avenir d'une offensive

Dossier Tunisie 4

2011-01-11 - insurrection

11-01-10 - Le Monde -- Ben Ali s'engage à créer 300 000 emplois entre 2011 et 2012

Tunisie : Ben Ali s'engage à créer 300 000 emplois entre 2011 et 2012

LEMONDE.FR avec AFP et Reuters | 10.01.11 | 16h51  •  Mis à jour le 11.01.11 | 11h32


Le pouvoir tunisien cherche une issue à la violente crise sociale qui secoue le pays depuis mi-décembre. Confronté à une vague de révolte contre le chômage sans précédent depuis vingt-cinq ans, le président tunisien Zine El-Abidine Ben Ali s'est engagé, lundi 10 janvier, à créer 300 000 emplois entre 2011 et 2012.

Le gouvernement a par ailleurs annoncé la fermeture "jusqu'à nouvel ordre" des écoles et universités dans tout le pays. "En attendant l'aboutissement des enquêtes ouvertes pour déterminer les responsabilités des actes de vandalisme commis, les examens actuellement en cours dans les universités seront suspendus et reportés à une date ultérieure", ont précisé les ministères de l'éducation et de l'enseignement supérieur. Cette décision a été prise alors qu'une manifestation de jeunes lycéens et étudiants était dispersée par les unités anti-émeute dans le centre de Tunis, où comme dans tout le pays les jeunes sont très mobilisés.

DES "ACTES TERRORISTES" SELON LE PRÉSIDENT

Dimanche, le gouvernement avait donné un signe d'ouverture aux manifestants : "Ce mouvement social est légitime", avait-il estimé dans un communiqué. "Les revendications des citoyens en faveur de l'emploi ont toute leur place."

Si les manifestations sont considérées comme légitimes par le pouvoir, le président tunisien a cependant jugé lundi que les personnes impliquées dans les affrontements meurtriers de ces derniers jours avec les forces de l'ordre sont coupables d'un "acte terroriste". "Les événements étaient violents, parfois sanglants, ont provoqué la mort de civils et blessé plusieurs membres des forces de l'ordre", a-t-il déclaré. Ils "furent l'œuvre de bandes masquées qui ont attaqué la nuit des édifices publics et même des civils à leurs domiciles lors d'un acte terroriste qu'on ne saurait taire", a-t-il ajouté lors d'un discours diffusé par la télévision publique. "A ceux qui veulent porter atteinte aux intérêts du pays, ou manipuler notre jeunesse, nous disons que la loi sera appliquée", a-t-il ajouté.

AU MOINS VINGT-TROIS MORTS

La Tunisie connaît une vague de révolte contre le chômage et la cherté de la vie depuis le 17 décembre, après le suicide d'un jeune vendeur ambulant qui s'était immolé par le feu à Sidi Bouzid, au cœur de la Tunisie. Depuis, des manifestations ont lieu tous les jours dans plusieurs villes et au moins cinq autres personnes se sont suicidées, souvent par immolation par le feu.

Le président Ben Ali a rendu visite à Mohammed Al-Bouazzizi sur son lit d'hôpital le 28 décembre. AFP/TUNISIA PRESIDENCY

Selon un bilan établi par Le Monde, les affrontements du week-end entre manifestants et police ont fait au moins vingt-trois morts par balle dans les villes de Thala, Kasserine et Ragueb. Le gouvernement a quant à lui reconnu quatorze civils tués par les forces de l'ordre. De nouvelles échauffourées ont également eu lieu dans la nuit de dimanche à lundi, notamment à Jendouba, Bouarada, Chebba, Le Kef.

Les affrontements ont également repris lundi dans trois localités du centre-ouest de la Tunisie (Kasserine, Thala et Ragueb) , signe de la poursuite des émeutes. Un homme blessé dimanche par balle a succombé lors de son hospitalisation, ont indiqué des sources concordantes.

Depuis fin décembre, les mouvements se multiplient dans les régions du centre de la Tunisie mais aussi dans les grandes villes du pays.AFP/FETHI BELAID

Pour le gouvernement, la police a agi en état de "légitime défense" en faisant face à des manifestants qui leur jetaient des cocktails Molotov et des projectiles. Il faut remonter aux "émeutes du pain", en 1984, du temps du président Bourguiba, qui avaient fait de très nombreuses victimes, pour trouver une situation aussi tendue et un tel recours à la force.

BRUXELLES SORT DE SON SILENCE

Ni la France ni l'Europe ne s'étaient prononcées depuis le début des émeutes en Tunisie. Une réserve dénoncée par Europe Ecologie-Les Verts (EELV) et Tunisie verte, un parti non autorisé, qui ont déploré le "silence coupable" de Bruxelles et Paris. Mais après les Etats-Unis, l'Union européenne a fini par hausser le ton lundi.

"Nous appelons à la retenue dans le recours à la force et au respect des libertés fondamentales. Nous appelons en particulier à la libération immédiate des blogueurs, journalistes, avocats et autres personnes détenues, qui manifestaient pacifiquement en Tunisie", a déclaré la porte-parole de Catherine Ashton, la chef de la diplomatie européenne. Rappelant que l'UE discutait actuellement avec la Tunisie d'un renforcement de leur relation bilatérale, la porte-parole a souligné qu'une telle perspective "requiert des engagements accrus sur tous les sujets, en particulier dans le domaine des droits de l'homme et des libertés fondamentales".

RENFORCEMENT DES RELATIONS BILATÉRALES

Depuis mai 2010 en effet, l'UE, déjà liée à la Tunisie par un accord d'association datant de 1995, négocie en vue de lui octroyer un "statut avancé", à l'instar de celui dont bénéficie déjà le Maroc. Tunis le demande depuis novembre 2008. Ce statut permet notamment d'intensifier le dialogue politique et les relations commerciales. La Tunisie bénéficie déjà d'importants financements européens dans le cadre de la politique de voisinage de l'UE.

En donnant le coup d'envoi des négociations sur le statut avancé en mai, le commissaire européen Stefan Füle avait souligné l'accord des deux parties pour dire qu'il "n'y a pas de tabous", y compris sur les questions de droits de l'homme et les libertés fondamentales. Paris, la Fédération internationale des ligues de droits de l'homme (FIDH) a réclamé lundi la suspension des négociations sur le "statut avancé", à la suite des violences.

La France est, elle aussi, prudemment sortie de son silence lundi en déplorant les violences. Un porte-parole du Quai d'Orsay a appelé "à l'apaisement".

11-01-11 - Libération -- La Tunisie se soulève, Ben Ali reste sourd

11/01/2011 à 00h00
La Tunisie se soulève, Ben Ali reste sourd

Alors que les émeutes, qui ont fait plusieurs dizaines de morts, se diffusent dans tout le pays, le Président ferme écoles et universités et accentue la répression.

Par Christophe Ayad

Des manifestants tunisiens lors de heurts avec les forces de sécurité, le 10 janvier 2011 à Regueb. (© AFP Str)

C’était un mouvement social, c’est devenu une Intifada. En un week-end, l’agitation qui secouait le centre de la Tunisie depuis le 17 décembre a basculé dans la pure répression d’un peuple réclamant dignité et liberté. Et non plus seulement des emplois, comme a fait mine de le croire le président Zine el-Abidine Ben Ali, qui est intervenu une nouvelle fois hier à la télévision pour dénoncer les «voyous cagoulés» perpétrant des «actes terroristes impardonnables». Il a stigmatisé des «éléments hostiles à la solde de l’étranger, qui ont vendu leur âme à l’extrémisme et au terrorisme». Le discours surréaliste d’un dictateur, livide et fatiguée, dépassé par les événements et refusant de prendre la mesure du problème, continuant de croire que quelques dinars et 300 000 emplois en deux ans pourront calmer l’exaspération de tout un peuple.

Incontrôlables. En fait, la seule véritable annonce d’importance, hier, a été la fermeture temporaire des universités et établissements scolaires, devenus des foyers de contestation incontrôlables. Désormais, Tunis, jusque-là peu touchée par les manifestations, est entrée dans la danse (lire page 4). Un étudiant aurait été blessé et huit arrêtés sur le campus Al-Manar, près de la capitale. Des marches auraient aussi été organisées sur le campus de la Manouba, dans les quartiers du Bardo, de l’Ariana, de Ben Arous. Tunis mais aussi Sfax, Sousse, Nabeul, c’est-à-dire les grandes villes côtières et touristiques, sont gagnées par la contestation. En plus de Kairouan, de Redeyef et du centre du pays, où tout a commencé.

Malgré le silence de la presse officielle et de la télévision d’Etat, l’information circule dans le pays, essentiellement par les réseaux sociaux (lire ci-contre), le téléphone et le bouche-à-oreille. C’est ainsi que les Tunisiens ont appris le bilan d’un week-end tragique ayant causé 20 à 50 morts selon les sources (14 officiellement), essentiellement dans le triangle Regueb-Kasserine-Thala, dans le centre du pays. Les troubles se sont poursuivis dans ces villes, dont certaines sont littéralement occupées par l’armée et la police, comme Kasserine, ou soumises à un couvre-feu, à l’instar de Meknassi.

L’armée, toutefois, ne participerait pas à la répression (lire page 4), laissant la police en première ligne. Cette dernière, qui invoque la «légitime défense», dit avoir tiré pour protéger les bâtiments officiels et les banques que les manifestants auraient eu l’intention d’attaquer à coups de cocktails Molotov. Comment expliquer alors que la police soit, ensuite, allée jusqu’à tirer sur des cortèges funéraires, obligeant les marcheurs à abandonner les corps sur place ? Une attitude qui n’a fait que redoubler la colère des manifestants qui, dans plusieurs villes, notamment à Jendouba, ont détruit les locaux du parti au pouvoir, le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD).

Muette. Autre tabou largement brisé ce week-end : les manifestants s’en prennent désormais sans crainte à la personne du Président, déchirant et incendiant les affiches omniprésentes de Ben Ali, criant des slogans directement dirigés contre lui et sa famille, accusée de piller le pays. D’autres morts sont tombés hier. Combien ? Nul ne le sait exactement. Combien d’arrestations ? Pas plus. La police semblant débordée par le nombre, elle se contente d’appréhender, de tabasser au commissariat puis de relâcher les manifestants.

La chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton, jusqu’ici singulièrement muette sur le sujet, a appelé à la «libération immédiate» des manifestants emprisonnés. Elle a aussi appelé le pouvoir à la «retenue dans le recours à la force et au respect des libertés fondamentales». Paris s’est contenté du service minimum, «déplorant» les «violences» et appelant à l’apaisement et au «dialogue». Depuis le début de la crise, la France, principal sponsor de la Tunisie dans sa demande d’octroi d’un statut avancé dans son partenariat avec l’UE, ne pipe mot depuis le début de la crise. Le ministre de la Culture, Frédéric Mitterrand, qui se rend régulièrement en vacances en Tunisie, a écarté le mot de «dictature» pour parler du régime Ben Ali, dimanche sur Canal +. Quant à Bertrand Delanoë, maire de Paris et grand ami de la Tunisie, il s’est déclaré «soucieux», alors que le PS a condamné «solennellement la répression».

L'essentiel

Le contexte

Le président Ben Ali est intervenu hier à la télévision tunisienne pour tenter de mettre un terme aux émeutes qui secouent le pays, en promettant des emplois et en qualifiant les manifestations «d’actes terroristes».

L'enjeu

Alors que les affrontements entre manifestants et policiers ont fait au moins 20 morts, Ben Ali traverse la plus grave crise depuis son arrivée au pouvoir en 1987.

11-01-11 - Le Soir d'Algérie -- Le centre-ouest enterre ses morts dans la colère et le deuil

Le centre-ouest enterre ses morts dans la colère et le deuil

Balles en caoutchouc, gaz lacrymogènes et cris de rage ont marqué une journée de colère hier dans les localités du centre-ouest de la Tunisie qui enterraient leurs morts tombés ce week-end lors d'émeutes sans précédent contre le chômage.
A Regueb, près de Sidi Bouzid (265 km au sud de Tunis), plus de 3 000 manifestants partagés entre la colère et le deuil ont défilé en cortège jusqu'au domicile de Manal Boualagui, une jeune femme tuée dimanche d'une balle dans le dos. Selon un correspondant de l'AFP, la police est intervenue et a dispersé le cortège en tirant des balles en caoutchouc pour prévenir les manifestants de faire le tour des autres domiciles endeuillés. Les forces de l'ordre ont également empêché des mises en terre de victimes tombées la veille sous les balles dans le carré des martyrs de la ville, totalement paralysée en ce jour de marché hebdomadaire. Selon un enseignant défenseur des droits de l'Homme, Slimane Roussi, l'armée s'est interposée entre la police et les manifestants dans cette localité, dont les rues étaient jonchées de douilles de balles. A Thala, la police à tiré des balles en caoutchouc pour disperser la foule des manifestants venus protester contre des «arrestations massives» et des perquisitions notamment aux domiciles de victimes, a relaté un témoin à l'AFP. Kasserine, ville de 77 000 habitants à 290 km de Tunis et à 65 km de la frontière algérienne, a été le théâtre d'affrontements entre des manifestants, retranchés dans les locaux du syndicat régional, et la police. Selon Sadok Mahmoudi, membre du bureau exécutif de l'Union régionale des travailleurs tunisiens (UGTT, centrale syndicale), les commerces étaient fermés et les habitants ont crié «leur colère contre leur régime» accusé de perpétrer «une tuerie contre le peuple». Plusieurs personnes se sont retranchés dans les locaux du syndicat pour fuir des tirs massifs de gaz lacrymogènes, selon M. Mahmoudi, qui a vu des ambulances sillonner la ville. «La police est allée jusqu'à lancer des lacrymogènes dans un hammam de femmes», les obligeant à quitter les lieux dans la panique, a-t-il assuré. Il a indiqué qu'un homme blessé par balles dimanche avait succombé à sa blessure hier à l'hôpital, placé sous contrôle de l'armée. M. Mahmoudi a également fait état d'«grand nombre» de blessés en réanimation et indiqué que, selon des sources sanitaires, l'hôpital était à court de sang. A Tunis, des unités de la police anti-émeute ont dispersé à coups de matraques une manifestation de quelques dizaines de jeunes sur la place du Passage, dans le centre de la ville. Ces derniers s'y étaient donné rendez-vous par le biais de leur compte Facebook, où le drapeau national entaché de sang s'affiche en photo, en signe de protestation contre les récentes violences. Des émeutes contre le chômage sans précédent en Tunisie ont fait samedi et dimanche au moins 14 morts selon le gouvernement, et plus de 20 selon des sources de l'opposition. Hier, des manifestations et des affrontements ont été signalés à l'AFP par des témoins à Ferina et Redyef, près de Gafsa (350 km au sud-ouest), à Kairouan et sa région (centre-ouest) et au Kef (nord-ouest). En fin d'après-midi, le président Zine El Abidine Ben Ali a annoncé dans un discours télévisé que des centaines de milliers d'emplois allaient être créés pour tenter d'endiguer la colère d'une jeunesse qui se plaint du manque de perspectives. Il a également condamné «les actes terroristes perpétrés par des voyous cagoulés».

11-01-11 - Herald Tribune -- Amid Rioting, Tunisia Closes Universities and Schools

Amid Rioting, Tunisia Closes Universities and Schools


DAVID D. KIRKPATRICK

Published: Tuesday, January 11, 2011 at 5:18 a.m.
Last Modified: Tuesday, January 11, 2011 at 5:18 a.m.

CAIRO — The Tunisian government ordered the closing of all schools and universities in the country on Monday until further notice in an attempt to quell escalating riots over poverty and unemployment.

At least 14 people have died in the riots, according to the official Tunisian news agency, which also reported the school closings. Opponents of the government contend that riot police officers have shot and killed many more since the riots broke out three weeks ago.

President Zine el-Abidine Ben Ali, in a televised address, promised to create more jobs, but also to stamp out any violence. He blamed unspecified enemies abroad for the rioting.

The events were the work of masked gangs that attacked at night government buildings and even civilians inside their homes in a terrorist act that cannot be overlooked,” he said, according to Al Jazeera.

Citing criticism from the State Department for its handling of the riots, the Tunisian government summoned the American ambassador to express its “astonishment,” Tunisian state television reported.

A State Department spokesman, Philip J. Crowley, described the meeting as “a follow-up discussion” with the Tunisian government. “We, again, affirmed our concerns not only about the ongoing violence, the importance of respecting freedom of expression, but also the importance of the availability of information,” Mr. Crowley said.

The riots began about three weeks ago after a 26-year-old man with a college degree, in despair at his dismal prospects, committed suicide by setting himself on fire. He had been trying to sell a container of fruits and vegetables, and the police confiscated his merchandise because he had no permit.

His self-immolation unleashed the pent-up anger of Tunisia’s educated and underemployed youth, and soon that of others as well.

On Monday, security forces surrounded a university where hundreds of students were trying to protest, according to Reuters. The rioting showed signs of spreading from provincial towns toward the cities of the Mediterranean coast which are central to the tourist industry, Reuters reported.

The riots are believed to have spread in part through social-media Web sites, and the Tunisian government reportedly directed Internet service providers to hack into the accounts of individual users. As the riots mounted over the weekend, the State Department expressed concern about intrusions into the privacy of Tunisian customers of American companies like Facebook, Yahoo and Google.

The United Nations secretary general, Ban Ki-moon, urged restraint and respect for freedom of expression.

Since taking power in a bloodless coup more than two decades ago, President Ben Ali has enforced strict censorship and tolerated little dissent. Although Tunis markets itself as a peaceful tourist haven, it earns dismal marks from international human rights groups.

Official figures put unemployment at about 14 percent, with much higher levels among young people.

11-01-11 - Le Temps d'Algérie -- Plus de 50 morts dans de violents affrontements

11-01-2011

Tunisie

Plus de 50 morts dans de violents affrontements

La situation est chaotique en Tunisie et le bilan des sanglants affrontements entre la population et les forces antiémeutes ne cesse de s'alourdir. Jusqu'à hier après-midi, 50 morts ont été déplorés depuis l'éclatement de la révolte dans ce pays. Ce bilan est de loin inférieur à celui du gouvernement tunisien.

Le nombre de blessés, non communiqué, semble être très important, estime la Fédération internationale des ligues de droits de l'homme (FIDH). Ce bilan humain de la révolte sociale a tragiquement augmenté après les manifestations du week-end. Les émeutes se sont alors déplacées à des villes côtières, Bizerte et Sousse, au cœur de la Tunisie touristique, explique la présidente de la FIHD,  Souhayr Belhassen.

Trois localités du centre-ouest de la Tunisie – Kasserine, Thala et Regueb – étaient également en proie aux violences lundi et Amnesty International rapporte que dans ces trois villes, les forces de sécurité ont ouvert le feu sur les manifestants, «dans le cadre d'une répression de plus en plus violente contre ceux qui expriment leur colère face aux conditions de vie, au chômage et à la corruption».

A Kesserine (290 km au sud de Tunis) «c'est le chaos après une nuit de violences, de tirs de snipers, pillages et vols de commerces et de domiciles par des effectifs de police en civil qui se sont ensuite retirés», témoigne Sadok Mahmoudi, membre de l'Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT, centrale syndicale) aux agences de presse.

Les autorités tunisiennes ont reconnu le recours à la force par leurs services d'ordre «pour empêcher les émeutiers d'atteindre certains édifices publics».

Néanmoins, selon le personnel médical de l'hôpital régional de Kasserine où ont été transportés les corps, le nombre de morts est beaucoup plus important que les quatre officiellement reconnus. Le personnel a dû débrayer durant une heure pour protester contre le nombre élevé de victimes et la gravité des blessures, a ajouté ce fonctionnaire, décrivant des «cadavres éventrés, à la cervelle éclatée».

Ainsi et au vu de la protestation qui continue d'ébranler les villes de Tunisie, le discours du président  Zine el Abidine Ben Ali ne semble n'avoir aucun effet sur les populations. Le président Ben Ali a promis la création de 300 000 emplois en deux ans pour calmer l'agitation de la jeunesse et avait qualifié les émeutes d'«acte terroriste dirigé par des éléments étrangers».

Dans les villes d'El Kef, dans le Nord-Ouest, et de Gafsa, plus au sud, le discours a été par contre suivi de manifestations, dispersées à coups de gaz lacrymogènes, selon plusieurs témoins.

Alors que de violentes manifestations se sont également produites lundi dans la ville côtière de Bizerte, pour la première fois depuis le début de l'agitation sociale fin décembre.

Fermeture des écoles et des universités

Dans l'espoir d'endiguer la contestation étudiante, le gouvernement a ordonné la fermeture de toutes les écoles et universités du pays à partir de mardi et jusqu'à nouvel ordre. Les autorités tunisiennes ont décidé lundi la suspension des cours dans tous les établissements éducatifs et universitaires à partir de mardi et jusqu'à nouvel ordre, à la suite des troubles qui secouent le pays depuis  trois semaines. Dans un communiqué conjoint diffusé par l'agence de presse tunisienne TAP, les ministères de l'Education et de l'Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique ont également annoncé le report des examens restants du cycle supérieur. Les deux ministères ont justifié cette décision par les «troubles survenus dans un certain nombre d'établissements éducatifs et universitaires, et les investigations qui sont en cours en vue de délimiter les responsabilités des auteurs de ces troubles et de ceux qui ont poussé les élèves innocents à des actes de désordre, de violence et d'anarchie dans les rues de certaines localités».

Artistes et opposants interdits de manifester 

Des débuts de manifestations d'artistes et d'opposants dans le centre-ville de Tunis contre la répression des mouvements de contestation sociale ont été réprimés hier par la police. «Le rassemblement des artistes devait dénoncer la violence et l'usage excessif des armes dans le pays», a indiqué Fadhel Jaibi, homme de théâtre.

«Nous voulions exprimer pacifiquement notre colère et notre indignation», a-t-il dit, alors que la police le bousculait sur l'avenue centrale Habib Bourguiba. Parmi les protestataires, les comédiennes Raja Amari et Sana Daoud ont été agressées par les forces de l'ordre en uniforme et en civil, présents en grand nombre.

«Honte à vous !», a crié Sana Daoud, en direction des policiers, alors que l'autre actrice était jetée à terre. «Ils nous étouffent, c'est notre droit de manifester», a lancé Jalila Baccar, comédienne et réalisatrice. Le président de la Ligue des droits de l'homme (LTDH) a dénoncé «un comportement insensé, criminel», indiquant que l'un des dirigeants de la ligue, Abdelatif Biri, a été «sauvagement agressé» dans le centre de Tunis.

Une autre manifestation prévue à l'appel de l'opposition a été également étouffée par la police dans la capitale, a indiqué l'avocate Radia Nasaroui.

«Nous voulons dire au régime d'arrêter de tuer les gens», a déclaré cette opposante, faisant état de brutalités contre des avocats venus manifester, selon elle. La tension était perceptible dans Tunis alors que des appels à manifester massivement sont relayés sur le réseau social sur la toile. Plusieurs images de violences et de morts dans l'hôpital de Kasserine, dans le centre, y ont été partagées par les jeunes Tunisiens.
ParMohamed Zemmouri


11-01-11 - Libération -- MAM propose le savoir-faire français à la police tunisienne

11/01/2011 à 14h49 (mise à jour à 17h21)

MAM propose le savoir-faire français à la police tunisienne

heure par heure

Les dernières informations sur la Tunisie, réactualisées au fil de la journée.

17h. De nombreuses vidéos des manifestations circulent sur le Net, comme celle-ci, diffusée sur le compte YouTube de Nawaat.org. Datée d'hier par le site de dissidents, on y voit des manifestants retirer une affiche géante du président tunisien Ben Ali.

Source: nawaat.org

Certaines vidéos montrent des scènes sanglantes et pouvant être choquantes. YouTube en a retiré une, rappelant "Cette vidéo a été supprimée, car son contenu ne respecte pas les Conditions d'utilisation de YouTube". Une censure, selon ReadWriteWeb, le site auquel collaborait Slim Amamou, l'un des blogueurs arrêtés la semaine dernière. La vidéo, qui circule énormément sur Facebook notamment, est datée, selon ReadWriteWeb, du 10 janvier et a été tournée à El Ghasrin. On y voit un homme se faire réanimer à l'hôpital et le corps d'un autre homme, vraisemblablement mort, au crâne défoncé.

16h45. «Le gouvernement tunisien maîtrise très bien l'usage du net» A lire: l'interview de Fabrice Epelboin, responsable du site Read Write Web France, qui a écrit une lettre ouverte à Frédéric Mitterrand dénonçant, entre autres, «le silence du gouvernement Français» au sujet des manœuvres commises par les autorités tunisiennes (censure, arrestations d’opposants, etc.).

16h30. Critiquée devant l'Assemblée nationale par l'opposition sur l'extrême retenue de la réaction française face à la répression en Tunisie, Michèle Alliot-Marie, la ministre des Affaires étrangères, a répondu: «On ne peut que déplorer qu’il puisse y avoir des violences qui concernent ces peuples amis», ajoutant: «la priorité doit aller à l’apaisement après des affrontements qui ont fait des morts». Et de proposer le savoir-faire français à la police tunisienne pour «régler les situations sécuritaires». «Nous proposons effectivement aux deux pays de permettre dans le cadre de nos coopérations d’agir pour que le droit de manifester puisse se faire en même temps que l’assurance de la sécurité.»

16 heures. Un rassemblement est prévu à 18 heures ce soir à Paris, à proximité de l'ambassade de Tunisie (au métro St François Xavier, ligne 13).

Participez. Vous vivez en Tunisie, vous avez de la famille ou des amis témoins des événements des dernières semaines, témoignez ici.

15h30. Le tchat avec Vincent Geisser, chercheur à l'Institut de recherches et d'études sur le monde arabe et musulman, vient de se terminer. Retrouvez l'intégralité du ici.

14h30. 4 «assaillants» ont tués lundi à Kasserine, 8 policiers blessés, annonce le gouvernement.

13 heures. Un jeune Tunisien s'est suicidé par électrocution dans un village de la région de Sidi Bouzid, dans le centre-ouest tunisien, en proie à une révolte contre chômage. Il s'agit du cinquième suicide depuis le 17 décembre, date à laquelle Mohamed Bouaziz, 26 ans, un vendeur ambulant sans permis s'est immolé par le feu pour protester contre la saisie de sa marchandise, déclenchant des émeutes sans précédent en Tunisie. Plus d'infos, ici.

Midi. La police réprime des débuts de manifestations d'artistes et d'opposants dans le centre de Tunis. «Nous voulions exprimer pacifiquement notre colère et notre indignation», a indiqué Fadhel Jaibi, homme de théâtre, alors que la police le bousculait sur l'avenue centrale Habib Bourguiba. Le président de la Ligue des droits de l'Homme (LTDH) a dénoncé «un comportement insensé, criminel» indiquant que l'un des dirigeants de la ligue, Abdelatif Biri, a été «sauvagement agressé» dans le centre de Tunis.

Une autre manifestation prévue à l'appel de l'opposition a été également étouffée par les forces de l'ordre dans le centre de la capitale, a indiqué à l'AFP l'avocate Radia Nasaroui.

11h30. Pendant ce temps, en France... Si le PS et les Verts condamnent la répression, le gouvernement semble embarrassé. Compil de réactions, ici.

 11 heures. «C'est le chaos à Kasserine (chef-lieu du centre-ouest de la Tunisie) après une nuit de violences, de tirs de snipers, pillages et vols de commerces et de domiciles par des effectifs de police en civil qui se sont ensuite retirés», a indiqué un responsable syndical qui avance le chiffre d'au moins 50 morts.

Le président de la Ligue tunisienne des droits de l'homme, Me Mokhter Trifi, confirme. «Une opération de commandos téléguidée a été organisée la nuit dernière pour piller et faire accréditer la thèse du complot avancée par le régime». «Des bandes cagoulées ont semé le chaos sous les yeux des forces régulières qui se sont ensuite retirées à l'extérieur de la ville».

Cyberrésistance

10 heures. Des vidéos postés en deux clics sur des blogs, des messages de résistance en pagaille sur Twitter ou Facebook... Le régime semble dépasser par la cyberrésistance. A lire, ici.

9 heures. La Fédération internationale des ligues de droits de l’Homme (FIDH) déplore au moins 35 morts, après les violences du week-end dans des localités du centre-ouest du pays. Etant précisé que ce chiffre s’appuie sur une liste nominative. «Le nombre total des victimes est plus important.»

A lire: dans le journal du jour (zone abonnés): «La Tunisie se soulève, Ben Ali reste sourd»

 

11-01-12 - Libération -- Le régime Ben Ali réprime, la rue tunisienne continue d’y croire

12/01/2011 à 00h00

Le régime Ben Ali réprime, la rue tunisienne continue d’y croire

Reportage

Les manifestants devaient faire face hier à un fort déploiement policier.

Par JOSÉ DOUGLAS Envoyé spécial à Tunis

«Vous voyez, ça a commencé ici, à la faculté de droit.» Sahbti, 25 ans, pointe du doigt un grand bâtiment blanc désert. «On a d’abord fait le tour des cinq bâtiments, et puis on a tenté de descendre vers la grande route, c’est là que la police a commencé à charger», explique l’étudiant du campus d’El-Manar, dans le nord de la capitale tunisienne. C’est à cet endroit que lundi, pendant quelques heures, des milliers d’étudiants ont tenté de manifester en solidarité avec les victimes des émeutes, notamment celle de Kasserine, à 290 km au sud de Tunis (lire ci-contre), avant que la police ne les disperse.

«Peur». Aujourd’hui, la fac est déserte, fermée jusqu’à nouvel ordre, tout comme l’ensemble des lycées du pays. La décision a été prise par l’Etat lundi, quelques heures après ce rassemblement. Pour Sahbti, «c’est une déclaration de faillite du régime» : «Vous imaginez, il y a 400 000 étudiants en Tunisie qui ne vont pas aller en cours aujourd’hui. Ça veut dire que le régime a peur, il a tellement peur qu’il a préféré fermer toutes les universités.» C’est donc dans le centre-ville que les cyberactivistes ont appelé à manifester hier après-midi. Sans succès. Des policiers en civils ont systématiquement dispersé les groupes de plus de trois personnes. D’autres fouillaient les sacs des passants. A chaque carrefour étaient postés des dizaines de policiers antiémeute. Le siège du Parti démocrate progressiste, le principal parti d’opposition qui avait appelé à manifester, a été encerclé par les forces de l’ordre et la rue bouclée. Même scénario au Syndicat national des journalistes. Une centaine d’entre eux avait décidé de protester contre la répression sanglante des émeutes et les «entraves» à l’exercice de leur métier. Toute la journée, la police a encerclé leurs locaux.

Dans les locaux du parti d’opposition Ettajdid, c’est l’effervescence. «La situation évolue tellement vite, la tournure des événements nous fait peur», dit Mahmoud Ben Romdhane, membre du secrétariat. La télévision est branchée sur la BBC, et une réunion de crise a été convoquée. «Les avocats, les artistes, les syndicats, les partis politiques, nous disons tous qu’il faut cesser la répression et les tirs à balles réelles et il faut qu’il y ait une commission d’enquête indépendante nationale. Nous ne disons pas aujourd’hui qu’il faut que Ben Ali parte, nous disons que les problèmes sont graves et qu’il faut dialoguer.»

«Terroristes». Mais pour les jeunes qui sont descendus dans la rue cela n’est pas suffisant. Najib, 27 ans, est l’un des étudiants cyberactivistes du moment. Avec ses amis «militants», ils alimentent les blogs en informations, images, et lancent les appels à manifester sur Internet. Bonnet enfoncé sur la tête, le col de sa veste remonté, le rendez-vous est fixé à un coin de rue. Il faut marcher longtemps pour parvenir à s’éloigner des policiers en civil et s’installer dans un café reculé où l’interview n’est pas trop risquée. «Au départ, les revendications étaient sociales, le problème était essentiellement le chômage, avance Najib. Mais le pouvoir ne veut rien entendre, rien comprendre. Ils tuent et nous accusent, nous, d’être des terroristes !» Pour Najib, l’objectif désormais, c’est que le Président soit remplacé par un gouvernement d’union nationale. Il veut y croire : «On peut le faire partir, il faut que tout le monde sache que le peuple tunisien ne veut plus de Ben Ali. Les Tunisiens brûlent des photos de Ben Ali dans la rue, ce sont les gens comme moi, c’est un moment historique.»

11-01-12 - Libération -- Rien ne peut arrêter ce soulèvement

12/01/2011 à 12h33

Tunisie: «rien ne peut arrêter ce soulèvement»

Témoignages

Associatifs, étudiants, ouvriers, jeunes et moins jeunes... Tunisiens de France, ébranlés par les violences qui agitent leur pays, ils prennent la parole.

Recueillie par Manuel Vicuna

Tarek Ben Hiba, 56 ans, président de la Fédération des Tunisiens pour une Citoyenneté des deux Rives

«La situation est extrêmement grave. Nous avons reçu des témoignages d'avocats présents sur place. Ils font état de miliciens venus en bus depuis Tunis jusqu'à Kasserine... des gens cagoulés «du gouvernement», des casseurs qui se font passer pour des manifestants. Je viens d'apprendre aussi que le porte-parole du Parti communiste des ouvriers tunisiens (PCOT), Hamma Hammami, aurait été emmené par la police politique ce matin. Tout ça au moment même où le Premier ministre Mohamed Ghannouchi annonce la libération de toutes les personnes arrêtées, et qu'il vire par ailleurs le ministre de l'Intérieur...

Je milite depuis dix-huit ans, je n'ai jamais vu ça. Je suis ce qui se passe là-bas sur des sites comme Nawaat, qui fait un boulot formidable pour la liberté d'expression… Le roi est nu, le peuple a bravé le système répressif et tortionnaire. Ben Ali a fait deux discours, appelle au calme et ça ne change rien. Les gens revendiquent des choses simples: davantage de travail, plus de libertés et de justice. Je pense au malheureux Bouazizi qui s'est immolé parce qu'on lui refusait de vendre quelques carottes… Le peuple pose maintenant des limites à la soumission. Il faut un changement radical!

Et avec ça, alors que le dictionnaire de la démocratie est inépuisable, tout ce que trouve à dire Michèle Alliot-Marie c'est qu'elle veut exporter le savoir-faire de la police en Tunisie! C'est honteux, avec tous ces morts! La France continue à donner un brevet de démocratie au régime tunisien… C'est lamentable.»

Sarah, 25 ans, étudiante franco-tunisienne à Strasbourg

«Je suis très inquiète! J'ai appris par Facebook, que plusieurs de mes amis et cousins doivent participer aujourd'hui à des manifestations dans l'est du pays. Je suis tout ça sur Internet et je les soutiens à fond. Mais je ne communique pas avec eux, ni avec ma famille par téléphone. J'ai peur et eux aussi qu'ils soient sur écoute. Hier soir, j'ai regardé par curiosité la télévision tunisienne, Tunisie 7. C'était une conférence de presse du ministre de la Communication et des Libertés. Bien sûr ce n'était pas en direct, c'était dingue, on n'entendait même pas les questions des journalistes!

Je m'arrange pour aller voir ma famille à Tunis deux fois par an. Ça fait des années que j'entendais les jeunes de là-bas me dire que j'avais de la chance d'être en France, que eux, malgré tous leurs diplômes désespéraient de trouver du travail. Moi, je relativisais en leur disant que la situation de l'emploi en France n'était pas mieux. Je ne me rendais pas compte à ce moment-là qu'ils souffrent d'un vrai manque de libertés. Coincés chez eux, sans boulot, ils sont condamnés à reproduire le schéma de leurs parents: travailler aux champs, élever du bétail...

Quant à déloger Ben Ali, pour cela, il faudrait que les pays occidentaux prennent une position forte, assumée. Sans Ben Ali, on risque aussi une autre menace: que les islamistes arrivent au pouvoir.»

M. Khalifa, 56 ans, artisan tunisien arrivé en France en 1997

«Ben Ali a toujours opprimé son peuple, ce n'est pas nouveau, ça fait vingt-trois ans. Moi j'y suis retourné il y a un mois j'ai vu des chirurgiens, des médecins désemparés, dans l'incapacité de trouver du boulot…

Les jeunes Tunisiens sont une génération sacrifiée, nous on avait une chance à l'époque de trouver du travail. Après mes études, j'ai tout de suite travaillé dans une société de tourisme. Mais aujourd'hui, même les diplômés en médecine ou en droit n'ont pas d'avenir. Avec le tourisme des régions côtières, on a cru un temps au miracle économique, mais on s'est rendu compte que les côtes ne pouvaient pas absorber le flux des migrations de gens venus de l'intérieur des terres... des gens qui crèvent la fin aujourd'hui.

Il y a un ras-le-bol généralisé et c'est bien normal, la police est corrompue, tout est censuré, Internet, la presse, la télévision... Les médias sont bâillonnés et c'est la loi du silence: même avec des proches quand je suis là-bas je n'ose pas toujours discuter de politique, peur d'être entendu, écouté, vous imaginez...

Mais je pense que tout ça prend de l'ampleur, tout un réseau s'est créé sur Internet et rien ne peut arrêter ce soulèvement. Je dois retourner en Tunisie au mois de mars, j'espère que, d'ici là, le "grand manitou" aura pris ses cliques et ses claques.»

Moncef, 57 ans, technicien de maîtrise tunisien, arrivé en France en 1972

J'étais à Tunis le week-end dernier pour voir ma famille. Il y avait des militaires déployés partout sur les principaux axes routiers et aux aguets dans le centre de la ville, au moment où ça dégénérait de toutes parts à Thala, Kasserine... Là bas, les forces de l'ordre tiraient à balles réelles sur les jeunes qui manifestaient pour le droit au travail. Les Tunisiens sont placides mais lorsqu'ils sont poussés à bout par le pouvoir, ça peut être très violent. Déjà en 1983 j'avais assisté à la «révolte du couscous» qui avait gagné le pays sous Bourguiba (Habib Bourguiba, ancien président tunisien, ndlr).

«Lorsque le coeur est plein, il faut que la bouche s'ouvre», dit le proverbe. Ces actions de soulèvement, c'est le trop plein de tout ceux qui ne trouvent pas de travail, qui sont baillonés par le pouvoir, censurés. Je pense à ces jeunes qui vont jusqu'à se suicider par désespoir.

