de plus en plus forte."

L'ancien conseiller avance aussi le nom de Slim Chiboub, marié à Dorsaf Ben Ali, la fille de l'ancien président, mais écarte celui d'un autre gendre, très en vue, Sakhr El-Materi, décrit comme "un requin qui n'a pas de dents".

"QU'IL CRÈVE"

En octobre, ce clan aurait mis au point, selon lui, un scénario "diabolique" consistant à laisser "le président en poste jusqu'en janvier 2013, puis sa démission aurait été annoncée pour raison médicale, suivie d'un appel pour des élections". Les partis "amis" auraient été instrumentalisés pour créer une polémique en présentant de faux candidats. Des manifestations organisées un peu partout par le RCD, le parti du pouvoir, se seraient conclues par une "manif monstre d'un million de personnes à Tunis pour réclamer la candidature de Leïla".

Mais, le 17 décembre, le suicide de Mohamed Bouazizi, immolé par le feu, change tout. "Ben Ali était totalement indifférent, il a dit quelque chose comme : 'Qu'il crève'. A ce moment, Abdelwahab Abdallah est devenu le véritable régent, et Abdelaziz Ben Dhia le filtre sans qui rien ne passait." Ali Sériati, le chef de la garde présidentielle, fait partie du dispositif.

L'ancien conseiller décrit des acteurs de plus en plus fébriles au fur et à mesure que le mouvement de révolte prend de l'ampleur dans le pays. Le 29 décembre, au lendemain du premier discours du président, il assiste à une réunion de crise. "Abdallah a dit : 'Il faut que tout ça soit manipulé par un groupe affilié à Al-Qaida au Maghreb islamique. Pour nos amis français, c'est la seule solution.' Ce à quoi a répondu Ben Ali, très cynique: 'AQMI en Tunisie, c'est la mort du tourisme, on va se suicider'."

DES APPELS D'ERIC RAOULT

Aux Américains, un même argument devait être présenté : Kasserine, la ville où les manifestations ont été les plus durement réprimées, était un "foyer islamiste". "Il y a eu un air de fête après les déclarations de Michèle Alliot-Marie lorsqu'elle a proposé d'aider à former des policiers tunisiens, poursuit Zyed. Et Eric Raoult appelait tout le temps pour dire qu'il ne fallait pas ouvrir la brèche aux islamistes ; Abdallah l'avait surnommé la 'passerelle'."

Contacté, M. Raoult reconnaît avoir "appelé souvent", mais, assure-t-il, "des amis comme Charfeddine Guellouz ou Habiba Massabi [députée RCD], pas la présidence, ce n'est pas de mon niveau".

La situation, cependant, s'aggrave en Tunisie. Le conseiller, qui révèle que l'ancien chef de l'Etat s'était réfugié dans sa propriété d'Hammamet avant de quitter le pays et avait préenregistré son dernier discours, rapporte cette dernière réunion : "Sériati a prévenu que les militaires, ces 'fils de bâtards', a-t-il dit, fraternisaient avec la population. Il a ajouté: 'Peut-être on partira, mais on brûlera Tunis : j'ai 800 bonhommes prêts à se sacrifier. Dans deux semaines, les mêmes qui manifestent vont nous supplier de reprendre les choses en main.'" Zyed, alors, est parti de son côté.

Isabelle Mandraud

11-01-17 - The Boston Globe -- Tunisian military sides with interim government

Tunisian military sides with interim government

Confusion still reigns after Ben Ali’s ouster; Former aides are arrested

By David D. Kirkpatrick

New York Times / January 17, 2011

TUNIS — New battle lines appeared to take shape in traumatized Tunisia yesterday as the military backed the interim government in what state media portrayed as a fight against security forces loyal to ousted President Zine El Abidine Ben Ali, blaming them for the violence and rioting that has engulfed the country since protests forced him from power 48 hours earlier.

State television reported that the military had arrested Ben Ali’s former security chief, Ali Seriati, charging him with plotting against the government and inciting acts of violence. It also said a gunfight with Ben Ali’s security forces broke out near a former presidential palace here in the capital, and that the military had called in reinforcements as it battled other security forces in the southern part of the country.