La dictature a assez duré. Fini l'Etat voyou! Le ministre de l'Intérieur vient d'être limogé, c'est un signe: aucune force peut arrêter ce tsunami de la liberté.

Ce que j'espère juste, c'est que cela puisse être un déclencheur dans les autres pays arabes. Car eux aussi connaissent la même situation.

Lina Ben Mhenn, jeune blogueuse tunisienne

Lina Ben Mhenni suit quotidiennement les émeutes en Tunisie. Pour son blog, A Tunisian girl, elle était à Tunis, avant de gagner Sidi Bouzid, où ont démarré les manifestations contre le chômage le 17 décembre, puis Régueb et Kasserine (lire aussi l'article de Libération du 11 janvier, «Le régime dépassé par la cyberrésistance»). C'est dans cette ville du centre du pays, théâtre de violents affrontements ces trois derniers jours, que nous l'avons jointe mercredi à la mi-journée:

«C'est un peu plus calme aujourd'hui. Il y a eu des tirs de bombes lacrymogènes, mais les gens continuent à manifester aux cris de «A bas Ben Ali» ou «Nous voulons le pain et l'eau et pas Ben Ali». Tout le monde en veut à Ben Ali, bien qu'il ait annoncé le limogeage du ministre de l'Intérieur. Même si les gens sont énervés, je n'ai pas vu de violence. Toutes les couches et classes d'âges sont représentées dans ces défilés.

«Hier, il y a eu des scènes de pillages au Magasin général où les gens ont pris de la nourriture. Des habitants m'ont dit que des milices avaient été envoyées à Kasserine pour participer à ces émeutes. En tout cas, les forces de sécurité ont laissé faire ces pillages. Mais, contrairement à ce que l'on a dit, elles ne se sont jamais retirées de la ville. Des Bops [les CRS tunisiens, ndlr] ont troqué leur habit noir pour des uniformes kakis et se faire passer pour des militaires. L'armée est toujours vue comme une médiatrice, elle tente toujours de calmer le jeu. La police, elle, n'hésite pas à utiliser la violence. On a reconnu ces policiers déguisés à certains écussons, leurs matraques et les bombes lacrymo.

«Des grèves générales ont été organisées aujourd'hui à Sfax et Sousse où des dizaines de citoyens sont sortis dans la rue. Demain, la grève générale est prévue à Kasserine et, vendredi, ce sera au tour de Tunis, la capitale. D'après mes informations, les gens manifestent dans plein de ville du pays. En venant à Kasserine, j'ai vu des gens qui protestaient dans une petite ville à 35 km de Sidi Bouzid. Je pense parfois au risque d'être arrêtée, mais quand je vois ce genre de manifestation, ça me donne de la force et du courage pour continuer à dire ce que je vois.» (Recueilli par Arnaud Vaulerin)

11-01-12 - Gnet -- Sfax, participation massive à la grève

Sfax, participation massive à la grève




Publié le Mercredi 12 Janvier 2011 à 14:29

Le mot d’ordre de grève lancé par l’Union régionale de travail de Sfax a été largement entendu, des dizaines de milliers de manifestants,  à peu près 40 mille, ont arpenté les principales rues de la ville de Sfax, selon des sources syndicales. L’union régionale de Sfax estime que "la situation actuelle dans le pays nécessite des solutions profondes et radicales".

L’UGTT a décrété hier le droit des structures syndicales régionales d’organiser des mouvements militants, à la date de leur choix, en solidarité avec les émeutes survenues dans plusieurs régions du pays, et en protestation contre les dégâts qu’elles ont subies.  

L’Union régionale du travail à Tunis appelle à une grève générale de deux heures le vendredi 14 janvier de 9 heures à 11 heures.

La commission administrative de l’UGTT tenue hier a, par ailleurs, appelé à permettre aux unions régionales et locales de travail de prendre part aux conseils régionaux de développement, aux conseils régionaux et locaux du travail, et aux commissions d’octroi des autorisations, selon un statut de membre permanent.


11-01-12 - Le Monde -- les heurts gagnent la capitale

Tunisie : les heurts gagnent la capitale

LEMONDE.FR avec AFP et Reuters | 12.01.11 | 07h39  •  Mis à jour le 12.01.11 | 15h47

Des affrontements ont éclaté mardi soir pour la première fois dans une banlieue de Tunis. Des combats ont opposé dans la cité Ettadhamoun, à 15 km du centre de la capitale, des manifestants et les forces de l'ordre, ont indiqué à l'AFP des habitants. Un autobus a été incendié, des commerces et une banque saccagés. Un témoin indique que les manifestants à visage découvert ont barré la route qui conduit à Bizerte à hauteur de la cité populaire. La police a fait usage de gaz lacrymogène et des tirs de sommation ont été entendus.

Ces heurts, qui ont commencé après 18 heures et se sont poursuivis pendant deux heures, seraient les plus graves dans la banlieue de Tunis, où des manifestations ont été étouffées mardi. "Nous n'avons pas peur, nous n'avons pas peur, nous n'avons peur que de Dieu", scandait la foule, dont le gros s'est par la suite dispersé, la police pourchassant des groupuscules dans les ruelles avoisinantes. De nouveaux affrontements ont éclaté mercredi en début d'après-midi. A Douz (sud), deux personnes ont été tuées par des tirs de police.

Ce nouvel accès de violence a éclaté peu après la publication d'un nouveau bilan officiel des morts depuis le début du mouvement qui fait état de trois nouvelles victimes. Le gouvernement a, en revanche, rejeté les estimations plus élevées émanant d'organisations de défense des droits de l'homme. "Nos chiffres disent 21 décès", a déclaré mardi lors d'un point de presse, le ministre tunisien de la communication Samir Laabidi. "Ceux qui ont parlé de 40 ou 50 morts doivent produire une liste nominative", a-t-il lancé, faisant état de dégâts matériels "considérables" sans fournir d'évaluation chiffrée. Le précédent bilan officiel, communiqué mardi à la mi-journée, faisait état de 18 morts.

La présidente de la Fédération internationale des ligues de droits de l'homme (FIDH), Souhayr Belhassen, avait assuré qu'au moins trente-cinq personnes ont trouvé la mort dans les émeutes. "Le chiffre de 35 morts s'appuie sur une liste nominative", avait-elle déclaré. Un peu plus tôt dans la journée, Sadok Mahmoudi, membre de la branche régionale de l'Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT), avait évoqué une situation de "chaos" à Kasserine, principale ville du centre, et un bilan de plus de 50 morts les trois derniers jours.

Le mouvement de révolte sociale a débuté le 17 décembre après l'immolation par le feu d'un jeune marchand de rue de Sidi Bouzid, dans le centre-ouest, à 265 km de Tunis, qui protestait contre la saisie de sa marchandise par la police. Washington a de nouveau fait part mardi de sa préoccupation à propos d'informations selon lesquelles les forces de sécurité tunisiennes feraient un "usage excessif de la force" et Londres a appelé Tunis à résoudre la situation "pacifiquement". Des partis d'opposition ont exprimé leur déception mardi après le discours du président tunisien, jugé "en deçà des attentes", un parti radical appelant même à la démission du gouvernement.

11-01-12 - Jeune Afrique -- Ces quarante-huit heures qui ont changé Tunis

Ces quarante-huit heures qui ont changé Tunis

12/01/2011 à 16:52 Par F.D.

Le mouvement de révolte parti de Sidi Bouzid il y a plus de trois semaines a finalement gagné la capitale de la Tunisie. Récit de ces deux jours qui ont vu le carcan de la peur voler en éclat. De nouvelles mobilisations sont annoncées pour la fin de la semaine.

Ce lundi, à Tunis, n’a pas été une journée comme une autre. Depuis le week-end, on s’attendait à ce que l’agitation que connaît l’intérieur de la Tunisie depuis le 18 décembre, atteigne la capitale. C’est désormais chose faite. Les manifestations du 10 janvier ont donné le top départ à une série de mobilisations publiques qui semblent ne pas s’arrêter.

Les victimes des émeutes sont dans tous les esprits. Jusqu’alors immobile, Tunis a été prise d’une frénésie de rassemblements. Les journalistes affirment leur souhait d’indépendance, les avis de grève se multiplient comme autant d’élans de solidarité, la foule investit les principales artères de la ville, scande des slogans audacieux… Du jamais vu depuis les émeutes du pain en janvier 1984.

Promesse d’une prouesse

Malgré le pacifisme affiché par les manifestants, la police charge immanquablement, frappe, insulte et malmène. Le président de la République, Zine el-Abidine Ben Ali, doit prendre la parole à 16 heures. Un moment assez incongru pour un discours, mais il y a urgence… Les Tunisiens attendent une vraie annonce, quelque chose de concret et de réalisable. La promesse est là, certes, mais elle relève de la prouesse : 300 000 emplois nouveaux sont annoncés d’ici à 2012, dont 50 000 dans le mois - soit 17 emplois créés par heure… Et personne n’y croit.

La magie n’opère plus, le miracle tunisien a été entaché de sang, et chacun ironise : « Après tout si créer de l’emploi était si facile, cela se saurait ! » En outre, certaines promesses n’engageant, au final, que ceux y croient, celle du chef de l’État était voilée de menaces. Ben Ali a qualifié les violences d’ « actes terroriste » et accusé des « éléments hostiles à la solde de l’étranger ».

Or le peuple perçoit cette agressivité d’une manière proportionnelle à sa déception. Son attente était autre : il souhaitait et espérait avoir été entendu. Il aurait suffi de presque rien, quelques mots de moins, pour que les esprits se calment. Le peuple s’est senti méprisé, grugé et il a rejeté les chaînes de la crainte et de la docilité. Désormais, tout le monde ose s’exprimer au téléphone, personne ne craint plus les écoutes. La paranoïa n’a plus cours.

La banlieue s’embrase

Mardi non plus n’a pas été une journée ordinaire. Dès le matin, un ciel aussi livide que le visage des passants accompagne l’atmosphère lourde de la capitale. La répression musclée de la veille est encore dans tous les esprits quand la nouvelle court de portable en portable. Un petit groupe de femmes et d’hommes de théâtre ont été passés à tabac en plein centre-ville, devant le Théâtre municipal où ils souhaitaient observer une minute de silence. Comme la veille à 18 heures, les cafés et les magasins baissent alors leurs rideaux, et une sorte de couvre-feu non officiel s’instaure par crainte du vandalisme.

Au moment où la ville se vide, les quartiers populaires de Hay Ettadhamen et d’El Omrane Supérieur s’embrasent, des fumeroles puis des nuages d’incendie sont bientôt traversés des tirs à balles réelles de la police durant plus de trois heures. Les nouvelles sont relayées par les réseaux sociaux, très actifs depuis le début de la crise née à Sidi Bouzid.

Les informations qui y circulent sont actualisées avec précision, en temps réel. Ainsi on suit et on commente la diffusion des émeutes. La Manouba, le Bardo, le Kram et Carthage sont le théâtre d’affrontements. Hammam Lif, à minuit, est également encerclée par l’armée. Les hôpitaux de la Rabta et de Kassab reçoivent des blessés par balle tandis que les commentaires continuent d’affluer sur Facebook et Twitter. Personne ne songe à s’endormir. Les Tunisiens ont rendez-vous avec l’Histoire…


11-01-12 - Le Figaro -- L'agitation gagne la capitale tunisienne

L'agitation gagne la capitale tunisienne

http://www.lefigaro.fr/international/2011/01/12/01003-20110112ARTFIG00503-scenes-de-chaos-dans-la-capitale-tunisienne.php

ZAPPING VIDÉO - Manifestants et forces de l'ordre se sont affrontés dans le centre de Tunis et la police a eu recours aux gaz lacrymogènes pour disperser la foule. Les nombreux blessés sont amenés dans les hopitaux où l'on assiste à des scènes de panique.

Des centaines de jeunes criant des slogans contre le régime sur la place de la porte de France, à Tunis, ont essayé d'avancer vers l'avenue Habib Bourguiba, et les forces de sécurité leur ont barré la route en tirant des grenades lacrymogènes.

Aucun bilan de ces affrontements, les plus graves à se produire dans Tunis depuis le début des émeutes en Tunisie au mois de décembre, n'était disponible dans l'après-midi, alors que les violences ont cessé.

Des passants pris de panique, les yeux larmoyants ont été repoussés par la police dans les ruelles. Les souks se sont vidés et les commerces, y compris une grande surface, ont baissé leurs rideaux. «Fermez, fermez, ils ont tous cassé», criaient des passants à l'adresse des vendeurs ambulants à l'entrée des souks.

11-01-12 - Le Figaro -- un manifestant tué à Thala

Tunisie : un manifestant tué à Thala

AFP
12/01/2011 | Mise à jour : 19:12 Réactions (2)

Un manifestant a été tué par balle et deux ont été blessés par les forces de sécurité ce soir dans la ville de Thala, dans le centre-ouest de la Tunisie, a annoncé un syndicaliste.


11-01-12 - Libération -- Graves affrontements à Tunis, un couvre feu décrété

Graves affrontements à Tunis, un couvre feu décrété

12 janvier 2011 à 11:10 (Mis à jour : 12 janvier 2011 à 19:21)

Dans la matinée, le ministre de l'Intérieur avait été limogé et le Premier ministre a annoncé la libération de tous les manifestants qui avaient été arrêtés.

Des manifestants et les forces de l'ordre se sont affrontés dans le centre de Tunis mercredi en début d'après-midi et la police a eu recours aux gaz lacrymogènes pour disperser la foule. Un couvre feu nocturne a été décrété pour la capitale tunisienne et sa banlieue, par le ministère tunisien de l’Intérieur, à la suite de troubles dans «certains quartiers», selon un communiqué officiel.

A Tunis, des centaines de jeunes criant des slogans contre le régime sur la place de la porte de France ont essayé d’avancer vers l’avenue Habib Bourguiba, et les forces de sécurité leur ont barré la route en tirant des grenades lacrymogènes.

Aucun bilan de ces affrontements, les plus graves à se produire dans Tunis depuis le début des émeutes en Tunisie au mois de décembre, n’était disponible dans l’après-midi, alors que les violences ont cessé.

Des passants pris de panique, les yeux larmoyants ont été repoussés par la police dans les ruelles. Les souks se sont vidés et les commerces, y compris une grande surface, ont baissé leurs rideaux.



Deux civils tués à Douz d'après des témoins

Deux civils ont également été tués par des tirs de la police à Douz, dans le sud de la Tunisie, lors d’une manifestation ayant dégénéré. C’est la première fois depuis le début des émeutes il y a un mois en Tunisie que cette ville de 30.000 habitants, située à 550 km au sud de Tunis, connaît de telles violences, a affirmé ce témoin.

«Les victimes sont Hatem Bettaher, un enseignant universitaire et Riad Ben Oun, un électricien», a précisé ce témoin qui s’exprimait sous le couvert de l’anonymat, ajoutant qu’«entre quatre et cinq autres habitants ont été blessés, dont certains grièvement».

Tout a commencé mardi soir par une manifestation d’habitants qui s’était déroulée «pacifiquement» mais qui a été suivie par une attaque de «jeunes» contre le siège de la sous-préfecture, le poste de police et le siège du parti au pouvoir. «Les manifestants ont crié des slogans contre la corruption», a ajouté cet habitant.

Les manifestants se sont rassemblés à nouveau mercredi matin devant le siège de la sous-préfecture mais la police a utilisé du gaz lacrymogène pour les disperser «avant de tirer à balles réelles», a indiqué ce témoin, un ancien syndicaliste.

«En ce moment, les forces de l’ordre sont encerclées dans le siège de la sous-préfecture par une foule en colère qui demande justice mais l’armée s’est interposée entre les deux parties», a-t-il ajouté.

A Thala , dans le centre-ouest de la Tunisie, un manifestant a été tué par balle et deux ont été blessés par les forces de sécurité mercredi soir, a annoncé à l'AFP un syndicaliste.

A Kasserine, où les affrontements ont été particulièrement violents jusqu'à hier, le calme semblait revenu ce mercredi, comme en témoigne une jeune blogueuse tunisienne, contactée par Libération.

Un opposant d'extrême gauche arrêté

Le chef du Parti communiste des ouvriers de Tunisie (PCOT, interdit), Hamma Hammami, a, par ailleurs, été interpellé à son domicile, près de Tunis. «Plusieurs policiers ont forcé la porte de notre appartement, perquisitionné et cassé, avant de prendre Hamma sous les yeux de sa fille», a raconté son épouse, Radia Nasraoui.

Hamma Hammami, 59 ans, est le dirigeant d’un parti «illégal» d’extrême gauche autrefois très présent à l’université. Recherché par la police, il vivait dans la clandestinité jusqu’à récemment et était intervenu plusieurs fois, ces derniers jours, sur des télévisions étrangères pour dénoncer le régime du président Ben Ali.

Ministre de l'Intérieur viré

Le Premier ministre tunisien Mohamed Ghannouchi a annoncé mercredi à Tunis le limogeage du ministre de l’Intérieur Rafik Belhaj Kacem, alors que des émeutes sociales ayant fait des dizaines de morts secouent le pays depuis quatre semaines.

Il a également annoncé, au cours d’une conférence de presse, la libération de toutes les personnes arrêtées pendant les manifestations, à «l’exception de ceux qui sont impliqués dans des actes de vandalisme».

Un universitaire et ancien membre de gouvernement, Ahmed Friaâ, a été nommé ministre de l’Intérieur et prendra ses fonctions aujourd’hui même, a poursuivi M. Ghannouchi, annonçant de nouvelles mesures décidées par le président Zine El Abidine Ben Ali. Parmi celles-ci, il a fait état de la création d’un «comité d’investigation pour enquêter sur la corruption et les dépassements de certains responsables».

Le Premier ministre a aussi annoncé l’institution d’une allocation d’environ 150 dinars qui sera perçue par les diplômés chômeurs qui «seront engagés à mi-temps pour des prestations d’utilité publique, en attendant des emplois permanents».

Interrogé sur le déploiement de l’armée, il a affirmé que les militaires étaient là «seulement pour protéger les institutions publiques contre les actes de vandalisme et de pillage de biens».

A propos de tirs de snipers signalés dans le centre-ouest, en particulier à Kasserine, et des accusations de pillages attribués à des forces de sécurité par les habitants, il a répondu qu’une «commission enquêtera sur les dépassements qui se seraient produits durant les événements».

(Source AFP)

11-01-12 - Mediarabe.info -- Tunisie dix morts à Douz, Gabès et Kebili, et des blessés à Sfax

mercredi 12 janvier 2011

Tunisie : dix morts à Douz, Gabès et Kebili, et des blessés à Sfax


Selon la télévision « Al Arabiya », les affrontements se poursuivent entre les émeutiers et les forces de l’ordre à Douz, Kebili et Gabès, et se sont répandus vers Sfax. A Douz, quatre personnes ont été tuées, alors que six autres ont trouvé la mort à Kebili et Gabès, et de nombreux blessés sont enregistrés à Sfax.


11-01-12 - NYT -- Protests Spread to Tunisia’s Capital, and a Curfew Is Decreed

Protests Spread to Tunisia’s Capital, and a Curfew Is Decreed

Fethi Belaid/Agence France-Presse — Getty Images

Tunisian troops on an armored vehicle stood guard Wednesday near a bank that was damaged during demonstrations in the city of Ettadhamen.

By DAVID D. KIRKPATRICK
Published: January 12, 2011

TUNIS — The government of Tunisia scrambled alternately to appease critics and to crush growing unrest on Wednesday as a three-week-old wave of violent demonstrations spread for the first time to the capital, where swarms of protesters called for the ouster of the authoritarian president, Zine el-Abidine Ben Ali.

Reuters

As a deadly wave of unrest continued in Tunisia, protesters clashed Wednesday with riot police officers in Ettadhamen, a city near the capital, Tunis.

Reuters

The wreckage of an ATM destroyed on the main square in Ettadhamen.

The protesters came together after circulating calls to rally over social networks like Facebook and Twitter. Many were unemployed college graduates, and they angrily demanded more jobs and denounced what they called the self-enrichment of Tunisia’s ruling family.

Army units and riot police officers were deployed around the city around dawn in anticipation, and they quickly dispersed protesters with billy clubs, tear gas and bullets.

By late in the day, the government decreed a nighttime curfew. And there were reports that some relatives of the president were leaving the country for their own safety.

At one of several demonstrations, witnesses reported that the security forces had shot and killed four protesters. Some said the army had used rooftop snipers to fire on the crowd. Rights groups said they had confirmed more than 30 deaths before the day began, all in skirmishes with the police over the last several days.

How can you fire on your own people?” said a 30-year-old business owner taking refuge from the police as they broke up a protest near the French Embassy and train station downtown. “If you do that, then there is no return. Now, you are a killer.” He declined to provide his name for fear of reprisals.

Tunisia is in some ways the most European country of North Africa. It boasts a relatively large middle class, liberal social norms, broad gender equality and welcoming Mediterranean beaches. United States officials give it high marks for its aggressive prosecution of terrorism suspects.

But Tunisia also has one of the most repressive governments in a region full of police states. Residents long tolerated extensive surveillance, scant civil liberties and the routine use of torture, at least until the economic malaise that has gripped southern Europe spread here, sending unemployment and public resentment skyrocketing.

The government began the day trying to placate the protesters. The prime minister announced in a televised news conference the replacement of the interior minister — the public face of the crackdown. The government pledged to release prisoners who had been arrested in the demonstrations, and to start commissions to investigate excesses by the security forces as well as corruption in the government.

But the sacrifice of the interior minister did nothing to calm the protesters, who took to the streets downtown and in working-class neighborhoods on the outskirts as well.

Even as the prime minister pledged to release prisoners, security forces were apprehending others in their homes. One was a spokesman for the outlawed Communist Party, Hamma Hammémi, who had became a voice of the protests in French news media.

He explained that the regime has lost all legitimacy,” said his wife, Radhia Nasraoui, a human rights activist. “So we were expecting this.”

By midday, cafes along Tunis’s main tree-lined boulevard were pulling in their tables and chairs to avoid tear-gas fumes, and pedestrians scurried in fear of brigades of riot police officers patrolling the streets.

In Sfax, Tunisia’s second-largest city, word spread that workers had called a general strike, and violence broke out in the cities of Thala and Douz as well.

By late afternoon, the government announced a curfew of 8 p.m., and businesses around Tunis hastily pulled down their gates as employees raced home.

President Ben Ali and other officials have sought to place blame for the unrest on foreign terrorists or Islamic radicals capitalizing on the frustrations of the unemployed. But there was little evidence of any reference to God or Islam around the protests on Wednesday, and some demonstrators called the assertion insulting.

They say the people are terrorists, but they are the real terrorists, Ben Ali and his family,” said Ala Djebali, an 18-year-old student hiding in the train station after a protest downtown.

Protesters seemed to direct much of their anger at the great wealth and lavish life of President Ben Ali’s second wife, Leila Trabelsi, a former hairdresser, and their extended family, most notably their son-in-law, the billionaire businessman Mohamed Sakher El Materi.

Mr. Materi, whose company Princess El Materi Holdings includes a major “independent” newspaper here, is a member of Parliament and a prominent official in the ruling party. Like heirs to the presidents of Egypt and Libya (and the current presidents of Syria and Lebanon), Mr. Materi is also discussed as a potential successor to President Ben Ali.

A gracious dinner at Mr. Materi’s home was detailed in a cable from the American ambassador to Tunisia that was released by the antisecrecy organization WikiLeaks and fueled at least some of the outrage: a beachfront compound decorated with Roman artifacts; ice cream and frozen yogurt flown from St.-Tropez, France; a Bangladeshi butler and South African nanny; and a pet tiger in a cage.

11-01-13 - Libération -- Le pouvoir de Ben Ali a été ébranlé, c’est pas le moment d’arrêter

13/01/2011 à 00h00

«Le pouvoir de Ben Ali a été ébranlé, c’est pas le moment d’arrêter»

REPORTAGE

Ni le renvoi du ministre de l’Intérieur, ni les quelques mesures d’apaisement, ni le couvre-feu annoncé hier n’ont suffi à calmer les Tunisiens.

Par JOSÉ DOUGLAS (à Tunis), CHRISTOPHE AYAD

Manifestation à Sidi Bouzid, le 12 janvier 2011 en Tunisie. (© AFP photo AFP)

Le limogeage du ministre tunisien de l’Intérieur n’a pas calmé la rue. Il aura fallu moins de deux heures après la série d’annonces faites hier par le Premier ministre, Mohamed Ghannouchi, pour que les premiers accrochages aient lieu à Tunis.

Il est presque 14 heures, quand, au cœur de la capitale, sur l’avenue Habib Bourguiba, les passants se mettent à courir la main sur le nez ; des gaz lacrymogènes viennent d’être tirés. Au bout de l’avenue, plusieurs centaines de policiers anti-émeute repoussent l’arrivée d’un cortège de centaines de jeunes, scandant des slogans hostiles au président Ben Ali. Les policiers en tenue et en civil bouclent la zone, priant passants et journalistes de faire demi-tour. Trente minutes plus tard, la manifestation est dispersée. Pourtant, à la mi-journée, le chef du gouvernement avait, pour la première fois depuis le début de la crise il y a plus de trois semaines, annoncé des mesures d’apaisement : libération de toutes les personnes arrêtées pendant les émeutes ; renvoi du ministre de l’Intérieur, Rafik Belhaj Kacem ; ouverture d’une enquête sur des affaires de corruption présumées. Le pouvoir reconnaît enfin qu’il a pu commettre des erreurs, et que la crise qui agite le pays n’est plus seulement sociale mais aussi politique.

Trois à cinq morts.«Ça change rien ! s’exclame Jawad, gérant d’un snack en centre-ville. Si Ben Ali veut vraiment que les gens arrêtent de manifester, il faut qu’il baisse les prix comme en Algérie. Tout est trop cher ici : le pain, les tomates, l’essence… Tout a augmenté. S’il ne baisse pas les prix, il faut qu’il parte», chuchote tout à coup cet homme de 34 ans. «Et tous, ici, pensent comme moi», ajoute-t-il en désignant les cinq employés du fast-food.

«Tout cela arrive trop tard et ne va pas assez loin», analyse Ahmed Brahim, premier secrétaire du parti d’opposition légal Ettajdid. «Ben Ali propose de changer un ministre alors que c’est le mode de gouvernement qu’il faut changer ! ajoute Mahmoud ben Romdhane, l’un des membres du secrétariat d’Ettajdid. Surtout, le nouveau ministre n’a rien changé aux méthodes de la police, puisqu’aujourd’hui encore des civils sont morts.» Trois à cinq personnes (dont un professeur franco-tunisien d’une université de Compiègne, Hatem Bettahar) ont été tuées hier par la police au cours de manifestations à Douz, dans le sud du pays, et à Thala, dans le centre. Le Parti démocratique progressiste juge, lui aussi, les mesures «insuffisantes» et «en deçà des revendications du peuple».

Najib, 27 ans, étudiant et cyber-activiste, n’est pas plus optimiste. Il a participé aux manifset compte bien continuer. «Le pouvoir de Ben Ali a été ébranlé, c’est pas le moment d’arrêter, affirme-t-il dans un coin isolé d’un parc de Tunis. Le peuple sait bien que Ben Ali est celui qui décide tout, donc, changer le ministre de l’Intérieur ça change rien. C’est pour faire semblant et calmer les choses.»«Si, aujourd’hui, un jeune de 27 ans n’a pas la possibilité de manger correctement ou de s’exprimer, qu’est-ce qu’il va faire ? Il va manifester… Moi, je ne me sens plus citoyen dans mon propre pays, il faut que Ben Ali parte, c’est la seule solution», renchérit Sihem, étudiant en cinéma. Un policier en civil interrompt l’interview, vérifie les papiers, et prie chacun de partir de son côté. «Ce soir, ça va bouger dans les quartiers», lance Najib en guise de salut. Quelques heures plus tôt, le ministère de l’Intérieur avait décrété un couvre-feu à Tunis et sa banlieue, de 20 heures à 5 h 30. Une annonce qui vient après la fermeture, depuis lundi, des écoles et universités.

Blindés. Les troubles qui agitent la Tunisie depuis le 17 décembre ont touché la capitale pour la première fois mardi soir. Des affrontements ont eu lieu dans les cités Itilaka et Tadhamon, dans une banlieue dortoir de Tunis. Le poste de police de la cité 105 a été incendié et les manifestants, rejoints par des jeunes du quartier d’El Omrane Supérieur, ont encerclé le poste de la garde nationale. Les forces de l’ordre ont fait usage de gaz lacrymogènes et ont tiré à balles réelles. Pour la première fois aussi, l’armée et ses véhicules blindés ont fait leur apparition dans les rues de Tunis.

Après avoir appelé le reste de l’opposition à former un «gouvernement de national provisoire», le chef du Parti communiste des ouvriers de Tunisie (PCOT, interdit), Hamma Hammami, a été interpellé hier à son domicile, près de Tunis. Aucun dirigeant politique n’avait été arrêté depuis le début de la crise. Pas question pour le pouvoir que les partis d’opposition, même groupusculaires, se joignent à la rue.


11-01-13 - Canada_com -- Riots intensify in Tunis

Riot police stand during clashes with rioters at the main square in the capital Tunis.

Photograph by: Stringer, Reuters

PARIS — A protester was shot dead and a foreign journalist wounded on Thursday after police in Tunisia again opened fire on demonstrators during a second day of rioting in the capital Tunis, witnesses and media reports said.

Witnesses in Tunis told the German news agency dpa that police snipers positioned on the roof of a building in the city fired on demonstrators, killing one man instantly and injuring another.

The dead man was shot in the chest, the witnesses said. The injured man was reportedly shot in the leg.

A foreign journalist was also injured while covering a demonstration near the state radio building, sources said. France's BFM reported that the injured journalist was American. It was not possible to immediately confirm the journalist's nationality.

Meanwhile, the police were reported to have surrounded the headquarters in Tunis of the country's biggest trade union, the General Tunisian Labour Union.

Trade unions have been involved in organizing weeks of protests that began in the center-north of the country and have since spread to most major towns and cities.

Thursday's deaths bring to more than 60 the number of people killed in a month of protests that have been characterized by the repeated use by police of live bullets against demonstrators.

11-01-13 - Le Figaro -- Couvre-feu nocturne respecté dans le centre de Tunis

Couvre-feu nocturne respecté dans le centre de Tunis

Par Thomas Vampouille
13/01/2011 | Mise à jour : 08:14 Réactions (458)

Le nouveau ministre de l'Intérieur tunisien a pris cette mesure mercredi soir à la suite de troubles survenus dans «certains quartiers» de la capitale, où l'armée s'était déployée dans la journée.


Les habitants du centre de Tunis sont restés cloîtrés chez eux cette nuit. Le ministère tunisien de l'Intérieur avait décrété mercredi un couvre-feu nocturne dans la capitale et sa banlieue, en raison des troubles qui ont agité «certains quartiers». Les habitants devaient donc rester chez eux de 20 h à 6 h. Mercredi soir ne circulaient effectivement dans la capitale que de rares patrouilles de la police. Des habitants ont toutefois signalé des incidents en banlieue, où des tirs, des cris, des bruits de verre brisé et la sirène d'une ambulance ont été entendus.

Mercredi, pour la première fois depuis le début des émeutes, des renforts militaires - soldats armés, camions, jeeps et blindés - avaient fait leur apparition dans les rues de Tunis et de ses environs. La nuit précédente, les émeutes qui agitaient le pays depuis quatre semaines avaient en effet gagné la banlieue ouest de la ville. Dans la cité d'Ettadhamoun, à 15 km du centre de la capitale, des heurts ont ainsi opposé durant deux heures des manifestants et des forces de l'ordre. Ces affrontements seraient les plus graves dans la banlieue de Tunis, où des manifestations avaient été étouffées par les autorités plus tôt dans la journée.

Dans Tunis, outre des renforts importants de police et en unités d'intervention spéciales, deux véhicules de l'armée ont été placés sur la place reliant les avenues de France et Habib Bourguiba, face à l'ambassade de France et à la grande cathédrale. Des renforts militaires étaient également visibles autour de la maison de la radio-télévision dans le quartier La Fayette, et d'autres sur la place du Passage, terminus du tramway.

Le ministre de l'Intérieur limogé, le chef du PC arrêté

Un peu plus tôt mercredi, le premier ministre a limogé son ministre de l'Intérieur Rafik Belhaj Kacem et ordonné la libération de toutes les personnes arrêtées dans le cadre des émeutes. Une commission d'enquête sur la corruption, réclamée de longue date par l'opposition et les ONG, va par ailleurs être créée. Mais le limogeage du ministre a très vite été jugé «insuffisant» par une formation de l'opposition, le Parti démocratique progressiste (PDP) qui a renouvelé son appel à des «réformes profondes» et à un gouvernement de salut national.

Dans le même temps, le chef du Parti communiste des ouvriers de Tunisie, Hamma Hammami, a été interpellé mercredi matin à son domicile, a annoncé son épouse. Il s'agit du premier dirigeant politique à être arrêté depuis le début des émeutes. Recherché par la police, ce dirigeant, qui vivait en clandestinité jusqu'en février dernier, est intervenu plusieurs fois récemment sur des télévisions étrangères pour dénoncer le régime du président Ben Ali.

Quant au bilan humain des violences, il reste incertain. Le gouvernement a admis mardi soir le chiffre de 21 décès, tandis qu'un syndicaliste avait évoqué plus de 50 morts dans les trois derniers jours. «Ceux qui ont parlé de 40 ou 50 morts doivent produire une liste nominative», a rétorqué le ministre tunisien de la Communication. De son côté, la Fédération internationale des ligues de droits de l'homme (FIDH) a assuré disposer d'une «liste nominative» de 35 tués, tout en confirmant que le bilan total devait effectivement avoisiner les 50 morts.

Trois nouveaux morts en province

Mercredi, trois civils ont été tués en province. Deux ont notamment été tués par des tirs de la police à Douz, dans le sud du pays, lors d'une manifestation ayant dégénéré, a indiqué un témoin. L'un d'eux, Hatem Bettahar, serait professeur d'informatique à l'Université de technologie de Compiègne, a annoncé un syndicaliste enseignant français. Le Quai d'Orsay n'a toutefois pas confirmé cette information. A Thala, dans le centre-ouest, un manifestant a également été tué par balle et deux ont été blessés par les forces de sécurité mercredi soir, selon un syndicaliste tunisien. A Sfax, métropole économique à 300 km au sud de Tunis, cinq manifestants ont été blessés par des tirs de la police.

A Kasserine, dans le centre du pays, un syndicaliste a décrit une situation de «chaos». Il a rapporté des «tirs de snipers» et des «pillages et vols de commerces et de domiciles par des effectifs de police en civil». Le personnel médical de l'hôpital de Kasserine a débrayé mardi durant une heure en signe de protestation, a ajouté un fonctionnaire local sous couvert d'anonymat, décrivant des «cadavres éventrés, à la cervelle éclatée». Mais le gouvernement tunisien campe toujours sur ses positions : Kasserine a été «le théâtre d'actes de violence et de destructions perpétrés par des groupes qui ont attaqué deux postes de police, à coup de bouteilles incendiaires, de bâtons et de barres de fer».

Du côté de la communauté internationale, l'Union européenne a dénoncé mercredi l'usage «disproportionné» de la force par la police tunisienne. «Cette violence est inacceptable, les auteurs doivent être identifiés et traduits en justice», a déclaré le porte parole de la chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton. La veille, les États-Unis avaient déjà fait part de leur préoccupation. Le gouvernement tunisien, «surpris» par les commentaires de Washington, avait reconnu que la police faisait «usage des armes» mais «dans un acte de légitime défense, lorsque les assaillants ont multiplié les attaques».

11-01-13 - Le Monde -- Tunisie - le régime libère des manifestants mais emprisonne un dirigeant

Tunisie : le régime libère des manifestants mais emprisonne un dirigeant

LEMONDE.FR avec AFP et Reuters | 12.01.11 | 12h13  •  Mis à jour le 13.01.11 | 09h09

Geste d'apaisement d'un côté, répression de l'autre...  Alors qu'il ordonnait la libération des manifestants arrêtés ces dernières semaines, le régime faisait emprisonner Hamma Hammami, le chef du Parti communiste des ouvriers de Tunisie (PCOT). Le ministère de l'intérieur a décrété un couvre-feu nocturne dans la capitale et sa banlieue, qu'il justifie par des troubles dans "certains quartiers".

Hamma Hammami a été interpellé mercredi 12 janvier à son domicile, près de Tunis, a annoncé son épouse, Radia Nasraoui. Il est le premier dirigeant politique à être interpellé depuis le début des émeutes. "La police a débarqué ce [mercredi] matin et arrêté Hamma", a dit Radia Nasraoui. "Plusieurs policiers ont forcé la porte de notre appartement, perquisitionné et cassé, avant de prendre Hamma sous les yeux de sa fille", a-t-elle raconté. Hamma Hammami, 59 ans, est le dirigeant d'un parti "illégal" d'extrême gauche autrefois très présent à l'université. Recherché par la police, il vivait dans la clandestinité jusqu'à récemment. Ces derniers jours, il est intervenu plusieurs fois sur des télévisions étrangères pour dénoncer le régime du président Ben Ali à a suite des troubles que connaît la Tunisie depuis quatre semaines.

LIMOGEAGES AU SOMMET DE L'ÉTAT

Le gouvernement tunisien avait pourtant tenté le même jour d'éteindre l'incendie. Le premier ministre, Mohamed Ghannouchi, a annoncé le limogeage du ministre de l'intérieur, Rafik Haj Kacem, ainsi que la libération de toutes les personnes arrêtées depuis le début des émeutes sociales qui secouent le pays. Un universitaire et ancien membre de gouvernement, Ahmed Friaâ, a été nommé pour remplacer M. Kacem, avec une prise de fonctions immédiate. Il a également annoncé, au cours d'une conférence de presse, la formation d'une commission d'enquête sur des actes de corruption présumée concernant des responsables publics, que dénoncent opposition et ONG.

Des sources au sein de l'opposition ont par ailleurs fait état du limogeage du chef d'état-major de l'armée de terre, le général Rachid Ammar. Celui-ci aurait refusé de donner l'ordre aux soldats de réprimer les émeutes et exprimé des réserves sur un usage excessif de la force. Un usage "disproportionné" de la force condamné mercredi par la porte-parole de Catherine Ashton, chef de la diplomatie européenne.

A Thala, dans le centre du pays, un manifestant aurait été tué par balle et deux autres blessés, selon un témoin cité par l'AFP. A Douz, dans le Sud, quatre autres personnes ont trouvé la mort lors d'affrontements avec la police, rapportent des témoins interrogés par Reuters. Selon un syndicaliste enseignant, l'une de ces victimes, Hatem Bettahar, serait un professeur d'informatique de l'Université de technologie de Compiègne, en région parisienne. Stéphane Tassel, secrétaire général du Snesup-FSU, a précisé que M. Bettahar, 38 ans, était depuis plus de dix ans enseignant-chercheur à Compiègne. Un cousin de M. Tassel a confirmé cette information. Les violences, sur fond de mécontentement social, ont fait en un mois entre 21 morts (bilan officiel) et plus de 50 tués (source syndicale).

ARMÉE ET COUVRE-FEU À DURÉE "INDÉTERMINÉE" À TUNIS

Pour la première fois depuis le déclenchement des affrontements que connaît la Tunisie depuis quatre semaines, l'armée s'est déployée à Tunis. La tension est montée dans la capitale au lendemain d'affrontementents entre la police et des manifestants qui ont éclaté dans la nuit dans la banlieue ouest, populaire. Un événement inédit dans la chronologie de la contestation, l'épicentre du mouvement se situant jusqu'à présent dans le centre du pays. Mercredi, les autorités ont décrété un couvre-feu nocturne dans la capitale et sa banlieue. Cette décision se justifie par "le souci de protéger les citoyens", a expliqué le ministère, qui a précisé que la couvre-feu serait appliqué dans la capitale et ses environs, le Grand Tunis. Un responsable gouvernemental a précisé que le couvre-feu s'appliquera de 20 heures, heure locale, à 5 h 30 pour une durée de temps "indéterminée".

Dans Tunis, outre des renforts importants de police et unités d'intervention spéciales, deux véhicules de l'armée et des soldats en armes montaient la garde sur la place reliant les avenues de France et Habib-Bourguiba, face à l'ambassade de France et à la grande cathédrale de Tunis. Cette place avait été la veille le théâtre de manifestations étouffées par la police. Des renforts militaires étaient également visibles autour de la maison de la radio-télévision, dans le quartier La Fayette.

L'armée avait aussi pris position au centre et à l'entrée de la cité populaire d'Ettadhamen où des jeunes et des policiers se sont affrontés la veille au soir. Les stations de radio nationales et privées diffusaient leurs programmes normalement, la radio gouvernementale revenant largement sur les mesures prises par le président, Zine El-Abidine Ben Ali.

11-01-13 - Xinhua -- Tunisie violents affrontements entre forces de l'ordre et jeunes manifestants

Tunisie : violents affrontements entre forces de l'ordre et jeunes manifestants

Publié le 2011-01-13 10:18:25 | French. News. Cn


TUNIS, 12 janvier (Xinhua) -- De violents affrontements entre forces de l'ordre et jeunes manifestants ont éclaté mercredi soir au Kram Ouest, banlieue nord de Tunis.

Les agents des forces de l'ordre ont tenté de disperser les manifestants avec le gaz lacrymogène, en tirant des coups de feu en l'air.

Ces affrontements, qui sont les premiers dans la banlieue nord de Tunis, sont survenus après que les autorités tunisiennes ont décrété un couvre-feu dans les gouvernorats du Grand Tunis (Tunis, Arianna, Ben Arous et la Manouba) provisoirement à partir de 20h locales.

Auparavant, des troubles ont éclaté dans des quartiers populaires comme la cité Ettadhamen et Intilaka (banlieue ouest de Tunis), alors que le centre de Tunis a connu des affrontements entre manifestants et policiers.

La Tunisie, rappelle-t-on, connaît depuis trois semaines des troubles sociaux et des actes de violence et de pillage à la suite d'une tentative de suicide d'un Tunisien de 26 ans, survenue dans la ville de Sidi Bouzid.

Cette tentative a entraîné des émeutes dans plusieurs villes tunisiennes qui ont fait 21 morts, selon le ministre tunisien de la Communication et porte-parole officiel du gouvernement Samir Laabidi.



11-01-13 - Le Figaro -- Tunisie un jeune civil tué à Sfax

Tunisie: un jeune civil tué à Sfax

Un jeune homme a été tué à Sfax lors d'affrontements qui ont eu lieu hier dans cette métropole économique.

"Omar Haddad, un lycien de 19 ans, a été mortellement blessé par des tirs de la police, mercredi, alors qu'il participait à une manifestation", a indiqué ce témoin joint par téléphone. Selon lui, cette ville a été le théâtre de violences dans la nuit de mercredi à jeudi, faisant état de "dégâts importants".

Aucun bilan officiel n'a été établi après les affrontements entre forces de l'ordre et manifestants qui ont eu lieu dans des banlieues de Tunis ces dernières 24 heures1.

La présidente de la Fédération internationale des ligues de droits de l'homme (FIDH), Souhayr Belhassen, a affirmé aujourd'hui à Paris détenir une liste nominative de 66 personnes tuées depuis le début des troubles en Tunisie mi-décembre, dont 8 dans la nuit de mercredi à jeudi dans la banlieue de Tunis, dénonçant "un massacre qui continue".



11-01-13 - Libération -- C'est la révolution des enfants de la balle

13/01/2011 à 17h05

C'est la révolution des enfants de la balle

Tribune

Par TAOUFIK BEN BRIK Journaliste

Couvre-feu décrété. Pour qui? Pour la police et l'armée peut-être qui ont déserté la rue la nuit du jeudi 14 janvier! Car les manifestants sont toujours là, ils veillent sur la ville.

Dans l'euphorie de l'intifada, de ces journées lumineuses et précieuses, les Tunisois n'ont de respect pour rien: ni couvre-feu, ni dieu. Ils proposent une Tunis ouverte, sans limites. Un club sans cafards. Un endroit où tout est possible. Un parc d'attraction pour adultes et enfants. Hay Ettadhamen, quartier des khobsistes (les fanatiques du pain), le plus grand parti du pays: une bastille sans centre, sans trottoirs, sans cafés, sans ruelles, sans impasses, sans carrefours, sans stations de taxis. Avec foule et bruit. On se croirait au sud de Brazil. Même le ciel paraît artificiel, en cette première nuit de couvre-feu non respecté. Un ciel de faïence. Les enfants de la balle occupent tout l'espace et les adultes réapprennent à aller chez les adultes d'à côté. Un Tunis dessiné à partir de gribouillage. On dirait un pigeon, un épervier ou un faucon. On a le sentiment de l'avoir habité avant même de naître. C'est le carnaval. La fiesta. Ezzarda. La révolution.

Imagine... Tunis résonnant de mille débats en plein air, comme à Hyde Park Corner, ce coin de pelouse londonienne où chaque passant se change, si l'envie lui en prend, en tribun. Dans ces quartiers populos, ces corners, on peut chicaner, s'épancher. Une femme peut cracher sur
le poster géant de Ben Ali.

Le pays a le charme d'un grand café

Ben Ali, sans le vouloir peut-être, avait retourné la réalité comme on le fait d'un gant: le monde réapparu en joie. En l'air, de toutes les couleurs, les paroles. Le pays a le charme d'un grand café, d'un grand théâtre, d'un hammam. Sans gêne et sans honte, tout pouvait être dit. Dans toutes les villes et dans tous les villages, on entendait enfin se lever bavardages et caquetages, commérages et potins, blagues et plaisanteries. Le rire enveloppait désormais le moindre mot. Ca bavarde dans les ruelles, les boulevards, les souks... Il suffit d'aller dans n'importe quel bar, on se croirait sur les planches, où que vous regardiez, à gauche, à droite, au centre, les gens conversent, font le mariole. Un apprentissage de la fraternité.

Chacun entre dans cette intifada moubaraka avec ses outils, ses bidons et ses aiguilles à coudre qui traînent dans son passé, comme une offrande. Le défi, la manifestation de l'après-midi, la mort d'un ami sont étalés avec des mots qui s'entrechoquent, s'entrecroisent, se multiplient, se divisent et s'enracinent. On énumère les abîmes enjambés sur de frêles passerelles. Puis... petit à petit les mots s'enrichissent, des mots qui tapent fort: A mort Ben Ali. Les mots deviennent habitables. Des mots contre les transgressions, la misère physique, le handicap, le dégoût, la tyrannie. Des mots qui donnent sens à chaque déplacement, à chaque geste, à chaque regard.

On rit pour injecter le courage

C'est moins la gestuelle qu'on retient que la voix, les paroles débitées en rafales. On bondit sur chaque mot à prononcer comme un fauve sur sa proie. Comme si les ayant aussitôt dits, on cherchait déjà à les rattraper et les rapatrier dans l'antre d'où ils sont sortis. C'est le refus de considérer la parole comme objet perdu, chuté, et le désir sans fin de contrôler ce flux. Avoir le droit de nommer et être celui qui nomme et se nomme en même temps: Je suis Slah Ferchichi et je défie Ezzine...

On vient à peine de naître à la parole, à l'écoute de l'autre, l'écoute des mains qui savent parler, et voilà que ça barde. On devient mordants, féroces, grossiers, cyniques. Les gens se moquent de ses cheveux teints et gominés et de sa femme liftée. Ils rient de ses gendres mafiosi, d'un rire de Woody Woodpecker. Un rire qui éclabousse les trois P (Police, Parti, Pègre). On rit pour ignorer la crainte. On rit pour conjurer le ridicule des pontifes. On rit pour dépoussiérer les geôles. On rit pour fragmenter le mensonge qui perdure. On rit pour injecter le courage. On rit pour aimer ce qui est aimé déjà de tous. Pour ces guérilleros de l'asphalte, Ben Ali est devenu un filon inépuisable. De sa tête peut naître une tête de cochon, de son œil, l'œil d'un serpent, de son sein du lait caillé, de son postérieur une queue de cochonglier...

Plus c'est grand, plus c'est mou

Ils raillent son accent, parodient ses déambulations, réduisent en cendre «sa pensée» cachée. Ils ont édifié un sanctuaire pour son pet. Petit à petit, ils l'ont fait descendre dans leurs bavardages et dans leurs caquetages, dans leur commérages et leurs potins, dans leurs blagues et leurs plaisanteries. C'est lui que, désormais, leur rire enveloppait et prenait au piège. C'est un siège.

Et ils firent de lui un bouffon. Ben Ali, le morose. Ben Ali, rien dans la caboche, tout dans la main de forgeron. Ben Ali le surchargé pondéral. Ben Ali ta gueule. Ils lui ont attribué des palais dans tous les pays, de l'Argentine à Abou Dhabi, de Wak Wak à Baalbek. Ils ont compté toutes les femmes -blondes, brunes, rousses- qui réchauffaient son lit. Ils ont dit qu'il se dopait. Ils ont soutenu qu'il avait l'intelligence d'un enfant de douze ans. Picasso, le talent en moins. Ils ont fait courir toutes sortes de rumeurs... Ils ont même voulu se moquer de son pénis de sa taille, de sa vigueur, de ce qu'il pouvait et ne pouvait plus faire. Plus c'est grand, plus c'est mou.

Ben Ali le barbot!

Les gens se racontent les histoires de la famille? Sa famille s'occupe de l'argent. Aux petites gens, ils escroquent leur argent. Du temps de Ben Ali, les clandestins remontent à la surface. Les ex-trafiquants de devises deviennent des cambistes; les passeurs, des grossistes; les voleurs, d'honnêtes banquistes. Le temps des solistes est révolu. C'est le règne de l'harissa-dinars. Le calcul est simple: obtenir un crédit pour un projet bidon est plus rentable que de mettre en circulation de la fausse monnaie ou mettre sur pied une distillerie de Boukha dans une grange... Des pots de vin pour graisser la patte à un employé trop regardant. Ces paillards ne cessent jamais de clamer:

Ben Ali le barbot!

Débarrasse le plancher

Le peuple aura ta peau.

A Tunis, par les temps qui courent, la maxime est toujours: «Quelle bonne soirée nous avons passé, comme nous avons pleuré!» Eh bien, des jours terribles en perspective. Tunis, en ce moment même, sèche ses larmes. De rire ou de pleurs ? Quelle importance.



11-01-13 - Le Post -- Pillage et émeutes à Sousse

Pillage et émeutes à Sousse ?

13/01/2011 à 13h13 - mis à jour le 13/01/2011 à 17h37 | - vues | - réactions

post non vérifié par la rédaction

Ça y est : la contestation tunisienne, jusqu'ici limitée aux villes de l'intérieur, aurait gagné au moins une ville côtière : Sousse.

Le Promogro, situé sur la route de ceinture qui va de Tunis à Monastir, dans le quartier de Sahloul, a été attaqué, avant d'être fermé pour prévenir tout débordement, ainsi qu'un des Monoprix du centre ville.
La banque centrale de Sousse aurait été attaquée également et serait maintenant fermée, ce qui interdit aux habitants de retirer de l'argent. Toutes les banques sont fermées.

Dans les banlieues qui entourent Sousse, comme la cité Riyadh, des manifestations ont eu lieu.

Le collège français a été fermé ce matin dans le courant de la matinée, vers 11 heures : après que les cours aient commencés, les parents ont été appelé pour venir chercher leurs enfants. Les facultés et écoles tunisiennes sont fermées également, comme dans le reste du pays. En revanche, il semble que le reste de la région soit calme.

L'armée est dans la ville. Les blindés sont devant la Banque centrale.

Pour demain, une grève générale est prevue à Sousse, les magasins vont donc être fermés.

On parle de morts à Gabès et à Degueche, dans la région de Tozeur, hier soir.

"C'est incroyable", dit un habitant de Sousse, "on entend à la radio des choses totalement différentes, le discours a totalement changé : on demande aux gens de ne pas piller, de ne pas tout casser... Mais les gens n'ont plus peur, c'est fini, ils n'ont plus peur et ils s'en moquent...."

Le couvre feu à Tunis et dans ses environs est maintenu, à partir de 20 heures. Cependant, malgré le couvre feu, de nombreux affrontements ont eu lieu.



11-01-13 - Business News -- La fourrière municipale de l’Ariana saccagée par des jeunes

Tunisie – La fourrière municipale de l’Ariana saccagée par des jeunes

La ville de l’Ariana qui, jusqu’à présent, était restée à l’abri des tensions sociales, a connu ses premières scènes – et espérons le les dernières - de violence, jeudi 13 janvier 2011. Des jeunes ont saccagé et mis le feu à la fourrière municipale, vers 17 :30, sous les yeux des militaires positionnés à une centaine de mètres des lieux de l’incident. L’officier présent, auquel des passants ont demandé s’il allait intervenir, a répondu que son devoir était de protéger le pays des terroristes et des envahisseurs étrangers, mais en aucun cas de tirer sur des civils. Réponse qui lui a valu des hourras enthousiastes, accompagné d’un retentissant : « vive l’armée » !

Un jeune qui s’est, par la suite, pris à un point de vente d’un opérateur téléphonique, s’est vu sévèrement rabroué par les passants qui lui ont demandé de ne pas s’attaquer aux biens privés.

A 18 :15 les forces de l’ordre n’étaient pas encore sur le lieu de l’incident, alors que certaines infos faisaient état d’un poste de police incendié.
Pas loin de là, à l'entrée de Borj Louzir, on nous apprend que des manifestants totalement étrangers à la cité ont procédé à des actes de vandalisme et de pillage. Les riverains et les voisins ont essayé de les empêcher, en vain.

R.S

11-01-13 - Libération -- A Bizerte, près de Tunis

13/01/2011 à 20h07

A Bizerte, près de Tunis, «les gens se protègent eux-mêmes, armés de gourdins»

témoignage

Recueilli par Elodie AUFFRAY

Un témoin contacté par libération.fr relate la situation à Bizerte (ville côtière à 60 km de Tunis), où des magasins ont été saccagés ce jeudi. ce témoin est contributeur du site nawaat.org, auquel nous avons consacré un article mercredi.

«Ce n'est pas encore le chaos, mais les gens ont très peur. Cet après-midi, des magasins ont été littéralement saccagés: un Monoprix (qui appartient au groupe Mabrouk, propriété d'un gendre du président Ben Ali), une agence bancaire, un bijoutier... A part ces plaies, la ville reste relativement calme. Mais les gens sont effrayés: voyant cela, ils se sont organisés pour se protéger eux-mêmes. Car la police semble avoir déserté la ville, en tout cas je n'ai vu aucun policier.

«Dans ce genre de mouvements sociaux, il y a toujours des gens qui cherchent à profiter de la situation. Mais il est possible aussi que ce soient des bandes envoyées pour aggraver la situation, chargées de propager la terreur pour qu'après, les autorités passent pour la seule issue face au chaos.

«Je suis en ce moment dans le quartier de la Corniche, un quartier un peu huppé qui n'a pas été touché par les saccages. Mais les gens veulent se protéger. Un groupe d'une soixantaine de personnes, armées de gourdins, arrête les voitures, regarde à l'intérieur avant de les laisser passer. Tout ça est un peu improvisé, part dans tous les sens. Une centaine d'autres personnes sont regroupées à 100 mètres derrière.

«Tout à l'heure, un camion de soldats est passé devant moi, il a été accueilli par des acclamations de la centaine de personnes regroupées à ce moment là. C'était très émouvant. Ils sont rassurés de les voir arriver, car ils savent qu'ils sont du côté du peuple, qu'ils vont les protéger, contrairement à la police.

«Il n'y a pas eu d'autres grosses manifestations à Bizerte aujourd'hui, pas de blessés. Mais c'est très tendu dans le sens où la crainte de casseurs s'est vraiment propagée.»

11-01-13 - Libération -- Le président Ben Ali annonce qu'il ne se représentera pas

Le président Ben Ali annonce qu'il ne se représentera pas

13 janvier 2011 à 10:04 (Mis à jour: 23:15)

Troisième discours depuis le début des troubles, il y a un mois, et troisième salve d'annonces pour tenter de calmer la colère sociale et politique. Jeudi soir, dans un discours télévisé, le président tunisien Ben Ali, au pouvoir depuis 1987, a annoncé qu'il ne se représenterait pas en 2014.

Il a également dit avoir demandé à la police de ne plus tirer à balles réelles sur les manifestants, et a promis la liberté totale pour l'information et Internet.

«Assez de tirs à balles réelles», a-t-il déclaré dans ce discours prononcé en tunisien dialectal dans une intention apparente de se faire comprendre par tous les Tunisiens. «Je refuse de voir de nouvelles victimes tomber (...) Assez de violences, assez de violences», a-t-il poursuivi, en affirmant que «personne ne serait plus inquiété à moins qu'il tente de se saisir de l'arme d'un agent de l'ordre».

«Je vous ai compris», a martelé le président à plusieurs reprises. Dans un aveu d'un caractère exceptionnel, il a en outre expliqué avoir été «trompé» sur l'analyse de la crise sociale qui agite la Tunisie depuis près d'un mois et affirmé que l'enquête qu'il a ordonnée serait indépendante et établirait les «responsabilités de chacun».

«La situation aujourd'hui nécessite un profond changement et de travailler main dans la main (le pouvoir et les opposants) pour le bien du pays», a encore dit le président tunisien. «Je réaffirme ici que j'ai l'intention d'approfondir la pratique démocratique et de revitaliser le pluralisme», a encore déclaré le président ben Ali.

Dans un premier discours, le 28 décembre, il avait regretté les évènements de Sidi Bouzid (centre-ouest) et dénoncé une «instrumentalisation politique de certaines parties». Dans son second discours, le 10 janvier, il a promis 300.000 emplois sur deux ans et dénoncé «des actes terroristes» orchestrés depuis l'étranger.

Il a limogé jeudi son ministre de l'Intérieur, décidé une commission d'enquête sur la corruption et les dépassements et fait instaurer un couvre-feu nocturne dans l'agglomérations de Tunis.

Hammamet livrée aux pilleurs

La journée de jeudi n'a pas vu baisser les troubles. La station balnéaire tunisienne de Hammamet, prisée par les touristes européens, était livrée aux pilleurs jeudi en fin d'après-midi, selon des journalistes de l'AFP arrivés dans cette cité située à 60 km au sud de Tunis.

Un poste de police, une permanence du parti au pouvoir du président Zine El Abidine Ben Ali ont été détruits ainsi que des résidences cossues, dont l'une appartiendrait, selon des habitants, à un proche du chef de l'Etat.

«Mort à Ben Ali», a tracé une main sur l'un des murs de la résidence du proche du président tunisien, située sur la Corniche et qui été totalement saccagée.

Dans la rue, les passants ont érigé de nombreux barrages alors que d'autres pillaient des magasins emportant tout ce qui leur tombait sous la main.

Les pillages ont commencé après une marche pacifique dans cette ville très touristique, qui compte des dizaines d'hôtels, et après les funérailles d'un réceptionniste de l'un de ces établissements, Zouheir Souissi, qui a été tué mercredi par les tirs de la police.

«Un massacre qui continue»

66 personnes ont été tuées depuis le début des troubles en Tunisie, il y a quasiment un mois. C'est le bilan dressé par la Fédération internationale des ligues de droits de l'homme (FIDH). Sa présidente, Souhayr Belhassen, affirme détenir une liste nominative. Elle dénonce «un massacre qui continue».

Un bilan qui s'est encore alourdi jeudi après-midi: un manifestant a été tué par les tirs de la police dans le quartier Lafayette, à proximité de l'artère centrale de l'avenue Bourguiba à Tunis, ont rapporté des témoins à l'AFP.

Un autre manifestant a été grièvement blessé par balle, a affirmé l'un des témoins alors qu'un autre a indiqué qu'il était décédé, ce qui n'a pas été confirmé par d'autres sources.

Les forces de l'ordre ont tenté de disperser les manifestants à coup de bombes lacrymogènes avant de tirer, selon ces témoins. Elles se sont interposées pour empêcher des manifestants, venus des abords de l'avenue Bourguiba, de se diriger vers le quartier où se trouvent un supermarché de la chaîne Carrefour et la Maison de la radio publique.

La police et les unités anti-émeutes étaient fortement présentes dans le centre de la ville où la tension est montée à la suite d'une tentative de marche à la mi-journée.

Affrontements dans la nuit de mercredi à jeudi

La veille au soir, de violents affrontements ont opposé les forces de sécurité à des jeunes dans la banlieue de Tunis dans la nuit de mercredi à jeudi malgré le couvre-feu imposé dans la capitale tunisienne et ses environs, ont indiqué à l'AFP des témoins. Ils ont fait huit morts, selon la FIDH.

Les affrontements se sont produits dans les cités d'Ettadhamen et Intilaka, où vivent quelque 30.000 habitants, à environ 15 km du centre de Tunis.

A la cité d'Ettadhamen, d'après un témoin auprès de l'AFP, un jeune homme de 25 ans a été tué par balle dans les affrontements qui ont eu lieu mercredi soir. Il a «essuyé des tirs quand il se pressait pour regagner son domicile situé près du poste de police dans la cité», voisine de celle d'Intilaka.

Des témoins ont également fait état de dégâts importants notamment dans des bâtiments publics qui ont été partiellement incendiés. Deux voitures ont été incendiées devant les locaux de la sous-préfécture. Des commerces et une pharmacie de nuit ont également été endommagées et les rues étaient jonchées de débris, a constaté l'AFP. Aucun bilan éventuel de ces violences n'était immédiatement disponible, et les forces de sécurité avaient quitté cette zone jeudi matin.

Le premier couvre-feu du régime Ben Ali

A Tunis même, la nuit a été plutôt calme, et l'armée se retire ce jeudi, laissant la place à des unités spéciales de la police, qui ont pris place dans le centre, relativement animé.

Des dispositifs de sécurité renforcés étaient visibles sur la route conduisant au palais présidentiel à Carthage, interdite à la circulation automobile. Des blindés des forces spéciales d'intervention de la police et des camions de l'armée étaient également déployés dans la banlieue nord cossue de Tunis.

Les autorités tunisiennes ont imposé un couvre-feu nocturne pour une durée illimitée, la première mesure de ce genre depuis l'arrivée au pouvoir du président Zine El Abidine Ben Ali en 1987. Le gouvernement de Ben Ali a tenté de calmer le jeu mercredi, avec le limogeage du ministre de l'Intérieur et la libération de toutes les personnes arrêtées, à «l'exception de ceux qui sont impliqués dans des actes de vandalisme».

Mercredi, des manifestants et des forces de l'ordre s'étaient violemment affrontés pour la première fois dans le centre de Tunis et trois civils ont été tués en province dans un contexte contestation du régime qui a déjà fait des dizaines de morts depuis un mois en Tunisie.

Un chercheur franco-tunisien tué par des tirs de police

A Douz (sud), deux personnes ont été tuées par des tirs de police. L'un d'eux est un enseignant franco-tunisien. Hatem Bettahar, professeur d'informatique à l'Université de Technologie de Compiègne a été tué par balles, selon un témoin et sa famille. Il s'agirait du premier tué français depuis le début de la crise en Tunisie.

Le Quay d'Orsay affirme vérifier actuellement la double nationalité du chercheur, et à confirmer sa mort.

«Il était en Tunisie dans le cadre d'un échange universitaire avec un établissement d'enseignement à Gabès (sud-est de la Tunisie)», a précisé le Quay d'Orsay.

Un cousin de Hatem Bettahar, vivant en France, a assuré à l'AFP avoir vu des photos qui lui ont été envoyées de Douz, sur lesquelles il est clairement visible qu'Hatem Bettahar a été atteint d'une balle en pleine tête.

La communauté française en Tunisie est de 22.000 personnes, dont les deux tiers sont des binationaux.

Le ministère français avait actualisé samedi, au sujet de la Tunisie, sa rubrique «conseils aux voyageurs» sur son site internet. «Des mouvements sociaux se déroulent depuis la fin du mois de décembre 2010 en Tunisie. Il convient d'adopter la plus grande réserve et d'éviter de se mêler à toute forme de rassemblement», est-il écrit sur ce site.

Ce jeudi, François Fillon a durci le ton. Le Premier ministre s'est alarmé de «l'utilisation disproportionnée de la violence» en Tunisie, en appelant «l'ensemble des parties à faire preuve de retenue et à choisir la voie du dialogue».

Jusque là, tous les membres du gouvernement avaient simplement «déploré» les violences.

(Source AFP)

11-01-13 - Jeune Afrique -- Le jeudi 13 janvier, journée historique

Le jeudi 13 janvier, journée historique

13/01/2011 à 10:31 Par Jeune Afrique

Malgré le couvre-feu, des émeutiers ont poursuivi leurs actions dans la banlieue de Tunis, dans la nuit de mercredi à jeudi. Au moins deux personnes auraient été tuées selon des témoins. Récit des événements en direct sur jeuneafrique.com.

Cliquer ici pour actualiser

23 h 30 : « Bye, bye Ammar 404 ». La censure d'internet est levée en Tunisie. Les sites qui étaient bloqués, notamment Dailymotion et Youtube, sont de nouveau accessibles, peu après la promesse du président Zine el-Abidine Ben Ali de garantir « la liberté totale » de l'information et de l'accès à l'internet.

Des utilisateurs ont très vite célébré la disparition du censeur du ministère de l'Intérieur, surnommé « Ammar 404 ». « Ammar 404 est au chômage », « bye, bye Ammar 404 », écrivaient les internautes sur Facebook, tandis que d'autres commencaient à dérouler un livre strictement interdit jusque-là, « La régente de Carthage », écrit par les journalistes français Nicolas Beau et Catherine Graciet. L'ouvrage dénonce le rôle supposé de Leïla Trabelsi, l'épouse du président Ben Ali, et sa famille pour contrôler des secteurs clefs de l'économie tunisienne...

Autre fait notable jeudi, le chef de la Ligue tunisienne des droits de l'homme (LTDH), Mokhtar Trifi, a été reçu pour la première fois à une émission politique de la télévision publique Tunis 7. Un opposant, l'islamiste modéré, Salaheddine Jourchi, ex-vice-président de la LTDH, faisait également parti des invités.

20 h 15 : Ben Ali ne se représente pas en 2014. Dans un discours historique à la nation, prononcé sur un ton humble, le président Ben Ali annonce qu'il ne se représentera pas en 2014. « Je vous ai compris », a-t-il déclaré aux Tunisiens en arabe dialectal. De grandes réformes sont également promises : liberté totale de la presse, reconnaissance de tous les partis d'opposition, du droit de manifester pacifiquement, la fin de la censure sur internet, la baisse des prix des denrées de première nécessité (pain, lait, sucre)... etc. Un vent de démocratisation souffle sur la Tunisie. Après 23 ans de régime, la chape de plomb tombe, enfin. (De notre correspondant en Tunisie, F.D.)

19 h 15 : Les pillages : contestation ou manipulation ? Les actes de vandalisme se sont généralisés un peu partout dans les villes tunisiennes. Certains y voient une manipulation du pouvoir et avancent que les pillards seraient payés pour commettre leurs exactions. Les magasins ferment, les seuls attroupements autorisés sont devant les boulangeries, les supermarchés sont pris d’assaut tandis que sur les terrasses certains prennent le temps de siroter un café. Le cœur d’Hammamet a subi d’importants dégâts et la villa de Sakhr el-Matri, gendre du président Zine el-Abidine Ben Ali, a été saccagée. Les magasins de Bizerte et le centre de Menzel Bourguiba ont été pillés en moins d’une nuit. Hooligans ou contestataires ? Beaucoup attendent la journée de grève générale demain pour y voir plus clair. (De notre correspondant en Tunisie, F.D.)

19h04 : Tunis sous l'emprise de la rumeur. Les faits relayés et confirmés par les médias sont peu nombreux si bien que la rumeur s’est substituée à l’information. Vers 14 heures, on a ainsi prétendu que le siège du parti au pouvoir était en flammes, on a aussi signalé la fuite de plusieurs dirigeants… Rien de tout cela n’est vrai. Les réseaux sociaux, qui se sont mobilisés pour couvrir les événements de manière citoyenne, sont eux aussi envahis par des montages vidéo douteux et des informations infondées. Cet état de chose laisse abasourdis les Tunisiens qui ne savent plus que penser. Beaucoup parlent de manipulation et se demandent qui est derrière tout ça, alors que des hélicoptères tournoient au-dessus de Tunis à très basse altitude et que des tirs sporadiques se font entendre ici ou là. (De notre correspondant en Tunisie, F.D.)
 

18 h 32 : Scènes de pillage à Hammamet. Prisée par les touristes européens, la station balnéaire de Hammamet (60 km au sud de Tunis) était livrée aux pilleurs jeudi en fin d'après-midi. Un poste de police, une permanence du parti au pouvoir du président Zine el-Abidine Ben Ali ont été détruits ainsi que des résidences cossues, dont l'une appartiendrait, selon des habitants, à un proche du chef de l'État.

Dans la rue, les passants ont érigé de nombreux barrages alors que d'autres pillaient des magasins emportant tout ce qui leur tombait sous la main. Les pillages ont commencé après une marche pacifique dans cette ville très touristique, qui compte des dizaines d'hôtels, et après les funérailles d'un réceptionniste de l'un de ces établissements, Zouheir Souissi, qui a été tué mercredi par les tirs de la police. (AFP)

18 h 25 : L'annonce de la démission de Morjane démentie. La démission du ministre des Affaires étrangères Kamel Morjane serait en fait une fausse information due au piratage de son blog, qui l'avait annoncée. (De notre correspondant en Tunisie, F.D.)

18 h 03 : Discours de Zine el-Abidine Ben Ali. Le président « s'adressera, ce soir, au peuple tunisien », a annoncé l'agence de presse officielle TAP. Ce sera le troisième discours de Zine el-Abidine Ben Ali depuis le début de cette crise sociale. Dans sa précédente intervention, lundi, il avait promis la création de 300 000 emplois sur deux ans sans toutefois calmer la rue. (AFP)

17 h 35 : Les deux principaux conseillers de Ben Ali limogés. Selon Al Jazira, le président Zine el-Abidine Ben Ali a limogé ses deux plus proches conseillers, Abdelwahed Ben Abdallah et Abdelaziz Ben Dhia, confirmant une rumeur qui circulait à Tunis depuis 11 heures du matin.

17 h 30 : Le ministre des Affaires étrangères aurait démissionné. Le chef de la diplomatie tunisienne, Kamel Morjane, a démissionné. C'est du moins ce qu'indique son blog, mais l'information n'est pas officielle. Selon les documents de la diplomatie américaine dévoilés par WikiLeaks, celui-ci était considéré, parmi le cercle des dirigeants, comme une alternative crédible au président Ben Ali. (De notre correspondant en Tunisie, F.D.)

16 h 26 : Un mort à Tunis. Un manifestant a été tué jeudi après-midi à Tunis par les tirs de la police d'après des témoins. Les faits se sont produits dans le quartier Lafayette à proximité de l'avenue Bourguiba. (AFP)

15 h 48 : François Fillon et la « violence disproportionnée ». Pour la première fois, le chef du gouvernement français s'est inquiété de la situation intérieure tunisienne, même s'il l'a fait de manière très prudente. « Nous sommes extrêmement préoccupés par cette situation, par la violence qui s’est développée depuis quelques jours », a-t-il déclaré au cours d’une conférence de presse à Londres. « Nous appelons instamment l'ensemble des parties à faire preuve de retenue, à choisir la voie du dialogue. On ne peut continuer dans cette utilisation disproportionnée de la violence », a-t-il ajouté. Il a assuré que Paris agissait pour convaincre les autorités tunisiennes de « s’engager » dans la voie de l’apaisement.

13 h 23 : Enterrement de l'enseignant franco-tunisien tué à Douz. L'enseignant franco-tunisien qui fait partie des deux personnes tuées par balles à Douz mercredi s’appelle Hatem Bettahar. Il était professeur d'informatique à l'Université de Technologie de Compiègne (nord de la France). « Nous sommes consternés », a déclaré sa belle-sœur, Elhem Ghorbel. « Il va être enterré en Tunisie, probablement aujourd'hui », a-t-elle ajouté.

Un cousin de Hatem Bettahar, vivant en France, a assuré avoir vu des photos qui lui ont été envoyées de Douz, sur lesquelles il est clairement visible que l’enseignant a été atteint d'une balle en pleine tête.

Selon un témoin, ancien syndicaliste, des manifestants s'étaient rassemblés mercredi matin devant le siège de la sous-préfecture de Douz quand la police a utilisé du gaz lacrymogène « avant de tirer à balles réelles », faisant deux morts et quatre ou cinq blessés. (AFP)

12 h 57 : Le bilan des émeutes s’alourdit. La présidente de la Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH), Souhayr Belhassen affirme détenir une liste nominative de 66 personnes tuées depuis le début des troubles en Tunisie, mi-décembre, dont 8 la nuit dernière rien que pour l'agglomération de Tunis. Elle dénonce « un massacre qui continue ». (AFP)

11 h 45 : Une Helvético-Tunisienne tuée par balle. D’après la Radio suisse romande (RSR), une femme ayant la double nationalité suisse et tunisienne a été tuée mercredi vers 18 heures, à Dar Chaabane, dans le Nord du pays. Son frère, joint par la radio, affirme qu’elle a été touchée au cou par une balle tirée par un policier, alors qu'elle observait une manifestation devant chez elle. La mort de cette femme a été confirmée par le ministère helvétique des Affaires étrangères.

11 h 30 : Mejdi Nasri mort à Ettadhamen. D’après plusieurs témoins, un jeune homme de 25 ans, Mejdi Nasri, a été tué par balle dans les affrontements de la nuit dernière à Ettadhamen, dans la banlieue de Tunis. (Reuters)

L’armée tunisienne s’est retirée du centre-ville de Tunis où elle avait été déployée la veille. Elle est remplacée par des unités spéciales de la police. La nuit a été plutôt calme dans le centre qui retrouvait un semblant d’animation dans la matinée. (AFP)

11 heures : Nuit agitée dans la banlieue tunisoise. Des affrontements dans les cités d'Ettadhamen et Intilaka, dans la banlieue de Tunis, ont été rapportés par plusieurs témoins. « Toute la nuit, on a entendu des tirs, des cris et des bruits de casse », a déclaré une infirmière. Plusieurs bâtiments municipaux ont été partiellement endommagés et deux voitures ont été incendiées devant les locaux de la sous-préfecture. Dans la matinée, des colonnes de fumée s'échappaient encore de deux bâtiments et les pompiers étaient à l'œuvre pour éteindre l'incendie.

Des habitants ont été « ahuris » par l'ampleur des dégâts dans cette banlieue de Tunis où des panneaux ont été arrachés, des Abribus détruits, un bus incendié et où des pneus encore fumants traînaient sur la chaussée.

Aucun bilan des violences n'était disponible. (AFP)

10 heures : Violation du couvre-feu. Il y a eu beaucoup d’agitation dans le grand Tunis dans la nuit de mercredi à jeudi. Dans plusieurs quartiers de la banlieue (Hammam Lif, Le Kram...) des jeunes sont sortis malgré le couvre-feu décrété par les autorités.

Certains agitaient des drapeaux tunisiens et des actes de vandalisme ont été commis. Les dégâts sont « considérables » d’après des témoins. Ces derniers affirment également avoir entendu de nombreux tirs des forces de l’ordre. (De notre correspondant en Tunisie F.D.)   

8 h 30 : Luc Châtel s'exprime. Le ministre français de l’Éducation Luc Châtel a confirmé la mort d’un enseignant franco-tunisien de l'université de Compiègne (Nord de la France) dans une interview à la chaîne française i-Télé. « Je veux exprimer toute mon émotion par rapport au décès du professeur qui a été tué hier. Nous avons appris ça hier soir. Je veux dire tout le soutien que j'apporte à sa famille », a-t-il déclaré.