Ben Ali’s nephew, Kais Ben Ali, was among another group arrested on suspicion of “shooting at random’’ from police cars, Agence France-Presse reported. And there were reports that the ousted president’s former interior minister, Rafiq Belhaj Kacem, had been arrested in his hometown for unspecified reasons.

The state news reports underscored the military’s growing role in sustaining the interim civilian government, sometimes against elements of the police force. It became clear yesterday that the military had stepped forward to help calm the streets of the capital, displacing and controlling the gangs of newly deputized police officers who had sometimes terrorized residents the day before.

As virtually the only pillar of government left intact, the military could play a pivotal role in determining whether a new autocrat or the first Arab democracy emerges from the tumult that brought down Ben Ali, who fled for Saudi Arabia Friday.

But determining who was in control or who was fighting whom here is also growing increasingly difficult. It was unclear how much responsibility Ben Ali’s loyalists bore for the chaos, or whether they were scapegoats. Many Tunisians, still seething at the flagrant corruption and brutal repression of Ben Ali’s rule, have been insisting without evidence for days that any riots and looting were the work of his police officers.

A tendency by the police to overreact illustrated the confusion.

About 3 p.m., a mob that included police officers arrested about a dozen Swedes after a search found weapons cases in their taxis; they were later determined to be a party of hunters in Tunisia to bag wild boar.

Later, the police arrested four men carrying German passports, according to state television, on suspicion of firing shots at an opposition party headquarters, though no motive was provided.

The protests have been fueled in large part by anger at the great fortunes amassed in recent years by members of the president’s family as everyday Tunisians suffered soaring unemployment, and the rage evidently burned on after the family was gone.

Rioters ransacked several family mansions along with the Carthage headquarters of the president’s ruling party. They set scores of cars on fire apparently because they were sold at dealerships owned by the president’s billionaire son-in-law.

Fouad Mebazaa, the speaker of parliament and interim president, and Mohamed Ghannouchi, the prime minister ,met yesterday with opposition party leaders about forming a unity government. Both are close allies of Ben Ali from the ruling party.

Ghannouchi announced that he expected to present a new unity government today. He is expected to push the deadline for new elections back from 60 days to six months. Tunisian analysts said that the new government might allow the political participation of banned parties like the Islamists.

General Rachid Ammar, the country’s top military official, is believed to have guided recent events in the government, including helping to usher Ben Ali from the scene.

Secretary of State Hillary Rodham Clinton called the Tunisian foreign minister, Kamel Morjane. She urged the new government to address popular concerns about economic opportunities, civil liberties, and democratic elections, the State Department said in a statement.

11-01-18 - Le Monde -- A Bizerte, la population se méfie d’un ennemi invisible

A Bizerte, la population se méfie d’un ennemi invisible

 | 18.01.11 | 16h10  •  Mis à jour le 19.01.11 | 10h44

Un supermarché de Bizerte en feu après sa mise à sac, le 15 janvier.AP/Hassene Dridi

Pas un hôtel ouvert, pas même un restaurant. Bizerte est en état de siège. A la terrasse du Café mixte, à clientèle 100% masculine, des jeunes prennent le soleil pour se reposer de la longue nuit passée aux "barrages", avec d'autres gars du quartier, afin de contrôler les véhicules suspects. "On a donné le premier coup de balai en chassant Ben Ali. Il faut maintenant donner le deuxième", sourit l'un d'eux, allusion aux milices de l'ancien régime embusquées dans la ville portuaire, célèbre pour ses casernes, ses prisons et ses énormes paquebots.

L'avenue du 7-Novembre (date de l'arrivée au pouvoir de l'ex-président Zine El-Abidine Ben Ali, le 7 novembre 1987) pourrait être prochainement rebaptisée "avenue de la Liberté", assurent les jeunes gens, qui n'ont, répètent-ils, "peur de rien". Lundi 17 janvier, des tirs nourris sont échangés, en centre-ville, dont un quartier entier a été bouclé par l'armée, impuissante à déloger les six ou sept snipers qui campent sur les toits.