D’après le quotidien Le Parisien, il s’agit d’Hatem Bettahar du maître de conférences en génie informatique de 38 ans, marié et père d'un enfant, en vacances à Douz (sud de la Tunisie). Il aurait été tué par balles par les forces de l’ordre dans des circonstances indéterminées.

D’après un témoin cité par l’AFP, un autre civil aurait été tué dans cette ville qui connaissait des violences pour la première fois depuis le début de la crise tunisienne.

11-01-14 - Libération -- Sous les balles, Ettadhamen hurle sa rage

14/01/2011 à 00h00
Sous les balles, Ettadhamen hurle sa rage

REPORTAGE

Soumise à un couvre-feu, cette banlieue de Tunis a connu de violents affrontements dans la soirée de mercredi, faisant plusieurs victimes. Hier, les troubles ont gagné le centre-ville.

Par JOSÉ DOUGLAS envoyé spécial à Tunis

Une fumée noire flotte sur le quartier. Des carcasses de voitures calcinées jonchent la rue. Un pompier tente de sauver les restes d’un salon de beauté. Les rideaux de fer des magasins fermés sont couverts d’inscriptions vengeresses : «Tu [Zine el-Abidine ben Ali] as tué nos enfants et nos étudiants», «Ben Ali doit partir».

En quelques jours, Ettadhamen, la banlieue la plus peuplée, la plus pauvre, et aussi la plus explosive de la capitale est devenue le symbole de la colère de tout un peuple.

«Egalité». Ici, le couvre-feu instauré mercredi a été synonyme de nouveaux accrochages. Huit personnes auraient été tuées dans la nuit de mercredi à jeudi, selon la Fédération internationale des droits de l’homme. Partout, les traces de la contestation sont visibles. «On en a marre, marre de galérer pour travailler et pour manger à la fin du mois alors que la famille Ben Ali s’enrichit de jour en jour», confirme Chiheb, 23 ans. Mais à l’en croire, ce ne sont pas les habitants qui brûlent les commerces : «Nous, on jette des pierres, c’est tout. Mais en face, la police tire à balles réelles et brûle les magasins pour nous accuser.» Il cite le cas d’un voisin, Majdi ben Mohamed Nassri, 27 ans, qui aurait été tué par la police la veille.

La famille habite quelques rues plus loin, Cité du 18-janvier. Les jeunes du quartier se sont groupés devant la maison des parents. La colère est palpable dans la cour, remplie de voisins. «Il était 19 h 35, il rentrait chez lui après son travail quand le policier lui a tiré dessus, comme ça : une balle dans la tête, alors qu’il ne manifestait pas. Et je ne sais pas pourquoi il a tiré», assure Mohamed, l’oncle de la victime. Une voisine, Leila, 28 ans, s’indigne : «Il est rentré avant le couvre-feu et ils lui ont tiré dessus, est-ce que c’est légal ? Pourquoi dans la tête, pourquoi pas les mains ou les pieds ? Ici, ils ont commencé à tirer à partir de 18 heures, est-ce que c’est légal ?» «Nous, tout ce qu’on veut, c’est l’égalité en Tunise. On ne peut plus vivre dans ces conditions. Un citoyen gagne 200 dinars par mois [100 euros, ndlr], comment peut-il vivre ? C’est pour ça qu’on se révolte, on veut faire entendre notre voix ! On veut un changement démocratique, il faut que Ben Ali parte», conclut la jeune femme, qui travaille dans un centre d’appels pour 500 dinars mensuels. A l’extérieur, dans la rue, la colère est montée d’un cran. Les jeunes du quartier ont décidé de s’attaquer au poste de police le plus proche. Pendant une heure, une vingtaine d’entre eux le saccage méthodiquement. «On n’a pas assez de mots pour dire notre colère», lance Chiheb. «On en a marre de tout ça. Ben Ali tue nos frères et on va se taire ?»

Tirs. A une dizaine de kilomètres de là, dans l’après-midi, c’est le centre-ville de Tunis qui s’embrase à nouveau. «Vive la liberté ! Vingt-trois ans, c’est trop ! Ben Ali doit partir !» Des centaines de jeunes scandent ces phrases avenue de la Liberté. La police leur barre le passage et, très vite, les gaz lacrymogènes partent, puis les tirs de semonce. Des motards des forces de l’ordre passent à toute vitesse pour intimider les manifestants qui, à chaque fois, reviennent. «Vous voyez, ils ne nous laissent même pas manifester pacifiquement, ils nous chargent alors qu’on a rien fait», affirme l’un d’entre eux. Les échauffourées deviennent de plus en plus violentes. Les tirs reprennent. Une personne, blessée à la jambe, est évacuée. Selon un témoin, deux manifestants auraient été tués. «On va continuer, affirme Leila. On en a marre de Ben Ali, il vole notre pays ! Moi, je travaille, c’est pas une question de chômage, c’est une question de liberté, on veut respirer, on veut dire qu’on veut vivre en liberté.»

11-01-14 - Nawaat -- Gabes, la ville la plus surveillée de la Tunisie

Gabes, la ville la plus surveillée de la Tunisie.

Jan 14, 11

Gabes qui pendant 20 ans a été terrorisée et manipulée par des tirants et des traitres. Vous ne trouverez que peu d’informations sur Gabes car personne ne peut plus parler, puisque tout le monde est surveillé. Depuis plusieurs jours, il y a eu des manifestations à Gabes, mais hier le bilan était trop sanglant, plus de 13 morts à Gabes ville, plus de 5 dans la délégation de ElHamma, 2 dans la délégation de Menzel ElHabib et encore, mais personne ne communique : les faits …

Dans la nuit d’hier (du 13 au 14 janvier), deux commissariats ont été brulés, ainsi que deux palais de justice, la recette des finances, la douane, le siège du rcd (parti politique au pouvoir).

Des grandes surfaces ont été pillé et saccagé (le magasin générale, Promogros qui appartient à la fille du président, mais aussi des magasins de gens normaux).

Plus personne ne contrôle plus rien.

Avant les années 90, dans les manifestations, il y avait des séniors qui donnait des instructions au juniors, tout était organisé, il y avait des partis politiques, des syndicats, c’était les séniors, les élèves et les étudiants était les juniors qui avait pour principales missions d’empêcher les intrus de faire des dégâts.

Aujourd’hui, il n’y a plus ni de sénior, ni de junior, c’est une anarchie totale, …

Aujourd’hui (14 janvier) une manifestation s’est organisé vers 10:30 du matin. Les slogans ne sont ni Pro-Ben Ali, ni Anti-Ben Ali, mais ils sont contre les vols et les dégâts des biens Étatiques et privés.

Personnellement je suis pour la liberté d’expression et un changement radicale mais je suis contre le meurtre de citoyens innocents et désarmés, je suis aussi contre le vols et le pillage de certain citoyen (irresponsable ou qui veulent jeter de l’huile sur le feu).

On veut tous une solution, tout le monde est en train d’attendre, mais d’attendre quoi ? le départ de Ben Ali ? Ensuite ce sera un des dictateurs du rcd qui prendra le pouvoir. Croire au promesses du Président ? Avec ce même système et les mêmes individus, on sait qu’à Gabes on a eu les mêmes promesses et qu’après un bout de temps il y aura des victimes qui seront jeté en prison.

En plus nous ne voulons pas de guerre civile, ni d’un deuxième IRAK.

Ce que je propose, c’est un appelle au président Ben Ali :

  1. Qu’il démissionne du parti du rcd

  2. Mettre fin au pouvoir de sa femme qu’elle ne s’occupe plus de l’État et des affaires du pays quitte à la divorcé si elle ne veut pas comprendre.

  3. Jugé ses beaux-frères et le reste de sa famille, s’ils ont fait quelque chose que la justice soit rendu, s’il sont innocent qu’ils vivent en paix.

  4. Jugé les responsables et les hauts fonctionnaires.

  5. Laisser la libre expression du peuple

  6. Amnistie générale et nouvelle page pour ceux qui n’ont ni tué ni volé.

  7. Que le président organise les prochaines élections libre de toutes influences.

Je pense qu’ainsi le peuple vivra en paix, et que le président ainsi que sa petite famille pourront vivre en paix en Tunisie, sinon Dieu seul sait ce qui pourrait arrivé à notre cher pays.

Par Sadok.



11-01-14 - Libération -- Ben Ali tente de sauver les meubles

14/01/2011 à 00h00

Ben Ali tente de sauver les meubles

Analyse

Dans un discours télévisé hier soir, le chef de l’Etat a annoncé plusieurs mesures d’ouverture politique pour calmer la rue. Trop tard ?

Par CHRISTOPHE AYAD

Pour la troisième fois depuis le début des troubles qui secouent son pays, le 17 décembre, le président tunisien s’est adressé solennellement à son peuple. Mais, une fois de plus, il est en retard sur les événements, proposant mardi des emplois quand les manifestants demandaient la liberté et promettant hier de libéraliser quand la rue ne veut plus qu’une chose : son départ. «Je vous ai compris», s’est exclamé hier soir Ben Ali, promettant plus de pluralisme et de démocratie et surtout, laissant entendre qu’il ne se représenterait pas en 2014. Il a ainsi promis la «liberté totale» pour l’information, ainsi que l’arrêt de la censure sur Internet, «dans la limite de nos valeurs et de l’éthique». Comme le régime a toujours clamé que les médias et Internet étaient libres, rien de nouveau sous le soleil. Ben Ali a aussi promis la liberté de manifestation «pacifique» aux partis, à condition qu’ils en précisent le lieu et le moment à l’avance. Ce qui, vu la situation anarchique qui prévaut en Tunisie, n’a aucun sens…

Système électoral. Pour calmer l’ire de la population, le dictateur a promis une avalanche de commissions : à celle censée enquêter sur la corruption annoncée mardi, sont venus s’ajouter l’une sur les événements des derniers jours, notamment les abus et les morts ; une autre enfin pour réformer le système électoral d’ici aux élections de 2014. Le président Ben Ali a proposé que les législatives soient dissociées de la présidentielle, laissant entendre qu’il ne se représenterait pas à un… sixième mandat. En revanche, il n’a pas tendu la main à l’opposition et on restait hier sans nouvelles de Hamma Hammami, le chef du Parti communiste ouvrier tunisien, arrêté mercredi. Enfin, pour faire bonne mesure, Ben Ali a annoncé qu’il avait donné des instructions pour faire baisser les prix du pain, du lait, du sucre et des denrées de base.

Trop peu, trop tard. Mais surtout, quelle crédibilité accorder aux propos d’un homme qui affirme avoir été «trompé» sur la réalité de ce qui se passe dans son pays depuis un mois ? «Un certain nombre de choses ne se sont pas déroulées comme je l’aurais souhaité», a lâché le président, âgé de 74 ans, qui est apparu amer, revêche et impuissant. «Assez de violence, assez de violence», s’est-il exclamé alors que personne ne doute qu’il a ordonné personnellement l’escalade. Hier, il a assuré avoir demandé au ministère de l’Intérieur de cesser de faire tirer sur les manifestants à balles réelles, alors que pour la première fois, un voire plusieurs manifestants ont été tués dans le centre de Tunis, au pied des grands hôtels qui accueillent généralement les touristes. D’après la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme, au moins 66 personnes ont été tuées depuis le 17 décembre.

Complaisance. A Tunis, le moulin à rumeurs tourne à plein régime. Certaines, invérifiables, comme la démission du ministre des Affaires étrangères, Kamel Morjane, un technocrate respecté à Washington. D’autres avérées, comme le limogeage du chef d’état-major de l’armée, Rachid Ammar, jugé trop mou, comme l’annonçait Libération mardi. Il a été remplacé par le chef du renseignement militaire, Ahmed Chebir. Véridique aussi le départ, mardi, pour le Canada des trois filles de Ben Ali et de son gendre, Sakher el-Materi, un affairiste richissime. Ou le fait que Leila Trabelsi, la seconde femme, honnie, du dictateur, soit à Dubaï. Un parfum de sauve-qui-peut commence à planer sur le régime, tandis que le ton des chancelleries occidentales s’est quelque peu durci depuis hier. Même Paris, pourtant d’une remarquable complaisance, a regretté «l’utilisation disproportionnée de la violence» par la voix de François Fillon. Pire, le département d’Etat américain a conseillé à ses ressortissants de reporter leurs voyages en Tunisie. Au moment où les manifestations touchent Hammamet, Nabeul, Sousse et Djerba, cœur de la Tunisie touristique, c’est un nouveau coup dur pour le régime…



11-01-14 - Echo Touristique -- les émeutes gagnent Hammamet

Tunisie : les émeutes gagnent Hammamet

Le 14 janvier 2011

Alors que les TO avaient déjà commencé à ajuster leurs programmes et à enregistrer quelques annulations, la tension est montée d'un cran hier soir avec, pour la première fois, des affrontements dans la zone touristique d'Hammamet. Mais la présidence tunisienne joue l'apaisement pour une sortie de crise.

Hammamet était hier en fin d'après-midi "livrée aux pilleurs" selon des journalistes de l'AFP sur place. Les pillages ont commencé en marge d'une marche pacifique qui se déroulait dans la station balnéaire située à 60 kilomètres au sud de Tunis, après les funérailles d'un réceptionniste de l'un des hôtels, tué mercredi par les tirs de la police. Dans les rues, de nombreux barrages ont été érigés, des magasins pillés, un poste de police détruit ainsi qu'une permanence du parti au pouvoir. Alors que les professionnels du tourisme tenaient encore hier après-midi des propos rassurants remarquant que les zones touristiques étaient épargnées par les émeutes, la situation sur place a donc évolué même si hôtels et touristes ne sont pas directement visés. Fram, qui a l'instar de Marmara, a constitué en début de semaine une cellule de crise, disait avant les évènements d’hier soir avoir enregistré quelque 200 annulations depuis mardi. Le ministère français des Affaires étrangères, sur son site Internet, continue de recommander seulement "d'adopter la plus grande réserve et d'éviter de se mêler à toute forme de rassemblement". En revanche, les Etats-Unis, la Suisse, le Portugal et les Pays-Bas déconseillent depuis hier les voyages non urgents de leurs ressortissants en Tunisie. Tous les TO du Ceto ont depuis le début de la semaine et par mesure de précaution adapté leurs programmes de circuit même s’ils ne passaient pas par Tunis.  Hier soir, dans une allocution télévisée, le président tunisien Zine el Abidine ben Ali jouait l'apaisement en ordonnant aux forces de l'ordre de ne plus faire usage d'armes à feu contre les manifestants. Il a également annoncé qu'il ne briguerait pas un nouveau mandat en 2014.

11-01-14 - Le Figaro -- Tunisie_discours deux civils tués

Tunisie/discours: deux civils tués

Deux civils ont été tués par des tirs de la police dans la ville de Kairouan, dans le centre de la Tunisie, au moment même où le président Zine El Abidine ben Ali prononçait un discours1 dans lequel il ordonnait la fin des tirs sur les manifestants, ont raconté des témoins.

Sayed, un électricien de 23 ans, a été tué d'une balle dans la poitrine près des locaux de la gendarmerie lors d'affrontements qui ont éclaté après une manifestation pacifique à l'appel du syndicat régional dans cette ville du centre, a dit l'un des témoins. Un autre quadragénaire, Lamjed Dziri, employé d'une fabrique de tabac, a également été tué par des tirs de police dans les mêmes circonstances, a indiqué un autre témoin.

Ces deux habitants ayant requis l'anonymat ont évoqué des scènes de chaos dans la ville qui a connu des pillages durant plusieurs heures. Trois postes de police, une municipalité, une permanence du parti présidentiel au pouvoir, ont été incendiés et des commerces ont été pillés.

Près de Tunis, dans la Cité El Ghazala, des affrontements ont eu lieu hier soir entre la police et des manifestants aux abords d'un pôle technologique gardé par l'armée, a constaté un journaliste de l'AFP.

11-01-14 - Le Monde -- les pillages se multiplient à travers le pays

Tunisie : les pillages se multiplient à travers le pays

LEMONDE.FR avec AFP et Reuters | 13.01.11 | 11h36  •  Mis à jour le 14.01.11 | 07h27

Au lendemain de violents affrontements dans la banlieue de Tunis, dans la nuit de mercredi, la situation était toujours explosive dans la capitale tunisienne, jeudi 13 janvier, tandis que les pillages se multiplient à travers le pays.

A Tunis, des tirs ont été signalés dans le centre-ville, où la police et les unités anti-émeutes étaient fortement présentes. Des témoins affirment qu'un manifestant a été tué par les tirs de la police dans le quartier Lafayette, quadrillé par les unités spéciales de la police en lieu et place de l'armée.

PILLAGES

A travers tout le pays, des manifestants ont attaqué et pillé des magasins des enseignes françaises Carrefour et Casino, auxquelles sont associés des proches du pouvoir en Tunisie. Ces pillages concernent plusieurs villes :  Gafsa (sud-ouest), Nabeul (nord-est), Gabès (sud-est) ou encore Bizerte (nord-est).

La station balnéaire tunisienne de Hammamet, prisée par les touristes européens, était livrée aux pilleurs jeudi en fin d'après-midi. Un poste de police et une permanence du parti au pouvoir du président Zine El-Abidine Ben Ali ont été détruits ainsi que des résidences cossues, dont l'une appartiendrait, selon des habitants, à un proche du chef de l'Etat.

Les pillages ont commencé après une marche pacifique dans cette ville très touristique et après les funérailles d'un réceptionniste de l'un de ces établissements, Zouheir Souissi, qui a été tué mercredi par les tirs de la police.

UN BILAN QUI S'ALOURDIT

Jeudi matin, un  bilan de la Fédération internationale des ligues de droits de l'homme (FIDH) s'établissait à 66 morts depuis le début des troubles, mi-décembre. Selon la présidente de la FIDH, la Tunisienne Souhayr Belhassen, huit personnes ont été tuées dans la capitale au cours des affrontements de la nuit. Cinquante auraient été blessées.

L'organisation affirme détenir une liste nominative de ces personnes tuées. Parmi les victimes, un universitaire franco-tunisien de 38 ans, professeur à l'université de Compiègne, tué par balles, mercredi, dans la ville de Douz. Jeudi, le ministère des affaires étrangères suisse a de son côté confirmé la mort d'une de ses ressortissantes : selon la Radio suisse romande, il s'agit d'une infirmière d'origine tunisienne de 65 ans, atteinte par une balle alors qu'elle se trouvait sur un balcon dans la ville de Dar Chaabane.

"TOUTE LA NUIT, ON A ENTENDU DES TIRS"

A Tunis, les affrontements de la nuit se sont produits dans les cités d'Ettadhamen et Intilaka, où vivent quelque 30 000 habitants, à environ 15 km du centre de la capitale. "Toute la nuit, on a entendu des tirs, des cris et des bruits de casse", a déclaré à l'AFP une infirmière. Elle a expliqué que "les incidents ont démarré hier après-midi pendant un rassemblement qui a ensuite dégénéré en affrontements violents entre forces de sécurité et des jeunes".

Plusieurs bâtiments municipaux et des commerces ont été partiellement endommagés, et deux voitures ont été incendiées devant les locaux de la sous-préfecture. Les autorités tunisiennes ont imposé un couvre-feu nocturne pour une durée illimitée, la première mesure de ce genre depuis l'arrivée au pouvoir du président Zine El-Abidine Ben Ali en 1987.

11-01-14 - Libération -- les promesses de Ben Ali plutôt bien accueillies par l'opposition

Tunisie: les promesses de Ben Ali plutôt bien accueillies par l'opposition

14 janvier 2011 à 07:37

L'opposition tunisienne, longtemps laminée par le régime du président Zine El Abidine Ben Ali, a réagi plutôt positivement au discours du chef de l'Etat (lire l'intégralité sur le site officiel du gouvernement tunisien) promettant de libéraliser le système politique et de renoncer à un nouveau mandat présidentiel.

Après près d'un mois d'émeutes provoquées par un geste de désespoir d'un jeune de Sidi Bouzid (centre-ouest), qui s'est immolé par le feu pour protester contre la confiscation par des agents municipaux de son étal de fruits et légumes, Ben Ali est apparu à la télévision pour apaiser les tensions.

«Le fait positif, c'est que le président ait décidé de ne plus se représenter», a jugé dans une déclaration à la presse Mohammed Néjib Chebbi, chef historique du PDP (Parti démocratique progressiste - une formation légale mais non représentée au Parlement).

Dans son discours, M. Ben Ali a promis de ne pas se représenter à la présidentielle de 2014 pour ne pas consacrer la présidence à vie, de libéraliser l'information et l'accès à internet, qui était censuré, et d'arrêter les tirs contre les manifestants qui ont fait 66 morts en moins d'un mois, selon des défenseurs des droits de l'Homme.

Il a également promis de réviser à la baisse les prix de produits de première nécessité comme le lait, le pain et le sucre.

«Promesses sans lendemain»

«Ce discours ouvre des perspectives», a déclaré de son côté, Mustapha Ben Jaafar, chef du Forum démocratique pour le travail et les libertés, membre de l'Internationale socialiste. «Il reste à appliquer ces intentions».

«C'est positif, le discours répond à des questions qui ont été soulevées par notre parti», a jugé pour sa part, Ahmed ben Brahim, chef du parti Ettajdid (ex-communiste, un député au Parlement).

La militante des droits de l'Homme Bouchra Bel Haji a évoqué «un discours historique». «Il nous a libérés et s'est libéré lui même», a-t-elle déclaré à propos du chef de l'Etat tunisien souvent perçu comme un dirigeant qui a hérité de sa formation militaire une certaine raideur dans le discours et le geste.

Les sceptiques à l'image de l'avocat et défenseur des droits de l'Homme, Mohamed Abbou, a dit ne pas croire le Président en déclarant que ce dernier «se moque des Tunisiens avec des promesses sans lendemain».

La télévision publique Tunis 7 a donné pour la première fois jeudi soir à des personnalités comme le président de la Ligue des droits de l'Homme, Mokhtar Trifi, ou l'ancien chef du syndicat des journalistes Naji Beghouri.

Pendant cette émission inédite, des appels ont lancés pour la libération le chef du Parti communiste des ouvriers de Tunisie (PCOT, non autorisé), Hamma Hammami, interpellé mercredi à son domicile, près de Tunis.

Des appels similaires ont été lancés en faveur de Fahem Boukaddous, un journaliste qui purge une peine de prison après avoir été jugé pour avoir donné de la publicité à un mouvement social dans le bassin minier du centre-ouest de la Tunisie.

(Source AFP)



11-01-14 - Le Figaro -- Ben Ali espère désamorcer la crise en Tunisie

Ben Ali espère désamorcer la crise en Tunisie

Par François Hauter
14/01/2011 | Mise à jour : 08:20

En précisant qu'il ne briguerait pas un sixième mandat en 2014 et en annonçant l'arrêt des tirs contre les manifestants, la baisse du prix des produits de première nécessité et la levée de la censure sur les sites internet, le président tunisien a créé des manifestations de joie, jeudi soir à Tunis.

Dès la fin du discours, jeudi soir, du président Ben Ali, des milliers d'habitants de Tunis ont bravé le couvre-feu et envahi le centre de la capitale et les grandes avenues des banlieues à Carthage et à Sidi Bou Saïd. Dans un immense mouvement de joie, les youyous et les coups de klaxon ont célébré le «Je vous ai compris !» du chef de l'État tunisien.

«On a la liberté d'expression, la liberté de l'information, la liberté de l'Internet !», criait Mahmoud, avenue Bourguiba. «On va préparer la démocratie, on va préparer une commission pour juger les corrompus !», ajoutait un de ses amis. «Et tous les corrompus, du haut en bas !», hurlait un garçon. On se filmait, on se congratulait. Un mois de crise affreuse s'éloignait. C'était le grand soir, à Tunis. Et sans doute la première fois qu'une foule pouvait décemment célébrer l'avènement annoncé d'une démocratie au Maghreb et dans un pays arabe.

Au prix de bien des morts - deux civils ont encore été tués à Kairouan par des tirs de la police durant le discours de Ben Ali -, les Tunisiens ont obtenu ce qu'ils voulaient, et sur toute la ligne. Liberté «totale» de l'information, d'Internet (les sites bloqués tels que YouTube et Dailymotion ont été rétablis quelques heures après le discours présidentiel), et préparation avec tous les partis tunisiens d'un système démocratique. Dans son discours, prononcé en arabe dialectal pour être compris de tous, le président Zine el-Abidine Ben Ali a fait retomber la tension à Tunis et dans les environs, en annonçant plusieurs décisions capitales.

La première, c'est qu'il ne se représenterait pas pour un sixième mandat en 2014, et consacrerait le reste de son temps à la tête du pays à préparer la démocratie. «Pas de présidence à vie, je refuse de toucher à la Constitution», a-t-il déclaré, avant de préciser : «La situation aujourd'hui nécessite un profond changement … Je réaffirme ici que j'ai l'intention d'approfondir la pratique démocratique et de revitaliser le pluralisme», a-t-il dit. Des membres de son parti l'avaient sollicité pour qu'il se représente en 2014, date à laquelle il aurait eu 77 ans, alors que la limite d'âge est à 75 ans.

La liesse après l'angoisse

Ensuite, concédant qu'il avait été «trompé» par son entourage, il s'est écrié : «Assez de tirs à balles réelles. Je refuse de voir de nouvelles victimes tomber. Assez de violences ! Assez de violences !» Il a également annoncé la baisse des prix des produits de première nécessité.

Le soulagement de sortir par le haut de cette crise meurtrière était limpide. «Ben Ali a tout regretté, et maintenant, notre Tunisie toute démolie, on va la reconstruire ! Ah, il est beau notre pays ! On est un peuple très fier !», jubilait un homme de soixante ans. Une joie et un apaisement palpables, dans les chants, les tambours, les cris d'allégresse de la foule.

Ce mouvement de liesse est à la mesure de l'angoisse qui avait saisi le pays, depuis que la police avait réprimé avec cruauté les manifestations de Tunisiens modestes, exaspérés par la corruption régnant dans la petite administration. Selon la Fédération internationale des droits de l'homme, 66 Tunisiens ont été tués par les forces de l'ordre depuis le 17 décembre dernier, dont huit dans la nuit de mercredi à jeudi. Jeudi, un manifestant avait été abattu par la police pour la première fois au cœur même de la capitale. La tension était devenue extrême. Tout se présentait comme si le pouvoir n'avait plus que les armes pour se faire respecter face à un mouvement de désobéissance qui faisait tache d'huile.

Pratiques autoritaires

À Tunis, jeudi, des jeunes s'attaquaient à des banques ou à des supermarchés appartenant à la belle-famille du président Ben Ali. À Sfax, Hammamet, des milliers de personnes faisaient de même. Les langues se déliaient : «Le pays est pillé par les proches du président, il est temps que Ben Ali s'en aille !», affirmait un médecin de La Marsa. Les mesures annoncées par le premier ministre mercredi (remplacement du ministre de l'Intérieur, commission d'enquête sur la corruption, libération des manifestants emprisonnés, excuses aux intellectuels malmenés par la police à Tunis) semblaient avoir fait long feu.

Le «Je vous ai compris !» du président Ben Ali est de fait une capitulation en rase campagne. Il l'affirme : il va renoncer à toutes ses pratiques autoritaires et népotiques du pouvoir, et laisser les Tunisiens s'exprimer comme ils l'entendent.

Il n'est pas exclu que jeudi dans la nuit les manifestations de joie «pro-Ben Ali» aient été organisées par le pouvoir lui-même, à Tunis. Mais il est clair aussi que les Tunisiens ne se laisseront plus mener comme des moutons, car ils ont mesuré leur puissance face au pouvoir.

Le président Ben Ali n'avait plus d'autre choix que de capituler. Dans cette escalade de la violence, il avait été pris à son propre piège. La presse, aux ordres du pouvoir, n'était plus lue. La télévision officielle plus regardée. Entre le président et son peuple, il n'y avait plus rien d'autre que la force. Et donc une impasse absolue.

11-01-14 - Citizenside -- 'En Tunisie, à Gafsa, des scènes de pillage dans les magasins avant le discours de Ben Ali'

En Tunisie, à Gafsa, des scènes de pillage dans les magasins avant le discours de Ben Ali

Gafsa, Tunisie ♦ 14 janvier 2011

Notre membre Citizenside a assisté à des scènes de pillage à Gafsa, en Tunisie, le 13 janvier 2011, quelques heures avant le discours du président Ben Ali.

"Il y a d'abord eu des affrontements avec la police, puis les manifestants s'en sont pris à des magasins, comme ce Carrefour. Ils ont tout pris, même les jus de fruits !".

"Après le discours du président Ben Ali [qui a annoncé son départ en 2014, NDLR], il y a eu des scènes de liesse, des coups de klaxon.

Les Tunisiens ont souffert, et les concessions du pouvoir ont été jugées suffisantes par beaucoup. Mais il y avait aussi des mécontents, qui disaient : pourquoi s'arrêter maintenant ? Ce n'est pas seulement cela que l'on désirait."

Retrouvez toute la série de notre membre à Gafsa

Selon l'AFP, qui cite des sources syndicales, une manifestation a lieu ce matin dans les rues de Gafsa.



11-01-14 - Libération -- L'intégralité de l'allocution du président tunisien Ben Ali

L'intégralité de l'allocution du président tunisien Ben Ali

14 janvier 2011 à 10:18

Au nom de Dieu, Le Clément, Le Miséricordieux,

Citoyens,

Citoyennes,

Je m'adresse aujourd'hui à vous, à l'intérieur et à l'extérieur du pays, à la suite des troubles et des actes de violence et de dégradation qui ont ciblé des biens publics et privés, dans certains villages et villes, situés dans plusieurs régions intérieures.

Des incidents violents, sanglants parfois, qui ont fait des morts parmi les civils et causé la blessure de plusieurs agents des forces de sécurité, ont été perpétrés par des bandes cagoulées qui se sont attaquées, durant la nuit, à des établissements publics et agressé même des citoyens dans leur domicile, dans un acte terroriste qui ne peut être toléré.

Des incidents commis sur instigation de parties, qui n'ont pas hésité à impliquer nos enfants parmi les élèves et les jeunes chômeurs. Ces parties, qui incitent à la violence et à sortir dans la rue, en propageant des slogans creux de désespoir et en fabricant, de toute pièce, des informations fallacieuses et erronées, ont exploité, de manière malhonnête, un incident que nous regrettons tous et une situation d'accablement compréhensible, survenue à Sidi Bouzid, depuis deux semaines.

Autant nous exprimons nos regrets pour les décès et les dégâts générés par ces incidents, autant nous réitérons notre compassion à l'adresse des familles des personnes décédées, que Dieu ait pitié de leurs âmes, et des blessés, nous partageons leur douleur et leur tristesse, nous leur accordons toute notre sympathie et nous réaffirmons nos sentiments d'affection à l'ensemble de nos fils et de nos filles, sans exception ni distinction.

La justice a pris son cours pour élucider les conditions et les tenants et aboutissants de ces incidents, afin d'en déterminer les responsables.

Citoyens,

Citoyennes,

Ces incidents sont l'œuvre d'un groupuscule d'éléments hostiles qui s'offusquent de la réussite de la Tunisie et qui sont remplis d'animosité et de griefs, du fait du progrès et du développement atteints par le pays, comme en témoignent les rapports des institutions et des organisations internationales et onusiennes réputées pour leur objectivité et leur impartialité.

Ces éléments mal-intentionnés ont usé de la question du chômage, en exploitant un acte isolé de désespoir, comme cela se produit dans toutes les sociétés et dans plusieurs situations.

Des éléments hostiles à la solde de l'étranger, qui ont vendu leur âme à l'extrémisme et au terrorisme, manipulés depuis l'extérieur du pays par des parties qui ne veulent pas le bien à un pays déterminé à persévérer et à travailler.

Un pays qui a pour ressource l'intelligence de ses fils et de ses filles, sur laquelle nous avons, toujours, fait le pari et nous continuons à le faire, dans la mesure où nous préférons faire face aux défis et aux difficultés, forts en cela d'un peuple instruit et cultivé, que de jouir d'une paix illusoire avec un peuple analphabète.

Tout le monde sait pertinemment combien nous déployons d'effort en matière d'emploi, ce secteur que nous avons toujours placé parmi nos principales priorités. D'aucuns savent la haute sollicitude dont nous entourons les diplômés du supérieur.

Nous sommes, comme nous l'avons déjà déclaré, fiers de leur nombre croissant et nous oeuvrerons à relever le défi qu'il nous impose, dès lors que nos choix éducatifs figurent parmi les constantes de notre projet civilisationnel et politique, que le caractère obligatoire et gratuit de l'enseignement est l'un des principes intangibles, en dépit du coût social et économique qu'ils impliquent, et que la généralisation des établissements universitaires dans l'ensemble du territoire national, sans exclusion, est une réalité concrète que nous nous employons, irrémédiablement, à consolider, en chaque phase.

Notre politique éducative, tout comme nos politiques liées à la famille, à la femme, à la jeunesse et à l'enfance, ainsi que les efforts déployés par l'Etat en vue d'assurer la prise en charge des personnes démunies, de préserver le pouvoir d'achat et de subventionner les prix des produits de base qui coûtent au budget de l'Etat, plus de 1700 millions de dinars par an (Je dis bien 1700 millions de dinars), font notre fierté.

Nous ne ménagerons aucun effort pour les impulser davantage, en dépit de la modicité de nos ressources financières et naturelles.

Citoyens,

Citoyennes,

Notre programme pour l'étape à venir et le XIIe Plan de développement, ainsi que le programme spécifique au développement des régions intérieures, frontalières et sahariennes, décidés avant ces événements, outre l'ensemble des programmes additionnels arrêtés, visent à résoudre le problème du chômage, à conforter notre action continue pour réaliser le développement équitable et équilibrée entre les catégories et les régions, à garantir l'emploi et les sources de revenus, à accorder la priorité aux enfants issus des familles nécessiteuses et à arrêter en faveur des diplômés du supérieur les programmes appropriés.

Toutes ces politiques et tous ces programmes sont à la mesure des politiques adoptées dans les différents pays du monde, qui souffrent tous du chômage, un phénomène qui n'est pas spécifique à la Tunisie et la Tunisie n'est pas la plus affectée en la matière. Il ne reste à ceux qui cherchent à induire en erreur qu'à exploiter ces cas désespérés, à servir les desseins de parties haineuses et à recourir aux chaînes satellitaires hostiles.

Citoyens,

Citoyennes,

A ceux qui portent délibérément atteinte aux intérêts du pays, abusent de la crédulité de nos jeunes et de celle de nos filles et fils dans les écoles et les lycées ou les incitent aux troubles et à l'agitation, nous disons, en toute clarté, que la loi aura le dernier mot. Oui, la loi aura le dernier mot.

Nous continuons d'être à l'écoute des préoccupations de tous. Nous nous employons à remédier aux situations collectives et individuelles et à renforcer nos programmes en matière d'emploi et de lutte contre le chômage sans compromettre nos efforts en faveur de l'amélioration du niveau et de la qualité de vie ni remettre en cause la poursuite de la majoration des salaires, sans interruption d'un round de négociations à l'autre.

Nous décidons ce qui suit:

Premièrement :

doubler la capacité d'emploi, créer des sources de revenus, en diversifier les domaines et les renforcer dans toutes les spécialités au cours des années 2011 et 2012 au moyen d'un important effort supplémentaire de l'Etat et du secteur public et par la conjugaison des efforts du secteur privé, du secteur bancaire, de la coopération internationale et de toutes les parties concernées. Ceci en vue de l'embauche du plus grand nombre de chômeurs autres que les diplômés du supérieur et parmi les sans-emploi de toutes les catégories et de toutes les régions.

Cet effort permettra également de résorber, avant la fin de 2012 (Oui, avant la fin 2012. Je m'y engage), tous les diplômés du supérieur dont la durée de chômage aura dépassé les deux ans. La capacité totale de création d'emplois au cours de cette période sera ainsi portée à 300.000 postes nouveaux.

Nous avions, il y a quelques jours, donné instructions au Premier ministre de prendre contact avec les hommes d'affaires et de rencontrer les dirigeants de l'Union Tunisienne de l'Industrie, du Commerce et de l'Artisanat afin de les inciter à apporter leur concours à cet effort par le recrutement de l'équivalent de 4 pc des cadres de leurs entreprises parmi les diplômés, soit près de 50.000 nouveaux recrutements dans toutes les régions. Ils ont répondu favorablement à cet appel, ce dont nous les remercions. Nous avons, de même, ordonné au gouvernement d'aider à la concrétisation de cette initiative et d'en assurer le suivi.

Deuxièmement :

Convoquer une conférence nationale à laquelle prendront part des représentants des instances constitutionnelles, des partis politiques, des organisations nationales et des composantes de la société civile, d'un certain nombre d'universitaires et de compétences des divers secteurs concernés, ainsi que de représentants des régions afin qu'ils exposent leurs vues et proposent les approches à même d'impulser davantage l'emploi et l'initiative, de manière à répondre à la demande d'emploi attendue au cours des années à venir. Cette conférence se tiendra au cours du mois prochain.

Troisièmement :

Insuffler un nouvel élan à la presse régionale en consacrant un espace quotidien à tous les gouvernorats du pays à la télévision et à la radio, tout en renforçant le réseau de radios régionales et la présence de la presse écrite dans les régions et en y consolidant les unités de production audiovisuelle afin de conforter cette mutation qualitative. Ceci de manière à multiplier les espaces d'expression des préoccupations et attentes des citoyens et à être en phase avec la réalité dans les régions.

Quatrièmement :

Inviter les représentants du peuple, les membres de la Chambre des conseillers et les instances centrales des partis politiques à accroître leur présence dans leurs régions et à intensifier leurs contacts périodiques avec les citoyens afin de les écouter, de s'occuper des cas dont ils seraient saisis et d'en référer aux autorités compétentes afin qu'il y soit remédié et que des solutions leur soient apportées.

Dans ce même cadre, nous appelons de nouveau les responsables administratifs à l'échelle régionale et locale à parfaire les canaux de contacts avec les populations, à être à l'écoute de leurs préoccupations, à réunir les conditions de prise en charge des problèmes posés et à surmonter les obstacles qui pourraient surgir, et ce en collaboration avec les différentes organisations et le réseau associatif concerné.