Le western dure depuis samedi. "Ces tireurs d'élite sont des mabouls totaux. Ils n'ont pas faim ? Pas soif ? Ils ne dorment jamais ?", s'énerve Fatma Benmosbah, journaliste, contrainte de rester enfermée chez elle en attendant que les tirs cessent. A vrai dire, personne ne sait très bien qui sont ces snipers. Ni combien ils sont. Les rumeurs courent, jamais démenties, jamais confirmées.

"On dit qu'ils manquent de munitions", avance la recluse, jointe par téléphone lundi soir. "Depuis la fin de l'après-midi, ça tire moins", ajoute-t-elle. Elle espère pouvoir mettre le nez dehors mardi.

"On va y arriver, mais ils sont coriaces : ça prendra du temps", lance le membre d'un comité de vigilance, dont le "barrage" est dressé sur la route qui serpente à travers la forêt de pins de Nadhor, au-dessus de Bizerte. Lui aussi guette les miliciens. On les soupçonne de vouloir prêter main-forte aux mutins de la prison de Borj Erroumi, située au sommet des monts.

Par un curieux miracle, dès la chute et le départ du président Ben Ali, les prisons de Monastir et de Mahdia ont été ouvertes et les détenus de droit commun libérés. A la prison de Mornag, la tentative a échoué. Ici aussi. Mais une mutinerie empoisonne l'atmosphère. Les détenus, racontent les membres du comité de vigilance, sont sortis de leurs cellules et se sont regroupés dans la cour de la prison. "Les militaires ont l'ordre de tirer sur tous ceux qui tenteraient de s'enfuir", assurent-ils.

POLITIQUE DE LA TERRE BRÛLÉE

Avec sa nonchalance apparente, Bizerte, 150 000 habitants, a connu, comme la plupart des villes tunisiennes, ses journées de pillages bien ciblés (Monoprix, Lee Cooper – enseignes qui appartiennent à la famille Ben Ali –, le bureau de l'emploi). Aucune grande manifestation, en revanche, n'a fait trembler ses rues. "La police a quitté la ville, la laissant livrée à elle-même, un jour ou deux avant la chute de Ben Ali", explique le docteur Saïda Aoun. Les pilleurs en ont profité. Mais sagement : sans dérive ni dérapage.

La politique de la terre brûlée, que le régime bénaliste est soupçonné par certains Bizertins d'avoir tenté de mettre en œuvre, n'a pas marché. S'il y a violence, c'est entre snipers et militaires. Les civils en restent éloignés. Personne ne sait dire, avec certitude, s'il y a eu des morts. On parle de quatre militaires et deux snipers tués.

L'ennemi reste largement invisible. Ceux qui tirent, ce sont les policiers, les fidèles de l'ancien régime, dont certains se sont installés dans les locaux de la direction de la police de Bizerte et Béja. Ils seraient, au total, plusieurs dizaines ; des cadres, pour l'essentiel. Quelques-uns préfèrent ne pas quitter leur domicile et se barricadent chez eux. A l'instar des responsables du Rassemblement constitutionnel et démocratique (RCD, ancien parti dominant), terrés chez eux et évitant de sortir "de peur d'être reconnus et lynchés", affirme Mohammed Salah Fliss, vieux Bizertin et ex-prisonnier politique sous la présidence d'Habib Bourguiba.

Ce serait le cas, par exemple, du secrétaire général du comité de coordination – la structure régionale du RCD –, un poste auquel l'ancien chef de l'Etat l'avait personnellement nommé. Ce serait également le cas du gouverneur, qui servait, sous M. Ben Ali, de courroie de transmission entre l'administration centrale et Bizerte. Depuis le 14 janvier, le gouverneur ne se montre plus. "Il n'a plus rien à faire", explique Mohammed Salah Fliss. Ses bureaux, désertés, sont désormais sous la garde de l'armée.

Catherine Simon