Cinquièmement :

en plus des efforts qui seront déployés pour promouvoir l'emploi, nous ordonnons d'exonérer, sur une période de dix ans, tout nouveau projet générateur d'emplois, lancé dans les régions de développement intérieur et dont le taux d'encadrement dépasse les 10 pc, de l'impôt sur les bénéfices et de la contribution patronale à la couverture sociale.

Nous appelons les parents et l'ensemble des citoyens à protéger leurs enfants de ces agitateurs et de ces malfaiteurs, à mieux s'occuper d'eux et à les sensibiliser aux risques d'être instrumentalisés et exploités par de tels groupes extrémistes.

Je saisis cette opportunité pour réitérer mes remerciements et ma considération à mon cher frère le Leader Mouammar Kadhafi, Chef de la révolution libyenne, pour son honorable initiative que notre peuple a accueillie avec une grande satisfaction et consistant à faciliter la circulation et les activités des Tunisiens en Libye sœur et à les traiter au même titre que les Libyens. Ceci confirme toute la fraternité sincère et le fort soutien que nous avons toujours perçus auprès de lui et auprès du peuple libyen frère.

Citoyens,

Citoyennes,

Ces incidents ne pourront jamais entamer notre détermination ni porter atteinte à nos acquis. Bien au contraire, ils doivent inciter toutes les parties à en tirer les enseignements qui s'imposent et ne jamais nous détourner de l'impératif de poursuivre notre œuvre avec détermination et enthousiasme parce que la dignité et l'invulnérabilité de la Tunisie sont une charge dont sont investis l'ensemble des Tunisiennes et des Tunisiens.

Merci de votre attention.



11-01-14 - Le Monde -- Ben Ali promet de ne pas se représenter en 2014

Tunisie : Ben Ali promet de ne pas se représenter en 2014

LEMONDE.FR avec AFP, Reuters | 13.01.11 | 20h28  •  Mis à jour le 14.01.11 | 11h44

Les forces de sécurité, qui étaient fortement déployées dans le centre de Tunis, n'étaient plus visibles vendredi matin, au lendemain du discours du président Zine El Abidine Ben Ali après un mois d'émeutes meurtrières dans le pays, indique l'AFP. La ville a commencé à retrouver un visage plus habituel avec la réouverture des commerces et des cafés et une reprise de la circulation automobile alors qu'elle était sous tension ces derniers jours. Les rares journaux, proches du pouvoir, présents dans les kiosques de la capitale se sont félicités du discours, le quotidien Le Temps titrant en manchette "Après le sang et la désolation, la liesse et de nouveau l'espoir". Alchourouk titre de son côté : "On m'a trompé et je vous ai compris", reprenant les termes du discours du président que le journal qualifie d'"historique".

Un mois après le début des émeutes en Tunisie, le président Ben Ali a donné des gages importants aux manifestants, à l'opposition et à la communauté internationale. Lors d'un discours très attendu, jeudi 13 janvier, il a promis plus de libertés aux Tunisiens, la baisse du prix des produits de première nécessité et s'est engagé à ne pas se représenter à l'élection présidentielle de 2014. "Pas de présidence à vie, et je refuse de toucher à la limite d'âge fixée par la Constitution", a déclaré le président, au pouvoir depuis 1987 et qui a été réélu en octobre 2009 pour un mandat de cinq ans.

Le ministre des affaires étrangères, Kamel Morjane, a estimé vendredi sur Europe 1 que la formation dans son pays d'un gouvernement d'union nationale était "tout à fait faisable" et "même normale". Selon Kamel Morjane, des élections législatives anticipées sont désormais envisageables avant la prochaine présidentielle. "Le président l'a dit de façon directe puisqu'il a décidé de la création d'une commission qui va nous proposer une révision du code électoral. Il a dit qu'on n'aura plus des élections parallèles, législatives et présidentielle. Par là, il a accepté le principe d'avoir des élections avant la présidentielle de 2014", a expliqué le chef de la diplomatie.

FIN DE LA CENSURE SUR INTERNET

La Constitution limite l'âge des candidats à la présidence à 75 ans, et il était question pour ses partisans de l'amender pour que Zine El-Abidine Ben Ali se représente en 2014, date à laquelle il aura 77 ans. Né le 3 septembre 1936, le président tunisien en a aujourd'hui 74.

Dans l'immédiat, le président a promis la liberté "totale" pour l'information et Internet. Peu après son discours, jeudi soir, les sites Internet qui étaient bloqués en Tunisie, notamment Dailymotion et YouTube, étaient en effet de nouveau accessibles.

"JE VOUS AI COMPRIS"

Ben Ali a également ordonné aux forces de l'ordre de ne plus tirer sur les manifestants et a annoncé une baisse du prix des denrées de première nécessité telles que le pain, le lait, le sucre. C'est l'augmentation des prix et le chômage qui sont à l'origine des troubles sociaux que connaît le pays depuis la mi-décembre.

"Assez de tirs à balles réelles", a-t-il déclaré dans ce discours prononcé en tunisien dialectal dans une intention apparente de se faire comprendre par tous les Tunisiens (voir la vidéo non sous-titrée). "Je refuse de voir de nouvelles victimes tomber. (...) Assez de violences, assez de violences", a-t-il poursuivi, en affirmant que "personne ne serait plus inquiété à moins qu'il ne tente de se saisir de l'arme d'un agent de l'ordre." "Je vous ai compris", a martelé le président à plusieurs reprises.

"REVITALISER LE PLURALISME"

Dans un rare aveu, il a également admis avoir été "trompé" sur l'analyse de la crise sociale qui agite la Tunisie depuis près d'un mois et affirmé que l'enquête qu'il a ordonnée serait indépendante et établirait les "responsabilités de chacun".

"La situation aujourd'hui nécessite un profond changement et de travailler main dans la main (le pouvoir et les opposants) pour le bien du pays", a assuré le président tunisien. "Je réaffirme ici que j'ai l'intention d'approfondir la pratique démocratique et de revitaliser le pluralisme", a encore déclaré M. Ben Ali.

Le président, qui intervenait pour la troisième fois à la télévision depuis le début des troubles, tente de répondre au mouvement sans précédent qui a embrasé le pays depuis la mi-décembre. Le mouvement a débuté à Sidi Bouzid, dans le centre-ouest, avant de s'étendre à d'autres villes, pour toucher la capitale et ses environs ces dernières quarante-huit heures.

TUNIS ET SA RÉGION SOUS TENSION

Le 28 décembre, M. Ben Ali avait regretté les événements de Sidi Bouzid et dénoncé une "instrumentalisation politique de certaines parties". Il avait souligné "l'impératif de respecter la liberté d'opinion et d'expression et le souci de les consacrer dans la législation et la pratique".

Dans un second discours, lundi 10 janvier, il a promis 300 000 emplois sur deux ans et dénoncé "des actes terroristes" orchestrés depuis l'étranger. Après cette dernière intervention, les troubles s'étaient étendus à travers le pays, touchant même des villes jusqu'alors épargnées. Et ce malgré le renvoi de deux ministres du gouvernement.

Jeudi matin, un bilan de la Fédération internationale des ligues de droits de l'homme (FIDH) établissait à soixante-six le nombre de morts depuis le début des troubles. Tunis, où un couvre-feu a été décrété, est sous haute tension depuis mercredi. De violents affrontements opposent la police et les unités anti-émeutes qui quadrillent la ville. Selon la présidente de la FIDH, la Tunisienne Souhayr Belhassen, huit personnes ont été tuées dans la capitale au cours des violences qui ont eu lieu dans la nuit de mercredi à jeudi. Cinquante auraient été blessées.

11-01-14 - The Seattle Times -- Thousands march in Tunisia, urge president to quit

Thousands march in Tunisia, urge president to quit

Thousands of angry demonstrators marched through Tunisia's capital Friday, demanding the resignation of the country's autocratic leader a day after he appeared on TV to try to stop deadly riots that have swept the North African nation.

By ELAINE GANLEY and BOUAZZA BEN BOUAZZA

Associated Press

TUNIS, Tunisia —

Thousands of angry demonstrators marched through Tunisia's capital Friday, demanding the resignation of the country's autocratic leader a day after he appeared on TV to try to stop deadly riots that have swept the North African nation.

Protesters chanted slogans against President Zine El Abidine Ben Ali, including "Ben Ali, out!" and "Ben Ali, assassin!" One poster read "We won't forget," a reference to the rioters killed, many by police bullets.

Hundreds of police with shields and riot gear blocked the avenue in front of the Interior Ministry, where over the years there have been reports of torture. The march was organized by Tunisia's only legal trade union, which also went ahead with a symbolic two-hour strike in the region of the capital.

The official death toll in the riots is 23, but opposition figures say dozens more have been killed.

Pent-up anger at unemployment, and at a leadership many see as controlling and corrupt, has exploded into protests and clashes with police over the past few weeks. The demonstrations started in the provinces but this week reached Tunis, the capital of the Mediterranean tourist haven that has long been spared unrest.

"We want to end this dictatorship," said Wadia Amar, a university chemistry professor who demonstrated Friday. "The Ben Ali clan should be brought to justice. They've taken everything."

Facing the worst unrest in his 23 years in power, an unusually contrite Ben Ali went on television Thursday, making sweeping pledges for political and media freedom, saying he he'd leave the presidency when his term ends in 2014, and ordering prices on sugar, milk and bread slashed. After he spoke, buoyant crowds poured into the streets.

A day later, the applause were largely replaced by anger, though a few cries of "Long live Ben Ali" were heard coming from cars that sped down the main avenue.

Ben Ali also said the 75-year age limit on presidential candidates should remain untouched. That would mean Ben Ali, who is 74, would not be able to run for a sixth term in 2014.

The president, who came to power in a bloodless coup in 1987, has prevented potential successors from emerging, sent many opponents to jail or into exile and clamped down on the media and social networking sites.


11-01-14 - Le Monde -- incertitude sur le sort des Trabelsi après la mise à sac de leurs résidences

Tunisie : incertitude sur le sort des Trabelsi après la mise à sac de leurs résidences

pour Le Monde.fr | 14.01.11 | 16h19  •  Mis à jour le 14.01.11 | 17h57

En milieu d'après-midi, à Gammarth, banlieue résidentielle chic du nord de Tunis, plusieurs centaines d'émeutiers s'en sont pris aux domiciles de la famille Trabelsi, du nom de Leïla Trabelsi, le femme du chef de l'Etat tunisien.

Armés d'une liste de noms, ces émeutiers, âgés de 16 à 17 ans, ont fait le tour des résidences de cette banlieue proche du palais de Carthage, et attaqué systématiquement les maisons qui appartiennent à la famille Trabelsi, délaissant les autres, y compris de plus luxueuses.

"UNE MISE A SAC ORGANISÉE"

"C'est une mise à sac organisée. Les insurgés font sortir les habitants des maisons, sortent la Mercedes du garage, pillent, saccagent, puis mettent le feu, témoigne un journaliste tunisien qui préfère garder l'anonymat. Deux paniers à salade emplis de policiers sont passés, sans intervenir. Je n'ai jamais vu de telles scènes," a confié au Monde.fr un journaliste tunisien, sous couvert d'anonymat.

A chaque fois, il s'agissait de propriétés de neveux de la présidente Leïla Trabelsi, haïe en Tunisie, car son nom symbolise l'accaparement des richesses du pays et la corruption. A 16 h 15, après avoir saccagé une quatrième maison, les jeunes émeutiers s'en sont allés. Un ex-ministre, le général Bouazizi, a fait les frais de cette vindicte : sa maison a été saccagée et pillée par erreur, les émeutiers croyant qu'il s'agissait d'une demeure des Trabelsi.

Selon ce journaliste tunisien témoin de la scène, les biens emportés par ces jeunes n'avaient pas de valeur. "Ils emportaient des bouteilles de gaz, des téléviseurs, des magnétoscopes... A croire que les Trabelsi avaient été prévenus de ce qui allait leur arriver et qu'ils avaient mis à l'abri leurs affaires les plus précieuses", dit-il.

Les rumeurs faisant état du départ de la famille Trabelsi pour Dubaï notamment se font de plus en plus insistantes à Tunis et plus encore sur Internet. On sait seulement que deux avions Falcone blancs ont quitté l'aéroport de Tunis-Carthage en tout début d'apres-midi.

Par ailleurs, à 16 h 50, un important convoi de voitures officielles aux vitres teintées a quitté le Palais de Carthage en direction de l'aéroport, sans qu'on sache qui se trouvait à son bord. A 17 h 30,  l'armée tunisienne a pris le contrôle de l'aéroport et l'espace aérien a été fermé.

Florence Beaugé

11-01-14 - Libération -- A Tunis, l'avenue Bourguiba était noire de monde

13/01/2011 à 19h42

A Tunis, «l'avenue Bourguiba était noire de monde»

Témoignages+carte

Ils étaient au cœur de la manifestation, à Tunis, un Français de passage et un jeune Tunisien relatent ce qu'ils ont vécu.

Recueilli par Manuel Vicuna

Affrontements entre les manifestants et les forces de sécurité, avenue Mohamed V, à Tunis, le 14 janvier (AFP/Fethi Belaid)

François a vécu en Tunisie de 2001 à 2004. Homme d'affaires, il fait de fréquents voyages sur place. Arrivé mardi dernier dans la capitale, il témoigne ce vendredi:

«Je sors tout juste de la manifestion, j'y ai passé trois heures environ. L'avenue Bourguiba était noire de monde. Il y avait des cadres d'entreprise, des avocats, des médecins en blouse, des étudiants... Bref, c'était la population dans son ensemble, des hommes et des femmes, des jeunes et des vieux... et même des enfants.

(Photo DR)

C'était très pacifique au début, très bon enfant. Les manifestants brandissaient des pancartes où on pouvait lire «Du pain et de l'eau, mais pas de Ben Ali!» ou encore «Policier, réveille-toi, c'est la coiffeuse qui commande!» (la coiffeuse: surnom de l'épouse du président, Leila Trabelsi Ben Ali, ndlr).

Mais, là tout de suite, un peu après 15 heures, il y a eu un mouvement de foule au tout début de l'avenue, un peu en retrait de l'épicentre de la manifestation qui est devant le ministère de l'Intérieur... Je suis actuellement à 300 mètres de l'avenue en question, avec des jeunes manifestantes qui ont failli se faire écraser par le repli de la foule. De leur côté, les amis avec lesquels je suis posté dans un café viennent de recevoir des SMS et des Twitts, comme quoi la police aurait lancé des gaz lacrymogènes et se serait mise à tirer à balles réelles sur les manifestants.

A côté de moi, des jeunes femmes, qui sortent juste de la manifestation, m'expliquent que le quartier est bouclé, que la police frappe les manifestants à coups de crosse de fusil. Selon elles, 200 à 300 personnes se sont réfugiées dans le centre commercial Claridge sur l'avenue Bourguiba. La police, leur demande de sortir, assurant qu'elle ne leur fera pas de mal.»

Moncef, jeune tunisien participait à la manifestation à Tunis. Peu après 15h ce vendredi, lorsqu'il a voulu quitter la foule, il a été pris entre deux tirs de gaz lacrymogène. Il pensait pouvoir se mettre à l'abri à l'intérieur du centre commercial Claridge, à l'angle de l'avenue Bourguiba...

«Nous nous sommes réfugiés à l'intérieur du Claridge, avec une cinquantaine d'autres manifestants. Le responsable du centre commercial était là, ça ne lui posait pas de problème a priori qu'on soit là. A l'intérieur, tous les manifestants étaient très calmes. Personne n'a rien cassé, on voulait simplement se mettre à l'abri. On s'est mis le plus loin possible des vitres du grand magasin. Dehors les policiers ont commencé à parlementer avec le responsable de Claridge.

Il nous a assuré que la police ne nous ferait rien lorsque l'on sortirait. J'ai mis le nez dehors pour aller discuter moi-même avec les policiers. C'est là qu'un agent en civil m'a donné de violents coups de matraque tout en m'insultant. Il m'a pris à parti en m'accusant d'avoir brûlé un petit drapeau tunisien. C'était totalement faux. Je me suis retrouvé au sol et, en me débattant, j'ai réussi à regagner l'intérieur du centre commercial. Et j'ai prévenu les autres manifestants qu'il ne fallait pas sortir.

Les mains sur la tête, on s'est tous assis par terre, dans le fond du magasin, lorsque les flics sont rentrés en courant. Ils ont commencé à tabasser tout le monde. J'ai voulu me réfugier dans les toilettes du Claridge, je me suis fait attraper par les cheveux dans les escaliers. Je me suis repris plusieurs coups de matraque. On m'a crié de baisser la main avec laquelle je me protégeais le visage.

J'avais peur qu'ils me frappent encore plus fort, alors c'est ce que j'ai fait. Et j'ai reçu un coup de poing sur le nez. Autour de moi, les agents attrapaient les femmes par les cheveux en leur lançant des insultes. On s'est finalement fait chasser dehors, les mains sur la tête...»

11-01-15 - Houston Chronicle -- Tunisians drive leader from power in mass uprising

Tunisians drive leader from power in mass uprising

By ELAINE GANLEY and BOUAZZA BEN BOUAZZA Associated Press © 2011 The Associated Press

Jan. 14, 2011, 10:54PM

TUNIS, Tunisia — After 23 years of iron-fisted rule, the president of Tunisia was driven from power Friday by violent protests over soaring unemployment and corruption. Virtually unprecedented in modern Arab history, the populist uprising sent an ominous message to authoritarian governments that dominate the region.

The office of Saudi King Abdullah confirmed early Saturday that ousted President Zine El Abidine Ben Ali and his family had landed in Saudi Arabia, after several hours of mystery over his whereabouts. "As a result of the Saudi kingdom's respect for the exceptional circumstances the Tunisian people are going through, and with its wish for peace and security to return to the people of Tunisia, we have welcomed" him, the statement said.

Tunisians buoyant over Ben Ali's ouster faced uncertainly, however, about what's next for the North African nation. The country was under the caretaker leadership of the prime minister who took control, the role of the army in the transition was unknown, and it was uncertain whether Ben Ali's departure would be enough to restore calm.

The ouster followed the country's largest protests in generations and weeks of escalating unrest, sparked by one man's suicide and fueled by social media, cell phones and young people who have seen relatively little benefit from Tunisia's recent economic growth. Thousands of demonstrators from all walks of life rejected Ben Ali's promises of change and mobbed Tunis, the capital, to demand that he leave.

The government said at least 23 people have been killed in the riots, but opposition members put the death toll at more than three times that.

On Friday, police repeatedly clashed with protesters, some of whom climbed onto the entrance roof of the dreaded Interior Ministry, widely believed for years to be a place where the regime's opponents were tortured.

With clouds of tear gas and black smoke drifting over the city's whitewashed buildings, Prime Minister Mohammed Ghannouchi went on state television to announce that he was assuming power in this North African nation known mostly for its wide sandy beaches and ancient ruins.

"I take over the responsibilities temporarily of the leadership of the country at this difficult time to help restore security," Ghannouchi said in a solemn statement on state television. "I promise ... to respect the constitution, to work on reforming economic and social issues with care and to consult with all sides."

The prime minister, a longtime ally of the president, suggested that Ben Ali had willingly handed over control, but the exact circumstances were unclear.

In a string of last-ditch efforts to tamp down the unrest, Ben Ali dissolved the government and promised legislative elections within six months — a pledge that appeared to open at least the possibility of a new government. Before his removal of power was announced, he declared a state of emergency, including a curfew that was in effect Friday night and was to be lifted at 7 a.m. Saturday.

Isolated bursts of gunfire broke a general quiet in the evening. But overnight, in a sign that Ben Ali's departure hadn't fully restored calm, plainclothes police were seen hustling some people off the streets of Tunis: One was clubbed, another was dragged on the ground.

European tour companies moved thousands of tourists out of the country. Foreign airlines halted service to Tunisia, and said the country's airspace had been temporarily shut down.

Ben Ali's downfall sent a potentially frightening message to autocratic leaders across the Arab world, especially because he did not seem especially vulnerable until very recently.

He managed the economy of his small country of 10 million better than many other Middle Eastern nations grappling with calcified economies and booming young populations. He turned Tunisia into a beach haven for tourists, helping create an area of stability in volatile North Africa. There was a lack of civil rights and little or no freedom of speech, but a better quality of life for many than in neighboring countries such as Algeria and Libya.

Ben Ali had won frequent praise from abroad for presiding over reforms to make the economy more competitive and attract business. Growth last year was at 3.1 percent.

Unemployment, however, was officially measured at 14 percent, and was far higher — 52 percent — among the young. Despair among job-seeking young graduates was palpable.

The riots started after an educated but jobless 26-year-old committed suicide in mid-December when police confiscated the fruits and vegetables he was selling without a permit. His desperate act hit a nerve, sparked copycat suicides and focused generalized anger against the regime into a widespread, outright revolt.

The president tried vainly to hold onto power. On Thursday night he went on television to promise not to run for re-election in 2014 and slashed prices on key foods such as sugar, bread and milk.

Protesters gathered peacefully Friday in front of the Interior Ministry, but six hours after the demonstration began hundreds of police with shields and riot gear moved in. Helmeted police fired dozens of rounds of tear gas and kicked and clubbed unarmed protesters — one of whom cowered on the ground, covering his face.

A few youths were spotted throwing stones, but most demonstrated calmly. Protesters were of all ages and from all walks of life, from students holding sit-ins in the middle of the street to doctors in white coats and black-robed lawyers waving posters.

"A month ago, we didn't believe this uprising was possible," said Beya Mannai, a geology professor at the University of Tunis. "But the people rose up."

"My first reaction is relief," said Dr. Souha Naija, a resident radiologist at Charles Nicole Hospital. "He's gone. ... I finally feel free."

"They got the message. The people don't want a dictator." However, she voiced concern for the future because, officially at least, Ben Ali vacated power only temporarily.

"It's ambiguous," she said.

Nejib Chebbi, a founder of the main legal opposition party, said the dramatic developments do not amount to a coup d'etat.

"It's an unannounced resignation," Chebbi said by telephone. To declare a permanent absence of a head of state, such as in a coup, elections would have to be held within 60 days, he said. "So they declare a temporary vacating of power."

U.S. President Barack Obama said he applauded the courage and dignity of protesting Tunisians, and urged all parties to keep calm and avoid violence.

Arabs across the region celebrated news of the Tunisian uprising on Twitter, Facebook and blogs. Thousands of tweets congratulating the Tunisian people flooded the Internet, and many people changed their profile pictures to Tunisian flags.

Egyptian activists opposed to President Hosni Mubarak's three-decade regime looked to the events in Tunisia with hope. About 50 gathered outside the Tunisian Embassy in Cairo to celebrate with singing and dancing. They chanted, "Ben Ali, tell Mubarak a plane is waiting for him, too!"

Meanwhile, the New York-based Committee to Protect Journalists reported that three journalists detained in Tunisia had been released: bloggers Azyz Amamy and Slim Amamou, who were arrested on Jan. 7, and Radio Kalima correspondent Nizar Ben Hasan, who had been taken from his home Tuesday.

CPJ called for the release of journalist Fahem Boukadous, who it said is serving a four-year prison sentence for his coverage of 2008 labor protests.

Earlier Friday, swirling speculation about Ben Ali's location had reached such a fevered pitch that the governments of France and Malta — just two of several countries where he was speculated to be heading — put out statements saying they have had no requests to accommodate him.

One French official, speaking on condition of anonymity because of the sensitivity of the matter, said the French government did not want Ben Ali there.

Ghannouchi is a 69-year-old economist who has been prime minister since 1999 and is among the best-known faces of Tunisia's government. He did not say anything about a coup or about the army being in charge.

Ben Ali, 74, came to power in a bloodless palace coup in 1987. He took over from a man formally called President-for-Life — Habib Bourguiba, the founder of modern-day Tunisia who set the Muslim country on a pro-Western course after independence from France in 1956.

Ben Ali removed Bourguiba from office for "incompetence," saying he had become too old, senile and sick to rule. Ben Ali promised then that his leadership would "open the horizons to a truly democratic and evolved political life."

But after a brief period of reforms, Tunisia's political evolution stopped.

Ben Ali consistently won elections with questionable tallies: In 2009, he was re-elected for a fifth five-year term with 89 percent of the vote — and that was the lowest official percentage of any of his victories. Before that vote, he had warned opponents they would face legal retaliation if they questioned the election's fairness.

U.S. diplomatic cables released by WikiLeaks have called Tunisia a "police state" and described the corruption there, saying Ben Ali had lost touch with his people. Social networks like Facebook helped spread the comments to the delight of ordinary Tunisians, who have complained about the same issues for years.

Under Ben Ali, most opposition parties were illegal. Amnesty International said authorities infiltrated human rights groups and harassed dissenters. Reporters Without Borders described Ben Ali as a "press predator" who controlled the media.

There is little precedent in the Arab world for a ruler being ousted by street protests. In Sudan in 1985, a collapsing economy and other grievances sparked a popular uprising, although the government was eventually ousted by a military coup.

The closest parallel in the broader Middle East comes from Iran — which is not an Arab nation — where mass demonstrations helped topple the shah and usher in the Islamic Republic in 1979.

Tunisia's giant neighbor Algeria saw huge protests before it was shaken by a military coup in 1992, with a five-man leadership put in place after the army canceled the nation's first multiparty legislative elections, which a Muslim fundamentalist party was poised to win. The party, the Islamic Salvation Front, became a vehicle for popular dissent.

There were also massive demonstrations in Lebanon in 2005, dubbed the "Cedar Revolution," but those were directed against Syrian influence in the country and not the Lebanese government per se. The protests led to the withdrawal of Syrian forces from Lebanon and the resignation of Lebanon's pro-Syrian prime minister and fresh elections.

Al-Qaida's North African offshoot appeared to try to capitalize on the Tunisian unrest, offering its support for protesters this week. There has been no sign of Islamic extremist involvement in the rioting.


11-01-14 - Libération -- Le président Ben Ali a quitté la Tunisie, la France prend acte

14/01/2011 à 10h36

Le président Ben Ali a quitté la Tunisie, la France «prend acte»

Récit de la journée de vendredi

Le Premier ministre Mohammed Ghannouchi assure l'intérim de la présidence en remplacement de Ben Ali, qui a quitté la Tunisie après vingt-trois ans de pouvoir.

Par LIBÉRATION.FR

LE CONTEXTE — Le président Zine El Abidine Ben Ali, confronté à une crise sans précédent, a quitté vendredi la Tunisie après 23 ans de pouvoir. Le Premier ministre Mohammed Ghannouchi a annoncé à la télévision qu'il assurait l'intérim et a appelé à l'unité des Tunisiens.

 

1h52. Le président tunisien en fuite Zine El Abidine Ben Ali est en Arabie saoudite avec sa famille. L'information a été confirmée dans un communiqué du palais royal cité par l’agence officielle saoudienne SPA. Son arrivée à Jeddah, une ville saoudienne sur la mer Rouge, avait été annoncée peu auparavant à l’AFP par une source saoudienne. Zine El Abidine Ben Ali, au pouvoir depuis 23 ans, a quitté vendredi la Tunisie après des manifestations populaires sans précédent contre son régime qui ont été réprimées dans le sang.

1h05. Une source saoudienne affirme que Ben Ali est arrivé dans la nuit de vendredi à samedi à Jeddah en Arabie Saoudite. Cette source anonyme n’a fourni aucune précision sur les personnes qui l’accompagnent. Selon une source aéronautique, le président tunisien en fuite est descendu au salon d’honneur de l’aéroport de Jeddah.

22h02. Le président américain Barack Obama salue le «courage et la dignité» du peuple tunisien et appelle le gouvernement à organiser des élections «libres et justes» dans «un proche avenir».

22h02. Une source proche du gouvernement assure Paris ne souhaite pas la venue de Ben Ali en France.

21h00. «Si Ben Ali vient en France, nous porterons plainte. Nous demanderons son arrestation immédiate et sa traduction en justice pour le crimes commis contre son peuple», déclare Mouhieddine Cherbib, du Comité pour le respect des libertés et des droits de l'homme en Tunisie (CRLDHT).

Le «vendeur à la sauvette» en question est Mohamed Bouazizi, le diplômé chômeur et vendeur de légumes, dont l'immolation par le feu, le 17 décembre à Sidi Bouzid, a déclenché la colère sociale et politique en Tunisie.

Les twitts ont plu toute la journée, relatant en direct et bien avant les médias la situation en Tunisie et les rumeurs sur les événements politiques. Ainsi celle du départ en avion du président Ben Ali bruissait sur Twitter plusieurs minutes avant qu'elle ne figure sur le fil de l'Agence France Presse. Ce soir, les informations continuent de circuler et les réactions tombent également en nombre. On lit aussi:

«La Tunisie devient enfin un endroit pour les vacances» ou encore «La révolte des Jasmin #tunisie est la 1ere révolution faite grâce au Web 2.0: Twitter / Facebook pr relayer l'information, alerter les médias».

20h57. «On a pleuré sur le terrain», racontent les handballeurs tunisiens en Suède après avoir appris en plein match contre la France le départ de Ben Ali. La partie avait commencé par une minute de silence en hommage aux victimes des troubles.

20h50. La France «n'a reçu aucune demande d'accueil» de Ben Ali et examinera toute éventuelle requête «en accord avec les autorités constitutionnelles tunisiennes», fait savoir le Quai-d'Orsay.

20h30. La France «prend acte de la transition constitutionnelle» en Tunisie, annoncée par le Premier ministre tunisien Mohammed Ghannouchi, indique l’Elysée. «La France souhaite l’apaisement et la fin des violences. Seul le dialogue peut apporter une solution démocratique et durable à la crise actuelle», affirme la présidence française. «La France se tient aux cotés du peuple tunisien dans cette période décisive», conclut le texte de trois paragraphes.

20h15. Pour la première depuis dix ans, l'édition de Libération du week-end sera disponible en Tunisie. Depuis 2000, Libé était interdit à la vente.

20h10. Martine Aubry demande à la France de «s'engager sans ambiguité en faveur de la démocratie en Tunisie». «Le départ du Président Ben Ali doit permettre la transition démocratique», a-t-elle ajouté. «Cela passe par la libération de l’ensemble des prisonniers politiques, l'établissement de toutes les libertés démocratiques et la préparation d’élections libres dans les meilleurs délais», estime la maire de Lille.

20h03. On apprend que l'avion de Ben Ali survolaient peu avant 19 heures, l'espace aérien maltais «en direction du nord».

19h56. Des tirs d'armes automatiques ont été entendus ce soir dans le centre de Tunis sous couvre-feu, selon des journalistes de l'AFP.

19h45. Nicolas Sarkozy et François Fillon se réunissent à l'Elysée pour parler de la situation en Tunisie, et «aucune information n'atteste la venue de (l'ex-président tunisien Zine El Abidine) Ben Ali en France», selon l'Elysée.

19h18. Le président par intérim, Mohammed Ghannouchi, s'engage à «respecter la Constitution».

19h15. L'Elysée n'a «pas d'information» sur une éventuelle arrivée en France de l'ex-président tunisien Zine El Abidine Ben Ali. Selon certaines informations, non confirmées, l'ex-président serait en route pour Malte.

19h05. Air France annule tous ses vols à destination de Tunis, ainsi que les sept vols prévus au départ de l'aéroport tunisien samedi et dimanche d'une capacité totale de quelque 1.100 passagers. Paris déconseille tout voyage en Tunisie.

19 heures. Le Premier ministre tunisien, qui assure l'interim de la présidence, appelle les Tunisiens à l'unité: «J'appelle les Tunisiens toutes sensibilités politiques et régionales confondues à faire preuve de patriotisme et d'unité».

18h50. Le Premier ministre tunisien Mohammed Ghannouchi annonce à la télévision qu'il assure l'intérim de la présidence en remplacement de Zine El Abidine Ben Ali, qui a quitté le pays après 23 ans de pouvoir.

«Conformément à l'article 56 de la Constitution, j'assume à partir de cet instant la charge de président par intérim», a annoncé M. Ghannouchi, 69 ans. Le président par intérim, filmé dans la palais présidentiel de Carthage, a lu sa déclaration debout, entouré par le président de la chambre des députés, Fouad Mebazaa et celui de la chambre des conseillers (sénat), Abdallah Kallal.

«Je m'engage à respecter la Constitution et à mettre en oeuvre toutes les réformes sociales et politiques (...) qui ont été annoncées en collaboration avec les partis politiques et les composantes de la société civile», a-t-l déclaré.

18h38. Le président tunisien Zine El Abidine Ben Ali a quitté la Tunisie, ont indiqué à l'AFP deux sources proches du gouvernement.

18h25. Lu sur Twitter: «Ben Ali a bel et bien fui à bord de l'avion présidentiel. Annonce sur TV7 imminente» (@gwen_611)

18h20. France 24 dresse une bonne rétrospective en vidéos d'un mois de contestation sociale en Tunisie.

18h11. La chaîne de télévision publique TV7 prévient qu'une annonce «très importante» va être faite de façon imminente.

18h10. Les domiciles de la famille Trabelsi, belle-famille de Ben Ali, ont été mis à sac par plusieurs centaines d'émeutiers, rapporte Lemonde.fr. Ces domiciles sont situés à Gammarth, quartier huppé dans la banlieue de Tunis. «Les insurgés font sortir les habitants des maisons, sortent la Mercedes du garage, pillent, saccagent, puis mettent le feu», témoigne un journaliste tunisien au Monde.fr.

Leïla Trabelsi, épouse du Président, est détestée en Tunisie, symbole de la confiscation des richesses par le «clan Ben Ali».

17h55. Les partis de gauche français, du PS au NPA, demandent que le gouvernement français et l'Union européenne «soutiennent une véritable transition démocratique» en Tunisie.

«Nous demandons l'arrêt immédiat de cette répression et la libération de l'ensemble des prisonniers politiques, syndicalistes et des journalistes tunisiens ainsi que la prise en compte des revendications portées par l'opposition démocratique», poursuivent-ils.

17h50. Lors de heurts violents entre policiers et manifestants à Tunis, un policier a tiré à bout portant sur un photographe français de l'agence européenne EPA. Il a été atteint la tête et a commencé à saigner avant d'être évacué vers un hôpital, a rapporté un photographe de l'AFP. Il s'agit de Lucas Mebrouk, âgé de 32 ans.

Des groupes de manifestants se sont formés à l'intersection de l'Avenue Bourguiba et celle de Paris dans le centre et ont commencé à jeter des pierres sur les policiers qui ont répliqué par des tirs de grenades lacrymogènes. Certains policiers, pris de panique, se sont repliés sur l'Avenue Bourguiba et les manifestants ont renvoyé les grenades encore fumantes dans leur direction.

17h40. L'opposant Hamma Hammami a été libéré. Le chef du Parti communiste des ouvriers de Tunisie (PCOT, interdit) avait été interpellé mercredi à son domicile, près de Tunis.

17h30. L'armée a pris le contrôle de l'aéroport international de Tunis Carthage en fin d'après-midi, alors que l'espace aérien a été fermé.

17h25. Sur son site, le ministère des Affaires étrangères conseille «vivement» aux personnes se rendant en Tunisie «de différer tout voyage qui n'aurait pas un caractère d'urgence».

17h05. L'état d'urgence est officiellement décrété dans tout le pays. avec un couvre-feu de 18h à 6h du matin, l'interdiction des rassemblements de plus de trois personnes sur la voie publique et l'autorisation donnée à l'armée et à la police de tirer sur tout «suspect» refusant d'obéir aux ordres.

17h. Heurts violents entre des groupes de manifestants et des policiers anti-émeutes à Tunis. Un photographe étranger a été blessé à la tête par un tir de gaz lacrymogène, selon des journalistes de l'AFP sur place.

16h30. Lu sur Twitter: «Nous voulons des élections présidentielles. Dehors Ben Ali!» (@ZorroXTN).

Ou encore: «Ben Ali, dégage aujourd'hui. On ne peut plus t'avoir pour les 6 prochains mois» (@Moufidtounsi).

16h15. Ben Ali annonce le limogeage du gouvernement et des législatives anticipées, dans six mois. C'est le Premier ministre Mohammed Ghannouchi qui l'a annoncé. Il a ajouté avoir été chargé de former le nouveau gouvernement.

16h10. Nawaat, site tunisien qui relaie la contestation depuis un mois, a mis en ligne des vidéos de manifestations à Sfax, Mahdia, Monastir, Sousse, etc (voir ici). Exemple à Bizerte, ville du littoral nord, proche de Tunis.

16h. Pour mémoire: rassemblement de soutien prévu samedi à Paris, place de la République à 14h. D'autres manifestations de soutien sont prévues à Toulouse, Marseille, Lyon, Bruxelles, Montréal, etc. Voir détails sur le site de la Fédération des Tunisiens pour une citoyenneté des deux rives.

15h45. Des blindés de l'armée se sont déployés vendredi devant le ministère de l'Intérieur. Des unités anti-émeutes pourchassent des jeunes manifestants dans les escaliers d'immeubles résidentiels et dans un centre commercial, où ils se sont repliés.

15h35. Des sources médicales indiquent que treize civils ont été tués par des tirs des forces de l'ordre jeudi soir à Tunis et dans sa banlieue. Soit après le discours de Ben Ali. A Kairouan, ce sont deux personnes qui ont été tuées par des tirs de police, pendant le discours cette fois.

15h30. A Tunis, la police tunisienne disperse à coups de grenades lacrymogènes les milliers de manifestants rassemblés.

Elle est intervenue lors d'une tentative de jonction d'un groupe important de manifestants avec l'essentiel des protestataires qui étaient massés devant le siège du ministère de l'Intérieur depuis plusieurs heures.

En quelques minutes, la rue s'est vidée de la foule et quelques manifestants ont lancé des pierres et des chaises et des parasols des terrasses de cafés en direction des policiers. L'atmosphère dans l'avenue Habib Bourguiba était irrespirable à cause des nombreux tirs de gaz lacrymogènes alors que des renforts de police arrivaient sur les lieux.

15h15. Des touristes rapatriés: le voyagiste Thomas Cook Belgique rapatriera ses 540 clients présents en Tunisie actuellement d'ici la fin de la journée. De même pour la filiale allemande, qui a recensé 2000 touristes en Tunisie. En revanche Thomas Cook France n'a «pour l'instant aucun plan de rapatriement prévu». Pas de rapatriements forcés non plus chez Jetair, qui n'annule pas ses départs, mais met en garde sa clientèle.

14h50. L'ambassadeur de Tunisie à l'Unesco présente sa démission. Mezri Haddad a présenté sa démission au président Ben Ali quelques jours, après l'avoir «supplié d'arrêter le bain de sang» contre les émeutiers dans son pays, dans une lettre dont l'AFP a eu copie à Paris.

12h15. Des manifestants réclament le départ du président Ben Ali, à Tunis et en province. A Tunis, ils sont des milliers, devant le ministère de l'Intérieur (voir quelques photos, postées sur Twitter. Voir aussi cette vidéo sur Nawaat.

«On tiendra jusqu'à la chute du régime», «Ben Ali dehors», «Ben Ali dégage», «on préfère la disette à Ben Ali» sont quelques uns des slogans vus ou entendus. Dans la foule compacte, se mêlent syndicalistes, avocats en robe, infirmiers en blouse, citoyens.

«Nous voulons des actes, pas des paroles», a réagi devant le ministère de l'Intérieur, Radia Nasraoui, avocate et militante des droits de l'Homme. Cette opposante de longue date était venue demander des éclaircissements sur le sort de son mari, Hamma Hammami, dirigeant du Parti des ouvriers communistes tunisiens (POCT), dont elle est sans nouvelle depuis son arrestation mercredi.

Autour d'elle, les manifestants criaient «ministère de l'Intérieur, ministère de la terreur» devant le bâtiment sombre qui symbolise dans l'esprit des Tunisiens, les arrestations arbitraires, la torture et les exactions.

Inimaginable encore hier, la police s'est tenue à l'écart des manifestants. Elle a tenté de bloquer la marche qui s'avançait en direction du siège du ministère de l'Intérieur avant de céder devant la pression de la foule.

Aucun incident n'a été signalé en dépit de l'absence de service d'ordre. Un manifestant qui a jeté une pierre sur le siège du ministère de l'Intérieur a été conspué par la foule.

11h45. Vu dans la presse tunisienne: «La Tunisie passe de la peine à la joie», titre Le Quotidien.

Le Temps fait figurer le discours de Ben Ali tout en haut de sa Une, discours qui «marque un tournant historique» selon le quotidien francophone. On peut également y voir des photos des manifestations pro-Ben Ali de jeudi soir (pdf ici).

11h30. Hormis Tunis, d'autres manifestations sont en cours à Sidi Bouzid, la ville d'où tout est parti le 17 décembre, à Kairouan ou encore à Gafsa. A Regueb, un sit-in de protestation a lieu pour la cinquième journée consécutive sur la Place 7 novembre, où des tentes ont été dressées.

11h15. Les réactions divergent sur le discours de Ben Ali. Si l'opposition politique a réagi plutôt positivement, d'autres militants semblent beaucoup plus sceptiques, à l'image de l'avocat et défenseur des droits de l'Homme, Mohamed Abbou. Le Président «se moque des Tunisiens avec des promesses sans lendemain», estime-t-il.

Illustration de ce scepticisme qui demeure chez nombre d'activistes, ces dessins du blogueur _z_. Le blog était censuré jusque là en Tunisie, il a été débloqué hier soir, juste après le discours de Ben Ali, indique _z_ à libération.fr.

Même écho sur la radio privée Mosaïque: «Il ne suffit pas de déverrouiller Dailymotion et de Youtube pour tourner la page, trop de sang a coulé», a lancé l'animateur d'une émission matinale.

10h30. Des manifestants ont commencé ce matin à parcourir le centre de Tunis en criant des slogans hostiles au président Zine El Abidine Ben Ali au lendemain d'un discours apaisant du chef de l'Etat après un mois d'émeutes sanglantes.

La foule des manifestants a commencé à gonfler pour atteindre plusieurs centaines. Elle a été bloquée par un barrage de police qui s'est vite formé au milieu de l'Avenue Bourguiba de manière à l'empêcher de marcher vers le siège du ministère de l'Intérieur.

10h15. Sur Europe 1, le ministre tunisien des Affaires étrangères, Kamel Morjane, a estimé que la formation d'un gouvernement d'union nationale était «tout à fait faisable» et «même normale». «Le président est un homme de parole», a ajouté Kamel Morjane, qui a confirmé qu'il y aurait des élections législatives anticipées.

Il a aussi demandé aux manifestants qui prévoient de défiler vendredi à Tunis de se comporter de façon «responsable, pacifique». Il a par ailleurs souligné que le président tunisien avait admis que les violences commises par la police à l'encontre des manifestants n'étaient pas acceptables: «C'est une faute à reconnaître, il l'a reconnu. Je pense que c'est ça qui est important».

Le point sur la soirée de jeudi. Tout de suite après le discours de Ben Ali, les sites YouTube et Dailymotion, interdits depuis longtemps en Tunisie, étaient de nouveau accessibles. Quelques minutes après le discours, des dizaines de manifestants ont défilé dans le centre de Tunis aux cris de «Ben Ali, Ben Ali!».

Ce matin, la présence des forces de sécurité, massivement déployées dans le centre de Tunis, était réduite. Des commerces et des cafés ont rouvert, la circulation automobile a repris. Quelques unités de la gendarmerie et de l'armée étaient postées autour des bâtiments officiels.

11-01-15 - Libération -- Aujourd’hui, on a pris la Bastille

15/01/2011 à 00h00

«Aujourd’hui, on a pris la Bastille»

REPORTAGE

A Tunis, sur l’avenue Bourguiba, vendredi, des milliers de personnes venues manifester pacifiquement ont affronté leur peur, les matraques et les tirs… avec la délivrance au bout.

Par LÉA-LISA WESTERHOFF De notre envoyée spéciale à Tunis

lest 18 h 40. Le portable de Cheker Besbes vibre. Un message s’affiche : «Félicitations, Ben Ali parti.» Il s’est refugié depuis trois heures dans un hôtel du centre, plein de journalistes, pour échapper aux matraques et aux gaz lacrymogènes. Son visage s’éclaire d’un coup. «C’est notre victoire ! J’ai participé aux manifestations qui ont renversé ce dictateur. La jeunesse, c’est la solution, voilà ce que ça veut dire», s’écrie ce jeune animateur de radio et étudiant en droit. D’autres portables se mettent à sonner. Les portes des chambres d’hôtel s’ouvrent. Les gens se prennent dans les bras. La «révolution des jasmins» a gagné. Dehors, c’est le silence. La rue est vide depuis le l’instauration du couvre feu, partir de 17 heures.

Nuage. Leila a encore du mal à y croire. Avec une centaine d’autres manifestants, elle s’est réfugiée là, dans l’urgence. Quelques minutes auparavant, dans le milieu de l’après- midi, l’assaut a été donné contre la foule qui entourait le ministère de l’Intérieur, un bâtiment-bunker de béton gris, le symbole de la repression, qui a fait au moins 80 morts depuis un mois. D’abord il y a eu les gaz lacrymogènes, des nuages jaunes brûlant les yeux et la gorge, qui se sont élevés au-dessus de l’avenue Bourguiba. Depuis 10 heures, des milliers de Tunisiens manifestaient paisiblement contre le régime. «Un convoi funéraire avec un jeune tué la veille par la police est passé et, après, on n’a rien compris : les gaz lacrymogènes, les tirs… J’ai juste eu le temps de courir et de me réfugier ici.» Leila a réussi à échapper aux coups. Son fiancé, par contre, a été frappé à la tête et transporté à l’hôpital.

«Ben Ali nous a dit hier soir [jeudi, ndlr] qu’on pouvait parler, désormais, qu’on avait la liberté d’expression. Et voilà : on n’a rien fait, on n’a rien cassé, on a juste voulu s’exprimer et ils nous ont tiré dessus», s’indigne la jeune fille. Dans le salon de l’hôtel où elle se trouve, les rideaux des fenêtres sont tirés, les gens chuchotent, l’air est suffocant, tout le monde a peur. De l’extérieur proviennent les sons de tirs et l’odeur des gaz lacrymogènes, auxquels répondent des jets de pierre et des slogans hurlés ici et là : «Voleurs ! assassins !» Et puis le bruit des matraques sur le verre brisé. D’une fenêtre, on peut voir des policiers faire sortir une trentaine de manifestants de leur refuge, dans un immeuble. Systématiquement, ils cognent sur la tête, sur les corps. Un jeune homme arrive en trombe dans l’hôtel, le visage rouge, essouflé. «Ils étaient beaucoup, on a essayé de s’enfuir, mais ils nous on attrapés et il nous ont frappés comme des chiens, j’ai mal partout, pourquoi ? » raconte-il en larmes. Comme la centaine d’autres manifestants, il s’installe dans un coin du salon et se met à suivre fiévreusement les informations tunisiennes à la télé. Des informations qui ne cessent d’évoluer toute l’après-midi. Il est question de morts par balles, les rumeurs les plus folles circulent.

Leila, de sa petite voix, continue à raconter. Malgré les coups, malgré la peur, pour rien au monde elle n’aurait raté cette marche du 14 janvier 2011. Elle était venue exprès avec son fiancé, dès 10 heures du matin, en bus depuis le quartier populaire où elle habite. Et ce malgré les réticences de ses parents. «C’était important, pour moi. Je voulais participer à cet élan lancé à Sidi Bouzid le 17 décembre par ce jeune diplômé chomeur qui s’était immolé par le feu. Il fallait qu’on prenne la relève. Je suis fière d’être Tunisienne et d’avoir été là», lance-t-elle. Comme beaucoup d’autres, c’ était sa première grande manifestation. Jamais elle n’avait pensé marcher un jour sur l’avenue Bourguiba jusqu’au ministère de l’Intérieur. «Après ce sacrifice, on ne pouvait plus se taire. Moi, j’ai mon diplôme de kinésithérapeuthe depuis quatre ans et je n’ai toujours pas de travail. Mon fiancé est ingénieur et il n’a pas de travail», insiste-t-elle.

Pour Amel, 42 ans, ce n’était pas la première marche, mais tout comme : «J’avais vécu les émeutes du pain, en 1984, mais ce qui se passe aujourd’hui, c’est inimaginable», raconte cette employée de banque. «Inimaginable», «historique» :les mêmes mots reviennent sans cesse dans la foule des manifestants.«Aujourd’hui, c’est notre révolution, c’est un peu comme si on prenait la Bastille : désormais, personne n’a plus peur de parler», confie Amer Dari, professseur de mathématiques. Au-dessus de sa tête, il brandit une pancarte «Ben Ali, dégage !» La foule scande «Ben Ali va-t-en», «Le pain et l’eau oui, mais Ben Ali non».

Amer entonne l’hymne national avec les milliers d’hommes, de femmes et d’ enfants qui l’entourent. «Depuis que je suis né, je n’ai quasiment connu que Ben Ali. J’en ai marre. Le peuple est intelligent, c’est pas une histoire de prix du pain, aujourd’hui, on veut être libre», lance un étudiant. A ses côtés, Mohamed connaît bien le ministère de l’Intérieur. Sous Bourguiba, en 1987, et sous Ben Ali, en 1992, il y a été incarcéré. «Les tortures ? dit il. Je connais. On vous met entre deux tables, et puis on vous met un balai dans le derrière, des cigarettes, aussi… le sang coule», raconte cet ex-prof d’arabe, interdit d’exercer depuis qu’il a été arrêté pour militantisme islamiste présumé. Plein d’espoir, il a répondu à l’appel de la grève pour célébrer le changement.

Libre. Avec sa fille, son fils et sa femme, il brandit une affiche sur laquelle sont collés tous les diplômes de sa famille : le bac de sa fille, son diplôme de prof. «Pour montrer à Ben Ali que nous ne sommes pas des terroristes . Je suis un simple citoyen et je demande le pain, la dignité et la liberté d’expression», explique-t-il. Il soulève son béret et me montre la cicatrice du coup de matraque qu’il a reçu la veille. Cinq points de suture. Il insiste : «Je suis enseignant, je dois manifester pour apprendre à mes élèves à vivre un jour libre. Moi-même le jour où je pourrais venir et crier haut et fort ce que je pense sur cette avenue, je serais heureux.»

11-01-15 - Libération -- Ben Ali, le règne de la répression

15/01/2011 à 00h00

Ben Ali, le règne de la répression

Portrait

Secret mais omniprésent, l’ex-président tunisien a toujours usé de la force.

Par CHRISTOPHE AYAD

Ben Ali, à Tunis, en 2008. (REUTERS)

Les Tunisiens le surnommaient «Benavie». Finalement, il a duré vingt-trois ans, sans dépasser le record de Bourguiba (trente et un ans au pouvoir), qu’il avait déposé le 7 novembre 1987 à la faveur d’un «coup d’Etat médical». On le croyait indéboulonnable, impitoyable, sans états d’âme. Il s’est dégonflé comme une baudruche face à la colère de sa rue. Cet homme secret, que l’on décrivait comme un animal à sang froid, n’a pas résisté. Il est arrivé au pouvoir comme Jaruzelski, il l’a quitté comme le Shah d’Iran.

De lui, les Tunisiens ne savaient presque rien. Cet homme, au culte de la personnalité omniprésent, était d’ailleurs plus une image qu’une voix. L’image du Président, déchirée ces derniers jours par les manifestants, est partout en Tunisie. On l’y voit avec un sourire figé, la main sur le cœur ou tapotant la joue d’un enfant. En costume sombre ou vêtu de la traditionnelle «jebba», les cheveux teints d’un noir corbeau, tout comme les sourcils, Ben Ali est aussi omniprésent que muet.

Son allocution de jeudi soir, prononcée en arabe dialectal, a été de ce point de vue une rareté : les Tunisiens l’ont découvert grincheux, revanchard, se plaignant d’être conspué dans la rue alors qu’il avait consacré sa vie au service du pays.

Porte-flingue de Bourguiba

Né en 1936 dans une famille modeste de la ville côtière de Hammam Sousse, Zine al-Abidine Ben Ali est le quatrième enfant d’une famille de onze. Sa chance est celle de toute une génération de jeunes hommes pauvres dans le monde arabe, qui a connu une ascension sociale éclair grâce à la carrière des armes : à l’instar de Nasser, Moubarak, Boumediene, Hafez al-Assad, Saddam Hussein ou encore Kadhafi. Au moment où la Tunisie devient indépendante, il est envoyé à Saint-Cyr, en France. Après un court passage par l’Ecole supérieure de renseignement aux Etats-Unis, il est affecté à la Sécurité militaire. Toute sa carrière se déroulera d’ailleurs dans le renseignement, ce qui donnera à Ben Ali un profil plus policier que militaire.

La Tunisie n’est pas l’Algérie et Bourguiba, l’un des rares chefs d’Etats arabes issus de la société civile, s’est toujours méfié des képis comme de la peste et tient les militaires à l’écart de la gestion du pays. En 1974, lors d’une éphémère union avec la Libye du bouillant colonel Kadhafi, qui suggère à Bourguiba de nommer Ben Ali à la tête des services de renseignements désormais communs aux deux pays. Quelques mois plus tard, l’union ayant échoué, le président tunisien s’empresse d’expédier Ben Ali au Maroc comme attaché militaire. Ben Ali gardera des liens privilégiés avec Kadhafi.

En 1978, confronté à des troubles sociaux, Bourguiba fait rappeler Ben Ali pour réprimer le mouvement syndical. Il sera pendant deux ans à la tête de la Sûreté générale, faisant tirer sur les manifestants et menant une campagne d’arrestations de masse. Une fois le calme revenu, il est à nouveau éloigné, avec le rang d’ambassadeur, en Pologne.

Les émeutes du pain de fin 1983, début 1984 entraînent son rappel. Il y met fin au prix de quelque 80 morts. Il entame une ascension fulgurante : secrétaire d’Etat à la Sûreté, ministre de l’Intérieur. Premier ministre en 1987, il assiste à la montée des islamistes. Bourguiba, de plus en plus prisonnier de son entourage, fait n’importe quoi : une vingtaine d’islamistes sont condamnés à la pendaison, le pays est au bord de l’explosion.

Un putsch et des promesses

Ben Ali n’a qu’à se baisser pour ramasser le pouvoir. A l’annonce de son putsch, il est acclamé par la population, islamistes compris. Il promet pluralisme et démocratisation. Les deux premières années, ses promesses sont tenues. La presse se libéralise, le «changement» est à l’ordre du jour. Mais rapidement vient la confrontation avec les islamistes. Il profite de la période entre l’invasion du Koweït et la guerre du Golfe, en janvier 1991, alors que l’opinion est mobilisée en faveur de Saddam Hussein, pour lancer une répression d’une ampleur inégalée, faisant emprisonner 20 000 à 30 000 membres d’Ennahda, le grand parti islamiste tunisien. L’ensemble de l’intelligentsia de gauche, effrayée par l’irrésistible montée en puissance du FIS en Algérie, se rallie et ne pipe mot. Mais la machine répressive, après avoir broyé les islamistes, s’en prend à toutes les autres forces politiques et associatives.

Sur le plan économique, le régime enregistre des succès. Il est le premier à signer un accord d’association avec l’UE, se lance dans un effort sans précédent pour mettre à niveau son économie. Les investisseurs européens apprécient ce pays calme, où la main-d’œuvre est bien formée et bon marché. Ben Ali se garantit le soutien de la classe moyenne en imposant au patronat une hausse régulière du salaire minimum. Le crédit à la consommation est favorisé. Un fonds aux relents paternalistes est créé pour développer les zones rurales. Le tourisme low-cost est développé à outrance.

Mais l’étouffement sans précédent des libertés, la censure de la presse et d’Internet prennent, à partir des années 2000, un tour insupportable dans un pays où le pouvoir pousse de plus en plus de jeunes à poursuivre leurs études jusqu’au bac et au-delà.

Un pays sous contrôle

Toute la population est surveillée, embrigadée. Le ministère de l’Intérieur emploie jusqu’à 100 000 personnes (1 Tunisien sur 100), le parti au pouvoir, le RCD, compte 1 million de membres (1 sur 10). Les critiques sur le manque de démocratie sont sans cesse repoussées au nom du soi-disant manque de maturité du peuple. Une logorrhée incompréhensible à la gloire du développement, des droits de l’homme et de la démocratie «apaisée» envahit la vie quotidienne des Tunisiens. Le «changement» et le chiffre 7 - faisant référence au coup d’Etat de novembre 1987 - font l’objet d’une propagande quasi incantatoire à coup de formules absconses. Le régime Ben Ali invente une «novlangue» orwellienne.

La crise économique européenne et la fin de l’accord multifibre mettent à mal le modèle. Surtout, Ben Ali fait sauter tous les verrous empêchant une «présidence à vie» qu’il avait promis de ne pas exercer en 1987. Malgré les rumeurs de cancer de la prostate, il fait sauter la limite du troisième mandat, se fait réélire à un quatrième puis un cinquième avec des scores dépassant les 90%. Enfin, l’avidité de la famille de sa seconde femme, Leila Trabelsi, et de ses gendres achèvent d’insupporter les Tunisiens ainsi que les businessmen, qui ne peuvent plus faire d’affaires sans se voir ponctionner ou carrément déposséder. Au point que les diplomates américains parlent dans leurs télégrammes, révélés par WikiLeaks, d’un Etat «quasi-mafieux». La débandade de ses proches semble avoir précipité la chute d’un tyran malade et isolé, otage consentant d’une mafia insatiable.


11-01-15 - Libération -- Ben Ali, sauve-qui-peut face au peuple

15/01/2011 à 00h00

Ben Ali, sauve-qui-peut face au peuple

Après un mois de manifestations, et au moins 80 morts, le dictateur a quitté le pays vendredi, mettant fin à vingt-trois ans d’oppression et de népotisme.

Par CHRISTOPHE AYAD

Vendredi à Tunis. (REUTERS)

Ben Ali a quitté tout à la fois le pouvoir et la Tunisie. Les Tunisiens l’ont appris vendredi en début de soirée à la télévision d’Etat par la bouche du Premier ministre Mohamed Ghannouchi, qui dans une déclaration laconique, a déclaré assurer l’intérim, au terme d’une journée complètement folle.

Le président tunisien, dont la dernière apparition remonte à jeudi soir, lorsqu’il s’était adressé à ses compatriotes à la télévision pour annoncer une série de réformes et surtout deux initiatives importantes : il ne se représenterait pas en 2014 et il avait demandé à la police de ne plus tirer à balles réelles sur les manifestants. On apprenait pourtant vendredi matin que 13 manifestants avaient été tués au cours de la nuit dans la seule capitale, selon des sources hospitalières citées par l’AFP. A Tunis et la banlieue chic de La Marsa, 17 autres morts sont venus s’ajouter hier, selon des sources médicales citées par l’opposition tunisienne à Paris.

Suicide politique. La grande manifestation appelée à Tunis vendredi et le mot d’ordre de grève générale lancée par la centrale syndicale unique, l’Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT), s’annonçait donc comme un test décisif après le coup de poker lancé la veille par Ben Ali. Mais rapidement, la manifestation, qui a stationné longuement devant le ministère de l’Intérieur, avenue Bourguiba, honni de la population, a dégénéré (lire page 4 le reportage de notre envoyée spéciale) et le film des événements s’est accéléré.

En fait, en laissant entendre qu’il ne se représenterait pas en 2014, le président Ben Ali a signé sa mort politique. La foule de Tunis, et dans le reste du pays, l’a bien compris, vendredi, en réclamant le départ immédiat de Ben Ali. Car le système politique que Ben Ali a lui-même instauré ne souffre pas un président potiche, ni le moindre partage du pouvoir comme l’avait suggéré le matin même sur Europe 1 le ministre des Affaires étrangères, le respecté Kamel Morjane, qui plaidait pour un gouvernement ouvert aux partis d’opposition. Geste irréfléchi d’un homme aux abois ? L’histoire tranchera les motivations de ce «suicide» politique. Elle dira aussi ce qui a forcé à partir un homme qui, le matin même semblait tenir solidement les rênes des trois piliers du régime : la police, l’armée et les milices du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), le parti quasi unique au pouvoir. Depuis jeudi, les manifestants s’en prenaient aux possessions de la famille de Ben Ali, détestée par la population pour son affairisme et son avidité sans limite. En outre, les manifestations se sont dangereusement rapprochées de Carthage, où des coups de feu ont été entendus à quelques centaines de mètres du palais présidentiel.

Aéroport fermé. Un incident, en tout cas, résume la panique qui s’est emparée de la famille au pouvoir. En début d’après-midi, plusieurs membres de la famille Trabelsi, le clan de la seconde épouse de Ben Ali, Leila, auraient voulu embarquer à l’aéroport de Carthage dans un vol pour Lyon. Les pilotes auraient refusé de les accepter à bord. Des passagers auraient arrêté les membres de la famille Trabelsi en fuite, obligeant le pouvoir à fermer l’aéroport et à envoyer d’importantes forces de police se dirigent vers l’aéroport pour les libérer. D’autres membres du clan auraient utilisé leurs yachts pour quitter le pays.

Certains d’entre eux auraient été arrêtés hier soir selon la télévision tunisienne. Ben Ali a embarqué dans un avion à la destination inconnue au moment où nous bouclons cette édition. Des sources à l’Elysée ont fait savoir que la présence de Ben Ali en France n’était «pas souhaitable». Leila Ben Ali, elle, se trouverait à Dubaï, depuis plusieurs jours, ainsi que Sakher el-Materi, le richissime gendre du Président, qui y est arrivé vendredi à midi.

En Tunisie, la situation était tout aussi incertaine vendredi soir. L’état d’urgence, décrété durant l’après-midi dans tout le pays, est resté en vigueur après l’annonce du départ de Ben Ali. Les rassemblements de plus de trois personnes sont interdits entre 18 heures et 6 heures du matin, l’armée a ordre de tirer sur les contrevenants. Les rues du centre de Tunis étaient vides vendredi soir où régnait l’expectative plus que les manifestations de joie.

Que va-t-il se passer maintenant? Le départ de Ben Ali signifie-t-il la fin de son régime. Ghannouchi va-t-il tout simplement continuer une fois le calme revenu ? Cela ne paraît pas possible tant le système est honni et discrédité après la mort de plus de 80 manifestants en une semaine. La situation de Ghannouchi est d’autant plus fragile que, constitutionnellement, c’est le président d’Assemblée qui est censé assurer l’intérim.

Deux heures avant son apparition surprise à la télé, Ghannouchi avait été limogé par Ben Ali ainsi que l’ensemble de ses ministres. Le communiqué officiel, qui annonçait aussi des législatives anticipées dans six mois, précisait que Ghannouchi était chargé de former un nouveau gouvernement. Ghannouchi est un technocrate respecté, peu suspecté de corruption, mais il a cautionné un système massivement rejeté par la population et occupe des fonctions dirigeantes dans RCD. En annonçant assurer l’intérim, il a appelé vendredi «les Tunisiens, toutes sensibilités politiques et régionales confondues, à faire preuve de patriotisme et d’unité». Il s’est engagé à respecter la Constitution. Tard vendredi soir, il a annoncé qu’il rencontrerait les responsables de partis, samedi, pour former un gouvernement.

EXIL. A Paris, l’ensemble des partis d’opposition tunisiens, légaux comme interdits, dont les islamistes d’Ennahda, a demandé dans une conférence de presse : l’instauration d’un gouvernement provisoire chargé d’organiser des élections libres et démocratiques dans les six mois; une amnistie générale et le retour des exilés; l’abrogation des lois liberticides et l’instauration d’une commission indépendante pour enquêter sur les assassinats et exactions. Moncef Marzouki, fondateur du Congrès pour la République (CPR), qui vit en exil à Paris, a annoncé son retour au pays lundi. Tout comme l’activiste des droits de l’homme Kamel Jendoubi. Ils retrouveront Hamma Hammami, le chef du Parti communiste ouvrier de Tunisie (PCOT), sorti vendredi des locaux du ministère de l’Intérieur où il était enfermé depuis mercredi.


11-01-15 - Le Monde -- Ben Ali et sa famille sont en Arabie saoudite

Tunisie : Ben Ali et sa famille sont en Arabie saoudite

LeMonde.fr avec AFP et Reuters | 15.01.11 | 08h15  •  Mis à jour le 15.01.11 | 12h08

L'ancien président tunisien Zine el Abidine Ben Ali et sa famille sont arrivés dans la nuit de vendredi en Arabie saoudite, où ils resteront pour une durée indéterminée. Interrogé sur Al Jazira, Mohamed Ghannouchi, nommé président tunisien par intérim, a dit que Ben Ali ne pourrait pas revenir dans son pays dans l'immédiat.

"Le royaume salue l'arrivée de Zine el Abidine ben Ali et de son épouse", est-il écrit dans un communiqué diffusé par l'agence officielle de presse saoudienne. Un responsable saoudien a déclaré à Reuters que l'ancien président tunisien se trouvait dans la ville portuaire de Djeddah.

PARIS N'A PAS SOUHAITÉ L'ACCUEILLIR

Selon une source officielle, la France n'a pas souhaité accueillir l'ancien président, expliquant cette position par le risque de mécontentement de la communauté tunisienne dans l'ex-puissance coloniale. Paris a néanmoins pris "acte de la transition constitutionnelle" en Tunisie et, selon des informations du "Monde", un avion en provenance de Tunisie s'est posé au Bourget vers 19 h 30 transportant une fille et une petite-fille de M. Ben Ali accompagnées d'une gouvernante.

Pour l'Arabie saoudite, la décision d'accueillir Ben Ali se fonde sur les "circonstances exceptionnelles" actuellement en vigueur en Tunisie. Le pays a déjà reçu par le passé des dirigeants déchus, comme l'ancien dictateur ougandais Idi Amin Dada, qui a passé les dernières années de sa vie à Djeddah.


11-01-15 - Le Figaro -- De la révolution du Jasmin à la chute de Ben Ali

De la révolution du Jasmin à la chute de Ben Ali

Par Marion Brunet
15/01/2011 | Mise à jour : 16:53

 CHRONOLOGIE - Lefigaro.fr retrace le fil des évènements en Tunisie depuis l'immolation d'un vendeur ambulant le 17 décembre à la fuite du président Ben Ali.

17 décembre : Mohamed Bouazizi, un vendeur ambulant de fruits et légumes de 26 ans, s'immole par le feu devant la préfecture de Sidi Bouzid - une ville de 40.000 habitants au centre du pays - après s'être fait confisquer sa marchandise par la police municipale. Diplômé et chômeur, comme de nombreux jeunes Tunisiens, le marchand devient un symbole dans la région, où des émeutes sociales éclatent. Mohamed Bouazizi passe plusieurs jours entre la vie et la mort.

22 décembre : Un autre jeune chômeur de Sidi Bouzid met fin à ses jours en s'électrocutant au contact de câbles de haute tension, après avoir escaladé un poteau électrique sur la voie publique, en criant qu'il ne voulait «plus de misère, plus de chômage». Fatiguée par le chômage, la cherté de la vie et le sentiment d'être laissée pour compte dans des régions défavorisées, la population descend dans la rue.

24 décembre : Des affrontements entre des manifestants et la police font un mort et plusieurs blessés à Menzel Bouzayane, une localité à 60 km de Sidi Bouzid, selon un responsable syndical.

27 décembre : un rassemblement se tient devant le siège de l'Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT) à Tunis, la capitale. Les manifestants sont violemment dispersés par les forces de l'ordre et plusieurs personnes légèrement blessées.

28 décembre : Le président tunisien Ben Ali prend la parole pour la première fois depuis le début des émeutes. Dans un discours adressé au peuple tunisien, il regrette les évènements et exprime sa compréhension de «la difficulté générée par la situation de chômage et son impact psychologique sur celui qui la subit». Il dénonce toutefois une «instrumentalisation politique».

» Des Tunisiens dans la rue contre le chômage

4 janvier : Le vendeur ambulant Mohamed Bouazizi décède en début de soirée. Le jeune Tunisien, qui est devenu le symbole de la contestation tunisienne, avait reçu la visite du président Ben Ali quelques jours plus tôt. Lors de son enterrement le lendemain, un cortège estimé à 5.000 personnes marche derrière son cercueil en criant vengeance jusqu'au cimetière de «Garaat Bennour», à 16 km de Sidi Bouzid.

» Tunisie : décès du jeune homme immolé par le feu

8-9 janvier : Des émeutes particulièrement violentes font 21 morts selon le gouvernement dans trois localités du centre-ouest du pays : Kasserine, Thala et Regueb. Une source syndicale évoque de son côté cinquante morts rien qu'à Kasserine.

10 janvier : Deuxième intervention de Ben Ali depuis le début des émeutes. Le président tunisien promet la création de 300.000 emplois d'ici à 2012 pour absorber le chômage des jeunes, tout en dénonçant des «actes terroristes impardonnables perpétrés par des voyous cagoulés». Le gouvernement annonce de son côté la fermeture «jusqu'à nouvel ordre» des écoles et des universités de tout le pays.

» Nouveaux heurts en Tunisie, Ben Ali promet des emplois

12 janvier : Le ministre de l'Intérieur tunisien est limogé. Son remplaçant décrète un couvre-feu nocturne dans la capitale et sa banlieue, alors que les troubles ont gagné Tunis. La veille, dans la cité d'Ettadhamoun, à 15 km du centre de la capitale, des heurts avaient notamment opposé durant deux heures des manifestants et des forces de l'ordre.

13 janvier : Nouvelle allocution télévisée de Ben Ali. Le chef de l'Etat tunisien s'engage à quitter le pouvoir en 2014, annonce l'arrêt des tirs contre les manifestants, la baisse du prix des produits de première nécessité et la levée de la censure sur les sites internet. Dès la fin de son discours, des milliers d'habitants de Tunis bravent le couvre-feu et envahissent le centre de la capitale et les grandes avenues des banlieues à Carthage et à Sidi Bou Saïd pour manifester leur joie.

» Ben Ali espère désamorcer la crise en Tunisie

14 janvier : Les manifestations se poursuivent dans le pays pour appeler au départ de Ben Ali. Tentant de détendre la situation, le président annonce la dissolution de son gouvernement et l'organisation d'élections législatives anticipées d'ici à six mois. Le premier ministre est chargé de constituer une nouvelle équipe gouvernementale avant la tenue des élections.

A Tunis, le rassemblement dégénère lorsque la police intervient à coups de grenades lacrymogènes pour disperser des manifestants. Le gouvernement impose un couvre-feu nocturne et autorise de nouveau l'armée à tirer sur tout «suspect» refusant d'obéir aux ordres.

En fin de journée, le premier ministre Mohammed Ghannouchi annonce qu'il va assurer l'intérim de la présidence car le chef de l'Etat «n'est temporairement pas en mesure d'exercer ses responsabilités». Ce dernier s'est enfui de Tunisie quelques heures plus tôt pour rejoindre la ville de Jeddah, en Arabie Saoudite.

» En fuite, Ben Ali se réfugie en Arabie Saoudite

15 janvier : Ben Ali est définitivement écarté du pouvoir en vertu d'une décision du Conseil constitutionnel déclarant une «vacance du pouvoir». Le Conseil proclame dans la foulée la nomination de Foued Mebezza, le responsable de la Chambre des députés au poste de président de la République à titre transitoire. Un intérim prévu pour durer maximum 60 jours, le temps d'organiser des élections législatives anticipées.

Par Marion Brunet

Commentaires (23) J'aime (2) Partager Classer

Nidhal StaaliMerci de ne plus appeler notre révolution "la révolution des jasmins".. C'est une révolution qui s'est faite avec beaucoup de sacrifices, de sang et de larmes..il y a encore des blessés qui en souffrent, des familles en deuil. La réduire ainsi à un stéréotype floral local ne fait que diminuer de son ampleur et de son impact sur le monde arabe et le monde tout court. Le jasmin est une fleur fragile, blanche, pure..Notre révolution s'est faite et continue à se faire avec beaucoup de douleur, de peur et de sang. Ceci sans oublier que "révolution des jasmins" est un terme qui a été utilisé par ben ali lors de son accès au pouvoir. Appelez la la révolution des tunisiens libres, la révolution de Bouazizi (le jeune homme qui s'est immolé par le feu et dont le sacrifice a tout déclenché), la révolution du 14 Janvier... mais s'il vous plaît arrêtez donc de l'affubler d'un raccourci journalistique qui minimise sa portée et laissez nous trouver le nom de notre révolution, déjà qu'on essaie de nous voler son sens, ne nous compliquez pas la tâche. Merci Nidhal STAALI

Le 17/01/2011 à 19:02 Alerter Répondre

victor005Mais non , après avoir tabassé la populace ils vont arracher les portaits du voleur pour se dédouaner et obtiendront si dieu le veut, une petite promotion dans le nouveau régime

Le 16/01/2011 à 22:15 Alerter Répondre

Mamadou Fall'le pouvoir appartient au peuple'

Le 16/01/2011 à 15:16 Alerter Répondre

jalmina mamud23 ans au pouvoir sans partage la france,les usa ces reactionaires poliques n`ont jamais leve les doigts pour dire rien a la souffrance du peuple tunisien. maintenant ils interviennent avec leur parole d`hypocrisie ils veulent ceux-ci ils veulent ceux-la pour le peuple. c`est domage pour eux ce peuple sait ce qu`il veut.

Le 16/01/2011 à 05:16 Alerter Répondre

jalmina mamudcoup dur et la honte pour les grands supporteurs des dictateurs occidentaux ils l`ont soutiennent et le maintiennent au pouvoir pendant longtemps sous pretexte ce dictateur combat les soi-disants terroristes. maintenant sur quel epaule ces opportunistes vont se reposer.

Le 16/01/2011 à 05:04 Alerter Répondre

Dude ManTout comme Francis Blanche, dans les Tontons Flingueurs, remarquait ce "besoin curieux chez les marins de faire des phrases", je remarque, moi, Dude Man, que les journalistes ont besoin de créer des noms de code ridicules pour les destitutions et autres coups d'état. Oeillets, Orange, et maintenant jasmin. Les manifestants tunisiens ont bu des tisanes?

Le 16/01/2011 à 00:03 Alerter Répondre

enseignementOù avez vous vu " une révolution de jasmin" A ma connaissance une révolution portant un nom de fleur ( révolution des oeillets par exemple) se fait sans aucune violence Ce n'est pas ce que l'on constate en tunisie, c'est le moins que l'on puisse dire. Ceci étant cette révolution était nécessaire pour chasser un dictateur. Au cours d'un voyage en tunisie un vendeur sur un marché nous a déclaré " le temps de l'abondance lorsque la France était présente est bien loin de plus nous vivons sousune dictature " tout est dit...

Le 15/01/2011 à 22:23 Alerter Répondre

CALLIOPEDes français au bord de la révolte (Jeanine MEILLER)? Au moment des soldes!

Le 15/01/2011 à 21:42 Alerter Répondre

guldurEt bien sur, il n'est nulle part fait la moindre mention du rôle joué par internet et wikileaks. Le figaro est l'archétype de la mauvaise foi faite journal.

Le 15/01/2011 à 21:22 Alerter Répondre

Pommier du ValJe ne crois absolument pas à une révolution. La situation insurectionnelle aurait pû être facilement mattée par la force. Si le président s'est enfuit, c'est certainement qu'il a dû être poussé dehors par ses "amis". C'est comme en 1789 en fait, le peuple gueule dans la rue, casse tout et croit faire une revolution. Mais en fait c'est un groupe d'hommes politiques influent qui profitent des troubles pour remplacer les personnes aux postes clef. Une révolution populaire, ça n'existe pas. Sinon, pourquoi ce terme "jasmin", ça sort d'où?

Le 15/01/2011 à 20:19 Alerter Répondre

victoire10Comme il y a eu la révolution des ''OEILLETS '' au Portugal , il y a eu la révolution de ''VELOURS '' Tchèque, c'est Václav Havel, qui avait mené les négociations avec les communistes, il fut élu Président de la République. Et le JASMIN (fleur préférée des tunisiens) symbolise ce mouvement du peuple tunisien sans arme. Espérons que la Tunisie réussisse cette démocratie désormais en marche . EN AVANT

Le 15/01/2011 à 21:24 Alerter Répondre


11-01-15 - Newsday -- Shops sacked, train station burned in Tunisia

Shops sacked, train station burned in Tunisia

Originally published: January 14, 2011 8:06 PM
Updated: January 15, 2011 4:40 AM
By
The Associated Press  BOUAZZA BEN BOUAZZA (Associated Press), ELAINE GANLEY (Associated Press)

Quick ReadEnd of curfew in Tunis reveals shops sacked, train station burned

Photo credit: AP | In this frame grab image taken from amateur video and acquired by APTN protesters are seen amid a burning vehicle in Douz, Tunisia, Wednesday Jan. 12, 2011. A witness in the central city of Douz said there were two deaths at a protest there Wednesday. Tear gas and stone-throwing youths reached the heart of Tunisia's once-calm capital Wednesday as rioters desperate for jobs defied their autocratic president in escalating unrest that poses his biggest challenge in 23 years in power. (AP Photo)

(AP) — The Tunisian capital's main train station has been burned to the ground, and shops have been sacked and looted in violence that came after the North African nation's president fled the country.

Tunisians have awoken following a tense night after their autocratic president was driven from power by violent protests over soaring unemployment and corruption. The end of a curfew revealed...

11-01-15 - Le Monde -- la journée qui a fait tomber Ben Ali

Tunisie : la journée qui a fait tomber Ben Ali

LEMONDE.FR avec AFP et Reuters | 14.01.11 | 11h36  •  Mis à jour le 15.01.11 | 07h38

Un mois de manifestations ont fini par faire vaciller vingt-trois ans d'un règne sans partage. Au terme d'une ultime journée d'émeutes particulièrement violentes à Tunis, le président tunisien Zine El-Abidine Ben Ali a fini par quitter le pays, vendredi 14 janvier. La radio privée tunisienne Nessma a annoncé dans la soirée l'arrestation de son gendre et d'autres membres de sa famille. (Revivez le déroulement de la journée heure par heure).

La destination de Ben Ali était toujours incertaine, vers 21 heures. Selon des informations du "Monde", un avion en provenance de Tunisie s'est posé au Bourget vers 19 h 30, transportant une fille et une petite-fille de M. Ben Ali accompagnées d'une gouvernante. Un second avion arrivant à vide a été invité à ne pas atterrir sur le sol national. Un troisième avion était également en route pour Paris. Au plus haut niveau de l'Etat français, on indique ne pas souhaiter la venue de M. Ben Ali en France.

Le ministère des affaires étrangères a assuré "n'avoir reçu aucune demande d'accueil" du président tunisien en fuite et examinerait toute éventuelle requête "en accord avec les autorités constitutionnelles tunisiennes".

Selon i-Télé, Nicolas Sarkozy aurait refusé au président tunisien  l'accès au sol français. Selon la chaîne de télévision Al Jazira, l'avion présidentiel, refoulé de la France, se dirigeait vers un pays du Golfe. La chaîne Al-Arabiya le donne en partance vers le Qatar.

Le premier ministre, Mohamed Ghannouchi, assure depuis vendredi l'intérim de la présidence avec le soutien de l'armée. "Conformément à l'article 56 de la Constitution, j'assume provisoirement à partir de cet instant la charge de président par intérim", a annoncé M. Ghannouchi à la télévision. Il s'est également engagé à respecter la Constitution et a appelé "les Tunisiens toutes sensibilités politiques et régionales confondues à faire preuve de patriotisme et d'unité".

L'agence officielle précisé, plus tard dans la soirée, qu'un décret signé par Zine El Abidine Ben Ali avant son départ le désigne président. Le recours à l'article 56 est contesté par des juristes qui relèvent qu'il se réfère à "un empêchement provisoire du président de la République", ce qui pourrait laisser supposer que M. Ben Ali n'a pas renoncé définitivement au pouvoir.

Le nouveau président a également annoncé qu'il "rencontrera [samedi] les représentants des partis politiques afin de former un gouvernement qui, je l'espère, répondra aux attentes."

Acculé par la pression de la rue, Ben Ali avait fini par promettre, jeudi soir à l'occasion de son troisième discours depuis le début des troubles, de quitter le pouvoir à l'issue de son mandat, en 2014. Insuffisant, pour ses opposants. Les manifestations hostiles au pouvoir ont pris de l'ampleur et ont dégénéré vendredi dans le centre de Tunis et dans plusieurs villes de province.

Alors que des blindés étaient déployés devant le ministère de l'intérieur, de violents heurts ont opposé des manifestants et des policiers anti-émeutes.

Les émeutes ont pris de l'ampleur, vendredi, à Tunis.AP/Hedi Ben Salem

L'envoyée spéciale du Monde a décrit des "scènes inimaginables il y a encore quelques jours". Les manifestations – qui ont rassemblé plusieurs milliers de personnes – se sont également déroulées à Sidi Bouzid, Regueb, Kairouan et Gafsa.

Le bilan des affrontements est incertain, mais plusieurs témoins, dont l'envoyée spéciale du Guardian, ont entendu des coups de feu dans les rues de la capitale et ont raconté avoir vu des policiers poursuivre des civils jusque sur le toit des immeubles. La situation semblait relativement calme à Tunis dans la soirée, mais des tirs d'armes automatiques ont été entendus. Jeudi soir, treize civils auraient été tués par des tirs des forces de l'ordre, à Tunis et dans sa banlieue, selon des sources médicales.

Plusieurs centaines d'émeutiers se sont également attaqués aux domiciles de la famille Trabelsi, du nom de Leïla Trabelsi, la femme du chef de l'Etat tunisien.

Le gouvernement a annoncé avoir décrété l'état d'urgence dans l'ensemble du pays avec un couvre-feu s'étirant de 17 heures à 7 heures du matin, l'interdiction des rassemblements sur la voie publique et l'autorisation donnée à l'armée et à la police de tirer sur tout "suspect" refusant d'obéir aux ordres.

Dans l'après-midi, Ben Ali avait annoncé le limogeage de son gouvernement et l'organisation d'élections législatives anticipées dans six mois, "dans le cadre de mesures [d'apaisement] annoncées jeudi".

L'armée a pris, en fin d'après-midi, le contrôle de l'aéroport international de Tunis-Carthage, et l'espace aérien a été officiellement fermé alors des milliers de touristes européens étaient rapatriés.

Aux alentours de 16 h 30, un important convoi officiel, composé d'une dizaine de véhicules aux vitres teintées, avait quitté en trombe le palais de Carthage, dans la banlieue nord de Tunis, en direction de l'aéroport international. Un peu plus tôt dans l'après-midi, deux avions Falcon blancs s'étaient envolés de ce même aéroport de Tunis-Carthage.

La compagnie Air France a annulé jusqu'à nouvel ordre tous ses vols à destination de Tunis ainsi que les sept vols prévus au départ de l'aéroport tunisien samedi et dimanche d'une capacité totale de quelque mille cent passagers.

Le ministère des affaires étrangères français, dans une actualisation vendredi de son site Internet, conseille désormais "vivement" aux personnes se rendant en Tunisie de "différer tout voyage qui n'aurait pas un caractère d'urgence" dans ce pays.

Refusant de "cautionner l'évolution de la situation", l'ambassadeur tunisien à l'Unesco, Mezri Haddad, a annoncé vendredi en début d'après-midi sa démission sur le plateau de BFMTV. Le Monde reproduit la lettre de démission qu'il a envoyée au président Ben Ali.


11-01-15 - Libération -- La révolution du Jasmin, de Sidi Bouzid à la fuite de Ben Ali

15/01/2011 à 10h05

La «révolution du Jasmin», de Sidi Bouzid à la fuite de Ben Ali

CHRONO + VIDEOS

Retour sur un mois de contestation, de l'immolation d'un jeune diplômé chômeur à la chute du régime de Ben Ali, après 23 ans de règne.

Par LIBÉRATION.FR

17 décembre. Mohamed Bouazizi s'immole par le feu devant la préfecture de Sidi Bouzid, ville de 40.000 habitants au centre du pays. Diplômé et chômeur, comme de nombreux jeunes Tunisiens (lire le décryptage), Mohamed Bouazizi vendait des fruits et légumes sur le marché, sans autorisation. Après la confiscation de sa marchandise par la police, il tente de plaider sa cause auprès des autorités. En vain.

«Dès la nouvelle [de son immolation] connue, plusieurs dizaines de commerçants et de jeunes se sont rassemblés pour un sit-in pacifique devant la préfecture, siège du gouverneur local auquel ils ont demandé une entrevue», écrit Libération le 21 décembre.

18 décembre. Jour de souk, la protestation prend de l'ampleur. Un sit-in pacifique est organisé devant la préfecture. La police disperse la manifestation à coups de gaz lacrymogènes et de matraques. Tout le week-end, de violents affrontements opposent forces de l'ordre et jeunes manifestants. Premières arrestations.

20 décembre. Manifestation de soutien à Meknassi. D'autres villes sont touchées par des troubles: Sidi Ali Ben Aoun, Menzel Bouzaiane, etc.

22 décembre. Un autre jeune chômeur se suicide à Sidi Bouzid. Houcine Neji a escaladé un pylône et s'est électrocuté avec les câbles électriques.

24 décembre. A Menzel Bouzayane, à 60 km de Sidi Bouzid, la police tire sur des manifestants. Bilan: deux morts.

25 et 26 décembre. Première manifestation de diplômés chômeurs à Tunis même.

28 décembre. Rassemblement de solidarité des avocats, deux d'entre eux sont arrêtés puis relâchés.

11-01-15 - Le Monde -- Au 3, rue Kemal-Atatürk, la joie et les craintes

Au 3, rue Kemal-Atatürk, la joie et les craintes

| 15.01.11 | 15h15  •  Mis à jour le 15.01.11 | 18h47

"Vous réalisez ? On va avoir un président qu'on aura élu, nous ?" Myriam Karoui, 37 ans, directrice de production à Nesma TV, n'en revient pas. Ce vendredi 14 janvier, "c'est la naissance de la jeune Tunisie", exulte Bilal Khefifi, 29 ans, ingénieur en informatique.

Au numéro 3 de la rue Kemal-Atatürk, tout près de l'avenue Bourguiba, une cinquantaine de manifestants se sont réfugiés dans un appartement du deuxième étage pour échapper aux gourdins des miliciens, lâchés hors de contrôle dans les rues de la capitale. La nouvelle de la fuite du président Zine El-Abidine Ben Ali, les "séquestrés" de la rue Atatürk l'ont apprise, vers 18 heures, par un SMS. Une clameur de joie a jailli des poitrines.

C'est la première révolution dans le monde arabe. Ici, en Tunisie. Oui, vraiment, Myriam, Bilal et les autres n'en reviennent pas. Pendant un court instant de liesse, chacun se congratule, applaudit. On sort un drapeau tunisien.

Mais, bien vite, l'angoisse revient : Ben Ali parti, reste la police - de sinistre réputation. En attendant que le pays retrouve ses esprits et se dote d'un vrai gouvernement, elle s'en donne à cœur joie. Les ratissages vengeurs ont commencé, mais impossible de s'échapper. Le couvre-feu interdit toute sortie.

Dans l'appartement, les deux pièces, la minuscule cuisine et même le cabinet de toilette sont remplis de monde. Chacun chuchote dans son téléphone portable. Les nouvelles vont vite. Elles sont mauvaises. Les pillages et les exactions se multiplient. Certains sont le fait de la police, alliée à la pègre. Les forces de sécurité n'ont plus de chef. Et l'armée, déployée à travers le pays mais soucieuse, avant tout, d'éviter de nouveaux bains de sang, semble incapable d'empêcher les dérives.

Parmi les réfugiés de la rue Atatürk, tous ont en mémoire les scènes d'horreur vécues quelques instants plus tôt dans la rue. Une jeune fille à genoux est giflée et battue sauvagement par trois policiers. Un jeune est traîné par les cheveux et frappé. D'autres sont violemment projetés contre des murs. Ils sont en sang, mais leurs bourreaux s'acharnent.

Dans le petit appartement, l'atmosphère est tendue. Nadia, 18 ans, pull gris et jean noir, sanglote, recroquevillée contre le mur. Certains craquent. Ils veulent quitter, coûte que coûte, cet abri devenu un piège. Mais le piège est partout. Derrière les rideaux tirés montent de la rue les hurlements de douleur. Et le bruit des portes qu'on défonce. Pour ceux qui restent, une longue nuit commence.

Le premier rassemblement de la journée ne laissait pas imaginer une suite aussi chaotique. Regroupés devant le siège de l'Union générale tunisienne du travail (UGTT), dès 9 heures le matin, les protestataires, quelques centaines, prennent ensuite le chemin de l'avenue Bourguiba. Ils sont rejoints au fil des heures, devant le ministère de l'intérieur, par des milliers de manifestants.

"Ben Ali, assassin !", "Vingt ans de dégâts, Ben Ali dégage-toi !", "Il faut juger les Trabelsi (la belle-famille du président, accusée d'avoir fait main basse sur l'économie du pays de l'Etat)", scande la foule, qui crie sa haine du chef de l'Etat et de son entourage. "Chaque famille en Tunisie a été volée, insultée, humiliée par cette racaille, enrage une étudiante de 26 ans. Ce que dit Ben Ali, on n'y croit plus : c'est la parole d'un voleur."

"Son gouvernement d'union nationale, c'est du rafistolage, s'énerve Lotfi Benmosbah, médecin, 51 ans. Parce qu'en Tunisie tant qu'il est là, c'est lui qui décide, pas le gouvernement, pas plus que le Parlement." Un peu plus loin, un employé de Tunis Air a les larmes aux yeux : "Descendre dans la rue, c'est notre dernière chance." "On n'a jamais demandé la baisse du prix du lait, on veut notre dignité, c'est tout", ajoute-t-il. Les ultimes concessions d'un régime aux abois n'ont pas convaincu.

Masseuses de hammam, avocats, aides-soignants, artistes, universitaires, employés, commerçants, ouvriers... On est venus seul, en bande ou en famille. Les femmes sont nombreuses. Grimpés sur les ficus, des jeunes brandissent le drapeau tunisien et chantent l'hymne national, martelant un couplet bien particulier : "Ne vivront pas en Tunisie ceux qui l'ont trahie." Les plus audacieux se sont accrochés aux grilles des fenêtres du ministère de l'intérieur. Sur les trottoirs, on siffle, on applaudit, on plaisante. Des poètes amateurs improvisent sur la fin de règne. "Un tel bonheur ! Je ne pensais pas que je connaîtrais ça dans ma vie", rit Dadoucha, pédiatre. Plus de tirs à balles réelles, pas un mort de plus, a promis le président.

Mais à 14 h 30, tout bascule. Des centaines, peut-être des milliers de jeunes surgissent soudain, à pied ou à Mobylette. Ils brandissent le portrait d'un jeune tué par la police la veille dans le grand Tunis, comme quinze autres personnes abattues ce jour-là. Aussitôt, la police charge et bombarde la foule de gaz lacrymogènes. C'est la panique. Par vagues, les manifestants se jettent en criant dans les rues adjacentes. Certains tentent de s'échapper en s'accrochant aux fenêtres, aux lampadaires. Beaucoup s'engouffrent dans des immeubles. Mais la police poursuit et traque sans relâche les fuyards, les contraignant à grimper les étages.

Rue Atatürk, le cinéaste Aladine Slim, dont l'appartement sert de bureau à sa société, Exit Production, n'a pas hésité à ouvrir sa porte. Les informations affluent grâce aux téléphones portables. Le premier ministre assume "provisoirement" la présidence ; des élections législatives seront organisées d'ici à six mois ; plusieurs villas des Trabelsi ont été mises à sac à Tunis et Hammamet ; on annonce même l'assassinat d'un des fils Trabelsi. Parmi les "séquestrés" de la rue Atatürk, certains entament des discussions passionnées, que les autres interrompent vite : la milice approche, il ne faut pas être repérés.

Plus rien ni personne ne protège les populations. Prévenu par téléphone de la situation, Etienne Chapon, diplomate de l'ambassade de France, n'hésite pas à se rendre sur les lieux pour tenter de négocier une sortie sans trop de casse. D'abord en vain. A 3 heures, il revient seul, n'écoutant que son courage.

La pègre a investi le quartier. Ils sont plus de cinquante, des bâtons ou des tiges de fer à la main, qui sèment la terreur dans les habitations alentour. Cette fois, ils sont massés devant le numéro 3 de la rue Atatürk. La police est avec eux. Il faut parlementer pour obtenir l'engagement de tous sortir en sécurité. Une fois dans la rue, la parole ne sera pas tenue et un terrible tri commence. Français d'un côté, Tunisiens de l'autre.

Les premiers sont entraînés vers l'ambassade de France. A l'aube, le sort du reste du groupe, une vingtaine de personnes, demeurait incertain. Dans la ville désertée, des milliers de chaussures abandonnées sur la chaussée étaient les seules traces de la formidable manifestation qui a fait tomber Ben Ali.

Isabelle Mandraud et Catherine Simon


11-02-05 - Libération -- Carthage, la chute

05/02/2011 à 00h00

Carthage, la chute

Tunisie, la révolution en trois actes

ACTE III. Le 14 janvier à 17 heures, Ben Ali quitte un palais à l’atmosphère crépusculaire et s’enfuit du pays. Récit des dernières heures du tyran et de son clan.

Par CHRISTOPHE AYAD Envoyé spécial à Tunis

La dernière fois que Riad ben Fadhel a vu Zine el-Abidine ben Ali, c’était vendredi 14 janvier, à 17 h 10 précisément. Cet ancien journaliste, visé par une tentative d’assassinat et blessé de deux balles par des inconnus suite à un article critique sur Ben Ali, rentrait chez lui à la fin d’une journée agitée. Au carrefour reliant la commune de Carthage, où se trouve le palais présidentiel, et la route de l’aéroport de Tunis, son véhicule a été stoppé pour laisser passer une quinzaine de 4 x 4 de luxe aux vitres teintées : Porsche Cayenne, Explorer, «toute l’armada».«Je me suis dit : tiens, c’est le Président ! J’ai regardé l’heure par réflexe. On ne savait pas ce qui se passait.»

Le cortège laisse à sa droite la fastueuse mosquée el-Abidine, file pied au plancher sur l’autoroute de Sousse, direction l’aéroport international de Tunis. Il entre dans la caserne de la Garde nationale pour rejoindre la base aérienne militaire jouxtant les pistes. Riad Ben Fadhel, qui dirige aujourd’hui une agence de communication, ne savait pas à ce moment-là que Ben Ali s’apprêtait à quitter la Tunisie pour l’Arabie Saoudite, perdant du même coup le pouvoir après vingt-trois ans de règne sans partage.

Mais le Président le savait-il lui-même ? «Je ne le jurerais pas, avoue une source très proche de l’ex-président et qui a ses habitudes au palais. Et si Ben Ali était allé accompagner sa femme Leila, son fils Mohamed et sa fille Halima pour les mettre en sécurité ?» L’homme qui pose la question a son idée sur la réponse mais il ne la formulera pas explicitement. Le récit qu’il fait de ce 14 janvier éclaire d’un autre jour la révolution tunisienne. Pour lui, jamais Ben Ali ne serait parti sans la rue. Mais jamais la rue n’aurait suffi à le faire partir. Parallèlement à la «révolution de jasmin» s’est déroulée une révolution de palais. Récit de cette journée des dupes.

Le matin, Ben Ali quitte sa résidence qui domine les hauts de Sidi Bou Saïd, entre 7 et 8 heures. C’est un soldat de sa garde qui l’assure. Il continue de surveiller la vaste villa entourée d’un haut mur blanc et décorée de tuiles vertes vernies. Le Président, qui l’a fait construire, y réside depuis dix ans. De là, on domine la mer et toute la capitale, même le palais de Carthage noyé dans les palmiers en bord de mer.

Des «supporters» de Ben Ali

La veille, Ben Ali a joué son va-tout dans un discours télévisé en arabe dialectal, où il a répété à plusieurs reprises «je vous ai compris». Visiblement désemparé, il promet que le sang ne coulera plus, laisse entendre qu’il ne se présentera pas à sa propre succession, en 2014, s’engage à des réformes politiques et à lutter contre la corruption. Aussitôt après, des «supporters» sortent l’applaudir dans les rues. Mais la manip fait long feu. La population voit l’aveu de faiblesse d’un homme qui n’a jamais supporté la moindre contradiction. Ce qu’elle veut, c’est qu’il parte. Tout de suite.

Pour ce discours, il a largement consulté, mais bien trop tard. Il est allé jusqu’à rappeler des conseillers de la première heure, tombés depuis en disgrâce. Rien, en effet, ne met fin à la contestation qui ne cesse de grandir depuis l’immolation par le feu, le 17 décembre, de Mohamed Bouazizi, le marchand ambulant de 26 ans, à Sidi Bouzid. Informé au bout de quelques jours, le Président aurait marmonné un «Qu’il crève». Mais les troubles persistent dans le centre du pays : le 28 décembre, il se résigne à se rendre au chevet de Bouazizi, dans le service des grands brûlés de l’hôpital de Ben Arous. Le 4 janvier, Bouazizi décède et les manifestations redoublent au niveau national. Le week-end suivant, le pays bascule dans le drame avec la tuerie d’une trentaine de personnes à Kasserine, Thala et Regueb.

Pendant toute la crise, Ben Ali semble coupé de la réalité du pays. Il réagit en retard, se trompe de problème. Le mardi 11 janvier, il promet 300 000 emplois quand les manifestants demandent déjà des libertés politiques. Il lui faut frapper un grand coup, reprendre la main. «Un émissaire est venu me voir, assure un ancien proche. Je lui ai fait dire : "Si tu es prêt à faire emprisonner ta belle-famille, tu as une chance de sauver ton poste." Il n’était pas satisfait de la réponse», conclut notre interlocuteur dont Ben Ali a pourtant repris quelques suggestions.

D’autres s’activent. Hakim al-Karoui, brillant banquier franco-tunisien et ancienne plume de Jean-Pierre Raffarin, est aperçu à Tunis. Des documents - dont la véracité est impossible à vérifier - circulent, attestant de ses conseils pour sauver Ben Ali. Aujourd’hui, Karoui, directeur à la banque Rothschild, conseille le Premier ministre de transition, Mohamed Ghannouchi, avec qui il a tissé des liens de longue date. Tout le monde conseille à Ben Ali de lâcher les Trabelsi, cette belle-famille envahissante devenue le symbole de tous les abus, de la corruption, de l’arbitraire, de la rapacité sans frein.

A la tête du clan de dix frères trône Leila Ben Ali, la seconde épouse du Président. Elle a progressivement circonvenu ses trois principaux conseillers : Abdelwahab Abdallah, qui gère la communication ; Abdelaziz ben Dhia, conseiller spécial ; et Iyadh el-Ouederni, directeur de cabinet et idéologue du régime. Ils lui obéissent autant qu’au Président.

Au palais, tout le monde s’agite

Ben Ali est malade, dit la rumeur. Il semble depuis un moment déconnecté des réalités. En décembre, il choque jusqu’à ses conseillers en allant accueillir à l’aéroport un champion de natation, de retour des championnats du monde en petit bassin à Dubaï. Au lendemain de l’immolation de Bouazizi…

Mais en ce vendredi 14 janvier, l’ambiance est crépusculaire. Abdallah a disparu. Depuis deux jours, Slim Chiboub, un gendre marié à Dorsaf, l’une des trois filles du premier mariage de Ben Ali, est parti en Libye. Leila, qui a multiplié les allers-retours à Dubaï, est rentrée au dernier moment. Une source fiable la voit au palais la veille au soir. Tout le monde s’agite, s’affole. En fait, l’homme fort est Ali Seriati, le chef de la sécurité présidentielle. C’est un Ben Ali bis, «plus dur et plus vicieux», résume un homme qui le connaît. C’est un militaire qui a fait carrière dans le renseignement, puis à la Sûreté générale, où il a été nommé par Abdallah Kallal, ministre de l’Intérieur au début des années 90, avant de présider la chambre haute du Parlement. La torture, la surveillance, le quadrillage du pays au quotidien, c’est lui. Le ministère de l’Intérieur est son royaume : il a porté ses effectifs à 120 000 hommes, trois fois plus que l’armée, a nommé des chefs de département qui lui doivent tout et lui obéissent au doigt et à l’œil.

C’est Seriati qui gère les événements, assurant au Président qu’il va reprendre les choses en main, que la crise est sous contrôle. A plusieurs reprises, ce dernier retarde le déploiement de l’armée, à la demande de son «sécurocrate». Lorsque Ben Ali convoque le chef d’état-major, Rachid Ammar, durant le week-end du 8-9 janvier, c’est déjà trop tard. Le militaire pose une condition : ses hommes ne tireront pas sur des civils désarmés. L’armée veut bien maintenir l’ordre, pas réprimer. Contrairement à ce qui a pu être écrit à ce moment-là, Rachid Ammar, nommé après un mystérieux accident d’hélicoptère qui a décapité l’état-major en 2002, n’est ni démis ni assigné à résidence. Proche de son ex-ministre de la Défense, Kamel Morjane, passé aux Affaires étrangères, le chef d’état-major n’aime guère les Trabelsi, qui draguent ouvertement les généraux depuis l’été dernier. Une bonne partie d’entre eux ont été invités à une fastueuse fête donnée par Belhassen Trabelsi, qui a réussi à faire nommer un de ses hommes au ministère de la Défense, Ridha Grira. Celui-ci a passé une décennie, lorsqu’il était en charge des terres domaniales, à faire déclassifier des terrains pour le compte des Trabelsi.

Face à la prudence du général Ammar, Seriati, lui, adopte une stratégie jusqu’au-boutiste. Il envoie des renforts à Thala et Kasserine. Ces nouvelles troupes, qui viennent s’intégrer aux Brigades d’ordre public (BOP) dirigées par Ali Ganzoui, un fidèle, n’hésitent pas à tirer à balles réelles. Elles comptent des snipers qui visent les manifestants à la tête depuis les toits d’immeuble. Plusieurs observateurs se demandent si Seriati n’a pas joué la carte du pire pour affaiblir un Ben Ali qu’il sentait perdu. «Il l’a poussé à la faute, en espérant ramasser la mise», confirme un proche. En dépit du cessez-le-feu, il y aura treize morts.

Le 14 janvier en fin de matinée, Seriati fait monter la tension au palais. Ses hommes se font de plus en plus menaçants envers les visiteurs. «Ben Ali est un poltron. Il a toujours eu maladivement peur», assure un ancien conseiller. Tout le monde se souvient de cette scène lors de l’enterrement de Hassan II, en juillet 1999 : Clinton et Chirac, venus assister aux funérailles, descendent de voiture pour approcher la foule, orpheline de son souverain. Le seul à ne pas quitter son véhicule est Ben Ali. «Vendredi, Ben Ali a perdu les pédales, raconte le conseiller. Seriati l’a affolé en lui racontant qu’il y avait 60 000 manifestants devant le ministère de l’Intérieur.» En fait, il y en avait dix fois moins.

Souricière à l’aéroport

Hors les murs, il se passe des choses étranges. Des équipes des forces spéciales sillonnent la ville à la recherche de membres de la famille Trabelsi. Leila donne le signal du départ à ses proches. Elles les appelle en les enjoignant de se rendre à l’aéroport pour embarquer sur des vols commerciaux à destination de Milan et Lyon. La rumeur de leur départ imminent se propage. Le jeune commandant de bord Kilani, en partance pour Satolas, refuse de décoller, pensant que des Trabelsi vont embarquer. Il s’évanouit peu après, ému de sa propre audace. En fait, c’est une souricière. L’un après l’autre, les Trabelsi arrivent au salon d’honneur présidentiel, où ils passent sous la garde d’hommes de Seriati. En tout, 35 personnes, femmes et enfants compris, dont Imed Trabelsi, pourtant donné pour mort dans les jours qui ont suivi la chute de Ben Ali. Seul Belhassen, le chef du clan, parti en bateau, échappe au piège. Il descend au port de Sidi Bou Saïd, demande de faire affréter son yacht, puis revient moins d’une heure plus tard à bord d’un 4x4 avec toute sa famille. Cap sur l’Italie, d’où il s’envolera pour le Canada, dont il est résident permanent. Localisé par la communauté tunisienne vivant sur place, il a été arrêté, plus exactement assigné à résidence dans l’hôtel de luxe où il se trouve avec sa famille. Ottawa a promis aux autorités tunisiennes de répondre à leur demande d’extradition. Sakhr al-Materi, mari de Nesrine, la fille préférée de Leila, décolle vers 14 heures, à bord de son propre Falcon. Il passe prendre sa femme à Eurodisney, avant de partir pour un pays du Golfe.

Le temps des militaires

En début d’après-midi, alors que l’ordre de disperser violemment la manifestation devant le ministère est donné, de mystérieuses équipes d’hommes très organisées attaquent les villas du clan Trabelsi, en particulier celle de Moez et celle de Slim Chiboub à Sidi Bou Saïd. «A ce moment-là, j’ai compris qu’un complot était en cours», assure une source bien informée. «C’était un feu vert, une manière de désigner la famille du Président à la vindicte. Ce que voulait Seriati, c’était envoyer Ben Ali en exil et reprendre le pouvoir en jetant en pâture les Trabelsi à l’opinion, résume le conseiller. Mais il a été doublé par Ammar, qui l’a cueilli à l’aéroport [décrété zone militaire pendant quelques heures] avec tous les Trabelsi.» Ils y sont toujours, en compagnie de Seriati, détenus à la caserne d’el-Aouina. En revanche, les trois filles du premier lit de Ben Ali sont épargnées, tout comme leurs époux restés au pays, à l’exception de Slim Chiboub parti en Libye.

Après le départ, le Premier ministre Mohamed Ghannouchi enregistre à la hâte et d’un ton peu rassuré un message télévisé où il annonce qu’il assure l’intérim. Le lendemain, Ben Ali l’appelle, il veut rentrer. Trop tard, lui répond Ghannouchi, qui avalise la vacance définitive. La stratégie du retour a échoué, celle du coup d’Etat dans la révolution aussi. L’armée a doublé Seriati. Plusieurs questions demeurent. Seriati a-t-il poussé Ben Ali de force dans le Boeing présidentiel qui l’a déposé en Arabie Saoudite avant de rentrer à Tunis ? Il semble bien que Ben Ali soit parti dans son avion personnel, piloté par son commandant de bord habituel, Cheikhrouhou. Pas en hélicoptère militaire via Malte ou dans un jet privé, comme cela a été écrit dans les heures qui ont suivi. Ou bien le bras droit est-il parvenu à persuader son patron de faire un tour, comme de Gaulle à Baden-Baden ? Ammar - et peut-être Morjane - étaient-ils informés par les Américains ? Ont-ils incité Ben Ali à partir, comme l’assurent leurs proches ? Morjane l’a démenti dans une interview au Figaro. Seul le procès de Ben Ali, de Seriati et les témoignages d’Ammar et Morjane permettront peut-être un jour de connaître les dessous de ce 14 janvier historique.


11-08-09 - Mediapart -- 'Ce qu’il s’est vraiment passé le 14 janvier à Tunis'

"Ce qu’il s’est vraiment passé le 14 janvier à Tunis" par Pierre Puchot

Pierre Puchot – Mediapart – Le 09/08/2011

Ce qu’il s’est vraiment passé le 14 janvier à Tunis

 

Six mois ont passé depuis ce jour mémorable où Zine El Abidine Ben Ali, président de la Tunisie depuis cinq mandats, quittait le pays, à la grande joie des Tunisiens d’abord incrédules. Deux versions officielles, très incomplètes et donc insatisfaisantes, ont été rendues publiques, et documentaient jusqu’à aujourd’hui les circonstances de la fuite du dictateur honni.

 

La première, par Ben Ali lui-même: dans un communiqué, l’ancien président expliquait au printemps qu’il était monté dans l’avion ce jour-là avec sa femme et ses enfants, car le chef de la sécurité présidentielle et de sa famille, Ali Seriati, lui avait promis qu’il pourrait revenir.

 

La seconde nous vient d’Ali Seriati en personne, lors de l’ouverture de son procès, le 26 juillet à Tunis. «Le 12 janvier, affirme-t-il, j’ai réalisé que Ben Ali allait tomber et qu’il allait en résulter un vide institutionnel.» Selon lui, le 14 janvier, il y aurait eu parachutage de forces de la police et de la garde nationale sur l’aéroport de Tunis-Carthage. «Vers 15 heures, Ben Ali m’a appelé dans son bureau et m’a demandé de faire préparer l’avion présidentiel pour un décollage à 18 heures en vue de transporter sa famille en Arabie saoudite où elle (serait restée) le temps que la situation se calme, et m’a ordonné de les accompagner dans ce voyage. Mais, à l’aéroport, Ben Ali change d’avis et décide de les accompagner lui-même, puis de retourner à Tunis le lendemain.» Arrêté le 14 janvier après la fuite de Ben Ali, Ali Seriati est jugé à Tunis aux côtés de vingt-deux proches du couple Ben Ali appréhendés à l’aéroport, dans un procès dont les audiences doivent reprendre mercredi. Accusé entre autres de complot contre la sûreté intérieure de l’État, il est poursuivi pour complicité de tentative de sortie illégale de devises.

 

Lors d’une conférence de presse donnée ce lundi 8 août 2011 à Tunis, le colonel Samir Tarhouni, chef de la Brigade anti-terrorisme de la police nationale (BAT, équivalent de notre RAID), a livré sa version de la prise d’otages qui a conduit, le 14 janvier, au départ de Ben Ali. Elle contredit totalement celle d’Ali Seriati.

 

Selon les informations recueillies par Mediapart, ce n’est qu’après avoir appris que Belhassen Trabelsi, en fuite au Canada, aurait décidé de les faire assassiner, lui et sa famille, que le colonel a pris la décision d’organiser cette conférence de presse.

 

Mediapart publie aujourd’hui tous les détails de cette journée du 14 janvier, vue par le colonel Samir Tarhouni, mais aussi par ses hommes, ainsi que plusieurs autres témoins présents ce jour-là. Les images publiées en exclusivité par Mediapart sont issues de la vidéo prise durant l’après-midi et le début de la soirée du 14 janvier par un des agents de la BAT. Elles prouvent à elles seules que la version officielle, qui voudrait que les Trabelsi aient été arrêtés par l’armée après le départ de Ben Ali, la nuit du 14 janvier, est erronée.

 

À titre indicatif, et pour comprendre le récit qui suit, le lecteur doit savoir que la sécurité nationale tunisienne est composée de quatre unités spéciales, dont la Brigade anti-terroriste de la Police nationale et l’Unité spéciale de la garde nationale (équivalent du GIGN français). Ces deux unités sont celles qui ont accompagné Ben Ali le 7 novembre 1987, lors de son coup d’Etat. Demeurée dans l’ombre depuis, la BAT tunisienne n’intervient que très rarement, dans le cadre de missions particulièrement périlleuses.

 

Une question, de taille, demeure toutefois comme la grande énigme de ce 14 janvier : quel fut le rôle de Rachid Ammar, ancien chef de l’armée de terre, placé en toute discrétion à la tête de l’armée à la mi-avril, et que beaucoup de Tunisiens considèrent comme le principal dirigeant du pays depuis la chute de Ben Ali ?

D’après le colonel Samir Tarhouni, ainsi que les témoignages recueillis par Mediapart, voici le récit de la fuite de Ben Ali et de sa famille, qui a fait basculer la Tunisie, et entraîné le monde arabe dans un mouvement révolutionnaire qui n’a pas encore trouvé son terme.

 

La famille Trabelsi/Ben Ali en partance pour Lyon…

Ce vendredi 14 janvier, 28 membres de la famille Trabelsi, proches de Leila Trabelsi, la femme du président Ben Ali, se retrouvent au Palais de Carthage. Pendant que des milliers de Tunisiens manifestent devant le ministère de l’intérieur, d’autres s’en prennent aux villas occupées jusque-là par les membres de la «famille». Leur sécurité n’étant plus assurée, le chef de la sécurité présidentielle, Ali Seriati, entreprend de leur faire quitter le pays. Les 28 membres de la famille Trabelsi regroupés au Palais de Carthage se préparent dès alors à prendre le premier vol pour Lyon, programmé à 15h. Parmi eux, seul Belhassen Trabelsi (frère de Leila Ben Ali, aujourd’hui encore en fuite au Canada) décide au dernier moment de fuir par bateau, laissant sa place dans l’avion à la sœur de sa femme, Dadou Djilani Trabelsi, mariée à Sofiane Ben Ali, neveu du président.

 

En fin de matinée, devant le ministère de l’intérieur, avenue Bourguiba à Tunis, la foule se fait de plus en plus nombreuse. Peu avant 13h, le capitaine de la BAT présent devant le ministère, en contact constant par téléphone avec le colonel Samir Tarhouni, reçoit l’ordre de protéger les manifestants civils en cas d’attaque armée, et le ministère du mieux qu’il le puisse, mais sans jamais faire usage de balles réelles. Vers 13h30, le capitaine décide de déployer ses hommes sur le toit du bâtiment. C’est à ce moment que des hauts cadres du ministère, toujours enfermés dans le bâtiment, et dont Mediapart n’a pas pu obtenir l’identité, intiment l’ordre au capitaine de tirer sur la foule. Le capitaine appelle son colonel, au QG de la BAT à Tunis. Celui-ci ordonne à son capitaine de ne pas faire feu, et de vider toutes les balles des chargeurs de ses hommes.

 

Au même moment, la caserne de la direction générale des unités d’interventions – dont la BAT, à Bouchoucha – est en état d’alerte. Non seulement la maison d’arrêt de Bouchoucha, située non loin de la caserne, abrite des criminels de droit commun, mais encore la caserne elle-même renferme une grande quantité d’armes à feu. Les commissariats du quartier voisin viennent d’être incendiés. Si les manifestants arrivent aux portes de la caserne, il n’y aura que deux choix possibles: tirer sur des civils, ou les laisser s’emparer des armes et de la prison.

 

Dans son quartier général, le colonel Samir Tarhouni regroupe les trois officiers restants dans son bureau. Par talkie-walkie, ils entendent une alerte faisant état de groupes se rapprochant de l’aéroport Tunis-Carthage. Le colonel décide alors d’appeler un ancien collègue détaché à l’aéroport, pour se faire confirmer cette information. Celui-ci la dément, mais lui annonce que des membres de la famille Trabelsi et Ben Ali s’apprêtent à prendre des vacances en Europe. Le colonel lui ordonne de les arrêter. Son interlocuteur lui répond qu’il est dans l’incapacité de le faire, Ben Ali est encore président de la Tunisie.

 

Le colonel se tourne vers ses officiers: « Le pays est à feu et à sang, les manifestants s’approchent de la caserne de Bouchoucha, des ordres ont été donnés à un de nos capitaines de tirer sur des civils devant le ministère de l’intérieur, et pendant ce temps, ce chien de Ben Ali s’occupe d’envoyer sa famille en vacances. C’est le moment où jamais de faire ce que nous devons à notre pays: allons leur demander des comptes.» Sur les trois officiers, un seul accepte d’agir sans ordres et d’aller capturer les Trabelsi.

 

À 14h25, un premier groupe de douze hommes, le colonel Samir Tarhouni et un de ses capitaines à leur tête, quittent Bouchoucha, pour l’aéroport de Tunis-Carthage. Sur la route, le colonel appelle sa femme, détachée à la tour de contrôle de l’aéroport. Il lui demande de bloquer tous les appareils sur le tarmac. Elle hésite, puis lui répond qu’elle ne peut les retarder que de 15 minutes…

 

Imed Trabelsi arrive par le parking…

À 14h35, le groupe de la BAT est reçu par les agents de police de l’aéroport, très étonnés de sa présence. À la question du colonel, qui leur demandait où se trouvaient les Trabelsi, le directeur de la sûreté de l’aéroport, Zouheir Bayéti, répond qu’ils sont dans le salon d’honneur, qu’ils s’apprêtent à quitter pour monter à bord de l’avion. Le colonel et ses hommes courent pour les rattraper. Ils aperçoivent un groupe de civils, hommes, femmes et enfants, assis dans un bus. Un homme s’apprête à monter, puis tente de fuir en voyant le groupe de la BAT fondre sur lui. Il s’agit de Sofiane Ben Ali. Sans trace des autres Trabelsi dans le salon, le colonel appelle la tour de contrôle, qui lui indique la piste de l’avion sur le tarmac. Le colonel menace alors le chauffeur du bus, et lui ordonne de les conduire sur la piste, sous le regard inquiet des passagers et Sofiane Ben Ali, assis à l’avant du bus, menottes aux poignets.

Une fois sur le tarmac, les hommes de la BAT se déploient. Chaque appareil a été immobilisé par un agent, arme à la main, viseur laser du fusil braqué sur le cockpit de chaque appareil. Les avions dont les réacteurs étaient en marche sont vidés de leurs passagers. Le commandant Kilani, chargé assurer la liaison Tunis-Lyon, fait un malaise, sitôt redescendu sur le tarmac.

 

À 14h45, le colonel Tarhouni et son capitaine remontent dans le bus, inquiets de devoir subir les foudres de Ben Ali : ils ont pris le contrôle de l’aéroport sans ordres, et ne disposent comme monnaie d’échange que du seul Sofiane Ben Ali… dont ils ne sont même pas certains qu’il soit apparenté au président. Zouheir Bayéti, le chef de la sécurité de l’aéroport, les rejoint, et leur demande le motif de leur intervention. «Zouheir, répond le colonel, ne joue pas avec le feu et dis-moi où sont les Trabelsi!»  «Moncef Trabelsi est en haut, lui répond Bayéti. Dans mon bureau… » Plusieurs hommes de la BAT se précipitent et trouvent Moncef Trabelsi caché sous le bureau, une arme à la main. Menaçant le chef de la sécurité de l’aéroport, le colonel exige de savoir où se trouvent les autres Trabelsi. Bayéti lui répond:  «Mais ils sont là, avec toi… dans le bus.»

 

Presque soulagé, le colonel leur confisque poliment leurs passeports et leurs téléphones et décide de les faire entrer dans le salon. À ce moment, le téléphone de Bayéti sonne: c’est Imed Trabelsi, neveu de Leila Trabelsi, impliqué notamment dans la célèbre affaire du vol des yachts. Tarhouni prie Bayéti de le rassurer et lui demande de se rendre discrètement au salon d’honneur. Accompagné de sa secrétaire particulière, Imed arrive par le parking qui fait face au salon. Il est accueilli par le capitaine de la BAT, qui le conduit au salon avec les membres de sa famille. Dix minutes plus tard, un second groupe d’une quinzaine de membres de la BAT rejoint le premier groupe à l’aéroport, pour poursuivre ce qui est devenu une prise d’otages de la famille présidentielle.

 

 

Ali Seriati, chef de la sécurité présidentielle et de sa famille, appelle Zouheir Bayéti, chef de la sécurité de l’aéroport, et lui demande ce qui se passe, aucun des Trabelsi ne répondant au téléphone. Pensant que cette mission était réellement placée sous son autorité, Zouheir Bayéti répond tout sourire: «C’est bon, nous les avons tous neutralisés.» «Neutralisés qui?! », hurle Seriati. Bayéti se rend compte qu’il a été trompé, et tend le téléphone au colonel Tarhouni. «Ne vous inquiétez pas mon général, nous prenons bien soin d’eux, ils ne sont pas maltraités», souffle le colonel, avant de raccrocher au nez de Seriati. Ce dernier rappelle directement le colonel Samir Tarhouni pour lui demander d’où vient l’ordre. «Les ordres viennent de tout en haut», lui répond Tarhouni, avant de raccrocher une nouvelle fois. Sans confier quoi que ce soit, ni au président, ni à sa femme, Ali Seriati tente de joindre, en vain, tous les directeurs hiérarchiques de Samir Tarhouni, pour comprendre d’où proviennent ces fameuses directives.

 

«Monsieur le président, je suis désormais dans l’incapacité de garantir votre sécurité…»

Ali Seriati décide enfin de regrouper ses unités d’interventions (le GIPP, groupe d’intervention et de protection de personnalités) : «Les tigres noirs de la BAT nous ont trahis, ils ont établi un pacte avec les intégristes et s’en prennent à la famille présidentielle, que peut-on imaginer comme intervention de sauvetage?» Sur 70 hommes, 50 rendent les armes et répondent en substance : «Nous ne pouvons rien faire contre la BAT, et encore moins pour les Trabelsi.» Ali Seriati se tourne alors vers l’unité spéciale de la garde nationale en renfort au palais présidentiel.

Aux alentours de 15h30, le colonel Samir Tarhouni décide de rendre leurs téléphones aux otages, pour que la nouvelle de leur séquestration se répande. Au Palais de Carthage, Leila Trabelsi est prise de panique. Ali Seriati n’a tenu au courant ni le président, ni sa femme, alors qu’il est très officiellement chargé de la sécurité du président ainsi que de sa famille. La femme du président décide dès cet instant de plier bagage, pour quitter le pays avec ses enfants.

À l’aéroport militaire de l’Aouina (situé entre Tunis centre et l’aéroport de Tunis-Carthage, et qui partage le même tarmac que l’aéroport civil), Oscar-Oscar, nom de code de l’avion présidentiel, est préparé pour le décollage. Des unités de l’armée s’interposent entre l’aéroport civil, dont la BAT a pris le contrôle, et l’aéroport militaire, où s’apprêtent à s’envoler Leila, Mohamed (fils de Ben Ali), Halima (fille de Ben Ali) et Mehdi ben Gaied (fiancé de Halima). Des instructions ont été données pour empêcher des «agents corrompus de la police» de nuire, qui «tentent de semer le désordre et menacent la sécurité nationale ainsi que celle du président».

 

Vers 16h, le colonel Tarhouni perçoit une certaine agitation au niveau de l’aéroport militaire, et demande à ses hommes de se tenir prêts au combat. Il joint par téléphone le colonel de l’Unité spéciale de la garde nationale (USGN), qui se trouvait au Palais de Carthage, ainsi que le colonel de la Brigade nationale d’intervention rapide (une unité d’intervention de la police): «Nous avons arrêté les Trabelsi, nous agissons sur ordre, nous avons besoin de votre aide.» Cinquante hommes de l’unité spéciale de la garde nationale sont dépêchés vers l’aéroport de Tunis-Carthage afin de rejoindre la brigade anti-terroriste. Une fois arrivé sur les lieux, le colonel de l’USGN, comprenant que le colonel Samir Tarhouni n’a pas agi sur ordre, l’assure tout de même de son soutien.

 

Au même moment, Ali Seriati arrive à l’aéroport militaire de l’Aouina avec le président Ben Ali, sa femme et son fils Mohamed. Ils y attendent l’arrivée de Halima et Mehdi Ben Gaied. Ben Ali est alors censé accompagner sa famille à l’aéroport, mais n’a pas l’intention de quitter la Tunisie. Ali Seriati est informé de son côté que l’USGN, qui était chargée de défendre le Palais de Carthage, a en fait pris position avec la BAT. Sans autre moyen d’action, Ali Seriati est obligé de tout dire à son président: « Monsieur le président, je suis désormais dans l’incapacité de garantir votre sécurité, et je vous suggère de quitter le pays avec votre famille, le temps que nous trouvions une solution en Tunisie.»

Il est 17h40: à l’arrivée de sa fille Halima, Ben Ali ne sait plus que penser de son homme de confiance, Ali Seriati, qui lui a caché toute l’affaire avant de tout lui révéler d’un bloc. Ses enfants le suppliant de monter dans l’avion avec eux, il décide de monter à bord, mais demande à Seriati d’attendre à l’aéroport militaire sa sœur et sa famille, qui, croit-il, doivent arriver d’un moment à l’autre, et qu’un Hercule C-130 militaire doit accompagner à Djerba, loin de la capitale. Ali Seriati retourne à l’aéroport pour les attendre.

 

« Qui souhaitez-vous mettre à la tête de votre coup d’Etat, colonel ? »

À 17h47, Oscar-Oscar décolle avec, à son bord, Ben Ali, sa femme, son fils Mohamed, sa fille Halima et son fiancé Mehdi Ben Gaied. C’est ce moment que Ben Ali choisit pour appeler Ridha Grira, le nouveau ministre de la défense, auquel il ordonne l’arrestation immédiate d’Ali Seriati par l’armée, le temps pour lui «d’accompagner sa famille et de revenir pour comprendre ce qu’il se passe».

 

Après le départ de Ben Ali, en application de l’article 56 de la Constitution, le premier ministre Mohamed Ghannouchi appelle le colonel Samir Tarhouni et lui demande : «Qui souhaitez-vous mettre à la tête de votre coup d’Etat, colonel?» «Personne, proteste Tarhouni. Je n’ai fait qu’appliquer mon devoir, d’après l’article 56 que vous venez de faire appliquer à la suite de votre intervention télévisée, c’est vous mon président.» « En ce cas, relâchez la famille Trabelsi.» «Avec tous les respects que je vous dois, ce groupe d’individus est la cause de tous nos malheurs, je ne les remettrai qu’à l’armée, et la télévision nationale en sera témoin.»

 

La télévision tunisienne est arrivée à l’aéroport aux alentours de 19h. Un bus de l’armée, vers 19h30.

Prise de vue satellite de l’aéroport

Prise d’otage

Imed Trabelsi

Samir Tarhouni

Samir Tarhouni

Arrivée de la Télé Nationale

 

Source : http://www.mediapart.fr/article/offert/d6849f45bb6ca2de8b06de4f272e9d85


12-01-25 – Jeune Afrique -- Tunisie la véritable histoire du 14 janvier 2011

Tunisie : la véritable histoire du 14 janvier 2011

25/01/2012 à 18:10 Par Abdelaziz Barrouhi, à Tunis


Sur la base de plusieurs auditions et témoignages d'acteurs directs, J.A. a pu reconstituer la chronologie de la fuite de l'ancien dictateur tunisien Ben Ali et des siens.

Un an après la fuite précipitée de l'ex-président Zine el-­Abidine Ben Ali, il paraît de plus en plus incontestable que c'est le peuple tunisien qui l'a poussé dehors. Mais cette journée mémorable du 14 janvier 2011 n'a pas encore révélé tous ses secrets. Au fur et à mesure que les témoins s'expriment, des morceaux de vérité surgissent, mais aussi des soupçons de complot et de désinformation, une amnésie souvent feinte, des contradictions, ou tout simplement des faits qui prouvent que les concours de circonstances ont eux aussi joué un rôle. S'appuyant sur plus d'une vingtaine d'auditions d'anciens responsables et à la lumière d'une enquête auprès de plusieurs acteurs directs, Jeune Afrique reconstitue ici les temps forts de cette journée clé qui fit basculer la Tunisie, marquant le début du Printemps arabe.

Tout a commencé par une coïncidence anecdotique. Le 17 décembre 2010, au moment où Mohamed Bouazizi, un marchand ambulant, s'immolait par le feu dans la ville rurale de Sidi Bouzid (centre de la Tunisie) et déclenchait le mouvement de contestation, Ben Ali et son épouse, Leïla Trabelsi, ainsi que leurs enfants s'apprêtaient à embarquer à bord de l'avion présidentiel pour aller passer les vacances de fin d'année en Malaisie. Ben Ali avait promis à son fils Mohamed, alors âgé de 6 ans, de l'y emmener. Mais à la dernière minute, le voyage est reporté de quelques jours. Non pas à la suite de l'acte tragique de Bouazizi, mais parce que Leïla ne s'était pas encore remise d'une opération de chirurgie esthétique pratiquée dans la clinique aménagée au sein même du palais présidentiel de Sidi Dhrif, à Sidi Bou Saïd. La Malaisie étant trop lointaine pour un retour en cas d'urgence, c'est vers Dubaï, l'une des destinations préférées des Trabelsi, à cinq heures de vol de Tunis, que l'avion présidentiel, un Airbus A340, acquis en 2009 pour 300 millions de dollars payés par l'État, s'envole, le 23 décembre. La situation sécuritaire allant en s'aggravant, le séjour est écourté de vingt-quatre heures. De retour le 28 décembre, Ben Ali, mécontent qu'on ait ainsi gâché les vacances de son fils, prononce ce jour-là le premier des deux discours musclés qui vont attiser un peu plus la révolte. Laquelle gronde dans le centre et le sud du pays, avant de s'étendre ensuite au nord, pour finalement le « balayer », le 14 janvier.

9-10 janvier. À la première réunion de coordination entre les hauts responsables des forces de l'ordre de l'intérieur (police et garde nationale) et de l'armée, le général Ali Seriati (en photo ci-dessous. Crédit : AFP), chef de la sécurité présidentielle depuis onze ans, joue le rôle central que lui confère sa proximité avec le chef de l'État. Le général Rachid Ammar, chef d'état-major de l'armée de terre, prend dès le lendemain des dispositions pour éviter la confusion des rôles entre les opérations de maintien de l'ordre dévolues au ministère de l'Intérieur et la protection des institutions de l'État et des édifices publics, qui revient à l'armée. Se fondant sur les règles traditionnelles de l'armée républicaine, il adresse, le 10 janvier, un « télégramme administratif » aux unités militaires pour leur signifier « l'interdiction de l'usage des armes à feu, sauf accord direct du commandement ». Une copie est adressée à Ben Ali. Ammar prend ainsi les devants. « Je n'ai pas reçu l'ordre de tirer pour que j'aie à dire non », déclarera-t-il.

12 janvier. Ben Ali à Seriati : « J'ai reçu des informations émanant de soi-disant services spéciaux britanniques selon lesquelles il y aurait une taupe au sein de la présidence, sans identification et sans indication de sa fonction. » Seriati soutiendra que l'enquête aussitôt engagée au sein de la sécurité présidentielle n'a rien donné. C'était probablement une intox, comme il y en aura bien d'autres dans les cercles du pouvoir pendant les jours qui suivront.

13 janvier. La révolte ayant atteint les faubourgs de la capitale, Seriati discute avec Ben Ali de la situation sécuritaire : « Je l'ai informé que la situation était délicate et que les forces de sécurité n'étaient plus en mesure de la contrôler. » Vers 19 heures, Ben Ali prévient Seriati que « Belhassen Trabelsi [le frère de Leïla, NDLR] signale une tentative d'attaque contre son domicile du côté de La Soukra par des individus non identifiés ». Seriati envoie une patrouille sur les lieux, laquelle n'y trouve personne. Ben Ali : « Renforcez la protection des domiciles des membres de la famille Trabelsi. » À 21 heures, Seriati appelle Rachid Ammar : « Positionnez des unités militaires autour du palais présidentiel, en coordination avec la garde présidentielle. »

14 janvier, au matin. Ce jour-là, Ben Ali joue à quitte ou double. La veille au soir, dans son troisième discours depuis le début des événements, il a fait de nouvelles promesses afin de se maintenir au pouvoir jusqu'en 2014. Une manifestation, à l'appel notamment de l'Union générale tunisienne du travail (UGTT) et des avocats, est prévue dans la capitale. Le matin, dans le bureau de Ben Ali, Seriati fait son rapport des événements des dernières vingt-quatre heures. Le nombre de tués par balle s'élève à 28, dont 8 dans la capitale et ses environs (on dénombre 6 morts au Kram, à 3 km du palais présidentiel de Carthage). « Je l'informe également d'un document publié sur internet indiquant qu'un certain nombre d'internautes prévoyaient des rassemblements et des sit-in sur l'avenue Bourguiba [principale artère de la capitale] pour demander la chute du régime. J'ai faxé copie de ce document au directeur général de la sûreté nationale et au chef d'état-major de l'armée de terre. Ma conclusion : la journée de ce vendredi va être difficile. » Ben Ali ordonne alors qu'on ne divulgue pas le nombre de morts. Plus tard, le chef de l'État demande à Seriati de le rejoindre à nouveau dans son bureau, au palais de Carthage, pour prendre les dispositions conservatoires afin d'assurer la sécurité du palais présidentiel. Seriati : « Je lui ai présenté un plan d'urgence pour assurer son évacuation et celle de sa famille du palais de Sidi Dhrif [où le couple présidentiel réside] ou du palais de Carthage en cas d'attaques. Trois hypothèses : l'évacuation par mer ou par hélicoptère en direction du palais de Hammamet [à 60 km au sud de Tunis], ou par avion présidentiel vers un endroit sûr, qui était, selon moi, l'aéroport d'Enfidha [à 150 km au sud de Tunis]. Mais il ne m'est pas venu à l'esprit que cela pourrait être à l'étranger, Ben Ali m'ayant alors semblé exclure cette possibilité. »

Vers 10 heures. Ben Ali à Seriati : « J'ai été informé par des membres de la famille Trabelsi que des agents des services de sécurité habillés en civils étaient en train de guider certains manifestants vers leurs maisons. Vérifiez. » Seriati au général Ammar : « Multipliez les patrouilles militaires dans les zones résidentielles où habitent les familles Trabelsi et Ben Ali. » Réponse d'Ammar : « L'armée protège les institutions de l'État, rien d'autre. »

Peu avant midi. Ahmed Friaa, ministre de l'Intérieur, alerte Seriati : « Le nombre de manifestants devant le ministère ne cesse d'augmenter, et certains essaient de s'accrocher aux fenêtres. Que faire ? » Seriati demande à Ammar de rapprocher trois blindés, qui étaient postés en retrait, de la place d'Afrique, non loin du ministère de l'Intérieur et du siège du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD, parti au pouvoir).

12 h 14. Seriati à Rachid Ammar : « Ben Ali m'a dit avoir reçu une information de source étrangère selon laquelle Rached Ghannouchi [le leader en exil du mouvement Ennahdha] allait rentrer au pays et s'inquiète à ce propos que l'aéroport ne figure pas dans les points protégés [par l'armée]. »

Vers 13 heures-13 h 30. Halima, la fille de Ben Ali et de Leïla (en photo ci-dessous. Crédit : Fethi Belaid/AFP), à Seriati : « Oncle Ali, les Trabelsi nous submergent [au palais de Sidi Dhrif]. Il y en a que je n'ai jamais vus de ma vie. Pourriez-vous leur trouver un avion pour qu'ils s'en aillent [à l'étranger] ? » Seriati demande combien ils sont. Vingt-sept, précise Halima. Il répond : « Je vais voir, mais le mieux est de voir avec papa. » 13 h 30-14 heures. « Balle au canon » [ce qui signifie « apprêtez-vous pour tirer »]. C'est l'ordre donné aux forces de police faisant face à la manifestation qui se déroule sous leurs fenêtres et sur l'avenue Bourguiba depuis le matin. Ahmed Friaa, au ministère de l'Intérieur, appelle Seriati : « C'est foutu, ça dégénère », dit-il en français. Seriati appelle aussitôt Ben Ali pour l'informer de ce développement. Ordre de Ben Ali transmis par Seriati à Friaa : « Empêchez les manifestants de pénétrer dans le ministère de l'Intérieur. Il faut tenir bon [en français]. »

14 h 50. Ayant eu vent de la présence d'une trentaine de membres de la famille Trabelsi à l'aéroport, le colonel Samir Tarhouni, patron de la brigade antiterroriste (BAT), décide de s'y rendre avec une douzaine de ses hommes pour les empêcher de fuir. Informé par Seriati et par un homme de sécurité présent à l'aéroport, Ben Ali s'écrie en français : « C'est très grave ! »

15 heures-15 h 30. Ben Ali prend avec l'armée les dispositions nécessaires pour instaurer la loi martiale. L'état d'urgence est décrété avec effet à partir de 17 heures. Ben Ali à Seriati (en français) : « Ce n'est plus notre affaire, c'est l'affaire de l'armée. » Au même moment, Ben Ali ordonne au général Ammar de se rendre au ministère de l'Intérieur pour y prendre la conduite des opérations de maintien de l'ordre. Le général Ahmed Chabir, directeur général de la sécurité militaire, est chargé d'assurer l'intérim du général Ammar à la tête de la salle d'opérations de l'armée de terre et de coordonner les opérations des unités de l'armée participant au maintien de l'ordre. Ben Ali à nouveau à Seriati : « Vu la situation, j'ai aussi décidé d'envoyer les membres de ma famille faire la omra [petit pèlerinage de La Mecque]. J'ai donné instruction au chef du protocole, Mohsen Rhaiem, de préparer le voyage. Prenez de votre côté les dispositions qui sont de votre ressort... Vous allez tous les deux accompagner la famille dans ce voyage. »

16 h 15. Seriati : « Au moment où le cortège de Leïla Trabelsi et sa famille venant du palais de Sidi Dhrif arrivait au palais de Carthage en vue du départ vers l'aéroport, j'ai pris ma mallette et me suis dirigé vers le bureau du président. J'ai alors été informé par téléphone par la salle d'opérations de la sécurité présidentielle qu'un hélicoptère s'approchait de l'espace du palais et que deux frégates de la garde nationale avaient mis le cap sur le port du palais présidentiel. On m'a dit que quelque 5 000 personnes venant du Kram se dirigeaient vers la présidence... »

Mehdi Ben Gaied (fiancé de Halima Ben Ali) raconte : « Seriati parlait au téléphone quand il s'est mis à crier : "Sortez ! Sortez !" Ben Ali ouvre alors la porte de son bureau, en sort avec son épouse, Leïla, et demande : "Que se passe-t-il ? Que se passe-t-il ?" Seriati : "Sortez ! Sortez ! Et vous avec eux." Ben Ali : "Pourquoi, que se passe-t-il ? Je t'avais dit que je ne partais pas avec eux." Seriati : "Sortez maintenant, et on discutera après. Accompagnez-les comme d'habitude à l'aéroport et on discutera après." Ben Ali : "Que se passe-t-il, Ali ?" Seriati : "Monsieur le président, il y a une frégate qui tire des obus en direction du palais." Ben Ali : "Essayons au moins de passer par le palais de Sidi Bou Saïd [Sidi Dhrif], et après, on les accompagne." Seriati : "Sortons maintenant !" Nous sommes donc sortis précipitamment, poursuit Ben Gaied, et nous nous sommes dirigés vers le convoi. Seriati a dit : "Suivez-moi, suivez-moi." Et il a pris la direction de l'aéroport. Sur le chemin, son Audi a heurté une Polo grise, mais il ne s'est pas arrêté, roulant à toute allure, à tel point que Ben Ali a demandé à Leïla, qui conduisait la Lincoln [Ben Gaied s'y trouvait] de ne pas aller trop vite.

Le convoi s'est arrêté devant la porte en fer de la caserne d'El-Aouina, et Seriati s'est mis à klaxonner, puis est descendu pour frapper à la porte avec ses deux mains jusqu'à ce qu'on nous ouvre, et le convoi a pu entrer. » Seriati au pied de la passerelle : « Vous allez partir avec eux, monsieur le président. » Ben Ali : « Non ! Non ! Je ne vais pas partir, je vais rester ici. » Ben Ali se dirige vers Leïla et le groupe des Trabelsi qui se trouvaient dans le hangar. « Nous t'aimons, se sont-ils mis à lui dire, ne nous abandonne pas. » Halima, qui ne porte guère les Trabelsi dans son coeur, s'adresse à un agent de sécurité : « Donnez-moi votre arme que je les tue ! » Leïla ayant fait signe à son cousin Seif Trabelsi de monter à bord de l'avion, Halima s'écrie : « Lâchez mon père ! Sinon, je vous tue un à un ! » Seriati, qui allait embarquer aussi : « Madame, madame, monsieur le président, montez, arrêtons tout cela... » Ben Ali : « Que faire ? Est-ce qu'on va laisser le pays à son sort ? Tu restes jusqu'à mon retour. Je vais les accompagner et revenir. » Selon Rhaiem : « Seriati a répondu : "Ne revenez que lorsque je vous aurai appelé, monsieur le président." »

16 h 43. Ridha Grira, ministre de la Défense, à Ammar, à propos de la « rébellion » des hommes de Tarhouni qui retiennent les familles Trabelsi et Ben Ali au salon d'honneur de l'aéroport de Tunis : « Le chef de l'État m'a dit qu'il y a des infiltrés intégristes qui opèrent pour les terroristes. Le président demande qu'on les élimine, qu'on leur tire dessus à balles réelles si nécessaire. » Ammar à Grira : « Un instant, un instant, que je mette le haut-parleur de mon portable pour qu'Ahmed Friaa, qui est à côté de moi, puisse t'entendre lui aussi. » À nouveau, Grira insiste pour que l'on intervienne afin de libérer les Trabelsi retenus dans le salon d'honneur de l'aéroport par des éléments de la BAT et dit à Ammar : « Éliminez-les ! Ceux qui sont à l'aéroport, il faut que nous les tuions ! Frappez ! » Ammar : « Nous allons gérer ça. Nous savons comment opérer. Mais ce sont là des hommes armés. L'aéroport est plein de monde, il risque d'y avoir beaucoup de victimes. » Grira, lors de son audition par la justice : « Je n'ai pas reçu de telles instructions du chef de l'État, et je n'ai pas transmis de telles instructions. [...] Je ne me souviens pas avoir dit cela. » 16 h 45. Taïeb Lajimi, chef d'état-major de l'armée de l'air, à Grira : « Seriati vient de m'informer qu'ils arrivent pour utiliser l'avion présidentiel et demande qu'on lui facilite l'entrée de la base. » Grira : « Qu'il entre ! » Le général Chabir est également informé.

16 h 53-16 h 55. Grira à Lajimi : « Un hélicoptère de l'antiterroriste va frapper le président Ben Ali, ordonnez-lui tout de suite de s'éloigner. La présidence a des instructions pour vous tirer dessus. Éloignez l'hélicoptère immédiatement. » Lajimi : « Je n'ai pas d'hélicoptère de l'antiterroriste en sortie. Mais on va faire atterrir tous les appareils en vol. » En fait, quatre hélicoptères de l'armée ont atterri à la base d'El-Aouina entre 16 heures et 16 h 55, ramenant de Bizerte (à 60 km au nord de Tunis) des hommes de l'unité spéciale de l'armée de terre appelés en renfort sur ordre urgent de Ridha Grira, seul habilité à autoriser les vols militaires et dont la mission a été portée à la connaissance de Seriati à 15 h 48 par Lajimi. À 16 h 55, au moment où l'un des hélicoptères en provenance de Bizerte se posait sur le tarmac, le convoi présidentiel venait de pénétrer dans la base d'El-Aouina par l'entrée donnant sur la route de La Marsa. Il était composé de douze ou treize véhicules, dont l'un était conduit par Leïla avec, à ses côtés, Ben Ali, son fils Mohamed, sa fille Halima et le fiancé de cette dernière, Mehdi Ben Gaied. Le convoi s'arrête pendant trois minutes devant le salon d'honneur de la base. Seul Seriati descend, et la trentaine d'hommes de la sécurité présidentielle s'éjectent de leurs estafettes pour former un barrage, armes automatiques au poing. Voyant l'hélicoptère des forces spéciales de l'armée non loin de là, Seriati, téléphone à l'oreille, fait signe au convoi de poursuivre son chemin pour entrer à l'intérieur du hangar de l'avion présidentiel, qui n'était pas encore prêt pour l'envol. Entre-temps, Lajimi à Grira : « Le convoi est là, et Ben Ali aussi. » En fait, depuis le début de l'après-midi, la centrale de la sécurité militaire et le général Lajimi, à son bureau au ministère et en contact continu avec Grira, étaient tenus informés par téléphone des moindres détails de ce qui se passait à la base, y compris de l'arrivée à 16 h 30 de l'équipage de l'avion présidentiel.

Pendant que les préparatifs du vol se poursuivent, Seriati appelle Rachid Ammar pour s'informer des derniers développements de la « rébellion » à l'aéroport. Ammar (en français) : « C'est bien une mutinerie de la police et de la garde nationale. » Seriati : « Sécurisez la tour de contrôle. » Le colonel Elyes Zellag, l'un des adjoints de Seriati, venait de téléphoner à Tarhouni, le chef « rebelle » de la BAT, qui fut son ancien collègue à la garde présidentielle, pour savoir ce qui se passait à l'aéroport. Il rapporte alors à Ben Ali ce que lui a dit Tarhouni : « Elyes [...], si tu es un homme, rejoins-nous, nous tenons les Trabelsi. » Le chef de la BAT, qui a déjà reçu dans l'après-midi des renforts de sa propre unité et le ralliement de la brigade nationale d'intervention rapide (Bnir) de la police, reçoit, pendant l'arrivée du convoi présidentiel à l'aéroport, le soutien de l'unité spéciale de la garde nationale (USGN), qui opérait dans le périmètre de sécurité du palais de Carthage. Au total, 170 hommes appartenant aux trois unités d'élite du ministère de l'Intérieur sont en « rébellion » à l'aéroport civil de Tunis-Carthage, contigu à la base militaire d'El-Aouina et partageant les mêmes pistes.

17 h 37-17 h 47. L'approvisionnement en carburant s'achève à 17 h 30. Le général Lajimi à Grira : « Le président et son fils sont montés à bord de l'avion présidentiel. » Grira : « L'avion est encore là ? Il n'a pas décollé ? Vite ! Vite ! Qu'ils fassent vite [en français]. » L'Airbus roule sur le tarmac, escorté par des véhicules de la sécurité présidentielle jusqu'au bout de la piste de décollage. L'avion décolle à 17 h 47. Le général Lajimi à Grira : « L'avion présidentiel a décollé avec Ben Ali à bord. » Grira : « Suivez l'avion avec le radar jusqu'à ce qu'il quitte l'espace aérien tunisien, et tenez-moi informé de sa destination. » Le plan de vol, déposé à 17 h 10 auprès de la salle d'opérations de l'armée de l'air, prévoyait une liaison Tunis-Djeddah. Il y a à bord, outre le couple présidentiel, leur fils Mohamed, leur fille Halima et son fiancé Mehdi Ben Gaied, ainsi que l'équipage et le personnel de service. L'appareil survole Sousse, Monastir, Sfax. À 18 h 16, l'avion fait plusieurs tours au-dessus de l'aéroport de Djerba pendant huit minutes, le temps d'obtenir l'autorisation de passage par l'espace aérien libyen, accordée par Mouammar Kaddafi, puis survole l'Égypte et atterrit à Djeddah.

Alors que l'Airbus venait de décoller, Seriati, accompagné de Rhaiem, entre dans le salon de la base d'El-Aouina. Devant un café-crème, il se laisse aller aux supputations. « Reviendra-t-il ? Je ne le pense pas. » Il donne le feu vert à Elyes Zellag, de la sécurité présidentielle, pour retourner au palais avec Rhaiem et les hommes de la sécurité, tout en recommandant qu'ils y aillent par petits groupes. Un quart d'heure après le décollage, Ben Ali appelle Seriati par le téléphone satellitaire installé à bord de l'avion pour s'assurer que toutes les dispositions ont été prises avec les autorités saoudiennes pour leur accueil à l'aéroport de Djeddah. Seriati lui passe Rhaiem, qui lui confirme que toutes les dispositions ont bien été prises. Ben Ali demande alors à Seriati d'attendre sa fille Ghazoua Zarrouk et sa famille. Ceux-ci arrivent dans le salon d'honneur dix minutes plus tard. Sur ordre de Ben Ali, Seriati doit leur procurer un avion qui les acheminera avec les autres Trabelsi à Djerba, d'où ils partiraient pour la Libye. Vers 18 heures, Seriati téléphone à Lajimi. « J'ai besoin d'un avion C-130. » Lajimi : « Pour quelle mission ? » Seriati : « Pour qu'il aille à Djerba. » Lajimi à Grira : « Ali Seriati se trouve dans notre salon d'honneur [à la base d'El-Aouina] et demande un C-130. Il y a un groupe de personnes avec lui. Il a besoin d'un avion pour aller à Djerba. » Grira ne fait pas d'objection et donne son accord, avant de se reprendre : « Que fait Seriati là-bas ? Pourquoi n'est-il pas parti avec le président ? » Cinq minutes après, Grira à Lajimi : « Demande à un responsable, qui doit être accompagné d'un homme armé, d'arrêter Ali Seriati et de lui retirer son arme et son téléphone portable. Faites-le après le départ de la sécurité présidentielle du salon d'honneur pour éviter un bain de sang. » Grira ajoute : « Seriati est en train de comploter. » Il est 18 h 30 quand un colonel de l'armée de l'air s'avance et invite Seriati à lui remettre son arme et son téléphone portable. Seriati : « Pourquoi ? Que se passe-t-il ? » L'officier : « J'ai reçu ordre de vous arrêter. » Seriati rend son arme et son portable immédiatement. « Dois-je comprendre que je suis prisonnier ? » Le colonel : « Ce sont les ordres. » Seriati : « Faites votre travail, mon fils. » Seriati déclarera que le colonel est revenu dix minutes après pour lui dire : « Le général Lajimi vous demande si vous voulez partir à l'étranger », et qu'il a répondu : « Non, rien ne m'oblige à quitter le pays. » Grira : « Mes instructions se sont limitées à arrêter l'intéressé, à l'isoler et à lui enlever son arme et ses téléphones mobiles. » Gardé dans le salon d'honneur, Seriati suit à la télévision la cérémonie pendant laquelle le Premier ministre, Mohamed Ghannouchi, prend les fonctions de président de la République. Sur son deuxième téléphone portable, qu'il avait conservé, il reçoit un appel de Rhaiem l'informant que le ministre d'État chef du cabinet présidentiel [Abdelaziz Ben Dhia] vient d'annoncer que le travail allait reprendre normalement le lendemain. Seriati : « Je suis en état d'arrestation. » La ligne est alors coupée. Un officier arrive et lui demande de lui remettre son second téléphone. Il est 19 heures, et Seriati est remis par l'armée de l'air à la sécurité militaire. Le dimanche 16 janvier, vers 16 heures, Seriati est transféré au tribunal de première instance de Tunis, où un juge lui annonce qu'il est accusé de « complot contre la sûreté de l'État » et délivre un mandat d'arrêt contre lui. Cinq agents civils de la présidence arrêtés après lui pour complicité seront relâchés. Seriati restera en prison, poursuivi avec plusieurs hauts responsables des services de sécurité dans l'affaire des martyrs de la révolution.

Mohamed Ghannouchi, lors de la présentation du gouvernement, à Tunis, le 17 janvier 2011. (Crédit : Fethi Belaid/AFP)

Après 18 heures. Mohamed Ghannouchi, au palais du gouvernement de la Casbah, reçoit un appel d'un monsieur qui se présente comme étant Sami Sik Salem : « Prenez vos responsabilités, monsieur le Premier ministre. Il nous faut éviter un bain de sang. Prenez la présidence, prenez la présidence. » Ghannouchi, qui n'a jamais entendu parler de son interlocuteur, lequel est le numéro trois de la sécurité présidentielle, nie être au courant du départ de Ben Ali et répond : « En cas de vacance à la présidence, c'est le président de la Chambre des députés qui est habilité à assurer l'intérim. » Sik Salem : « Et qui d'autre ? » Ghannouchi : « Le président de la Chambre des conseillers. » Sik Salem : « OK. » Fin de la communication. Ghannouchi trouve l'appel curieux et essaie de joindre Ben Ali. Le standardiste de la présidence répond qu'il n'est pas là. Il demande Seriati, mais c'est le même Sik Salem qui répond : « Je vous ai dit qu'ils sont sortis, ils sont sortis, ils ont tous pris la fuite. Le président a quitté le pays, Seriati est parti avec lui [c'est ce qu'il croyait, n'ayant pas réussi à le joindre], ils sont tous sortis et je suis resté seul au palais. » Sik Salem demande à nouveau à Ghannouchi de prendre ses responsabilités.

Le Premier ministre consulte la procédure constitutionnelle et rappelle Sik Salem pour l'en informer. Sik Salem : « Je vais vous envoyer une voiture qui vous conduira au palais. » En attendant, Ghannouchi se met à rédiger le mot qu'il va prononcer pour annoncer qu'il va assurer l'intérim du chef de l'État en vertu de l'article 56 relatif à l'absence provisoire du président. Avant de quitter la primature, il appelle Grira, qui lui confirme le départ de Ben Ali. Au palais, Fouad Mebazaa, président de la Chambre des députés, et Abdallah Kallel, président de la Chambre des conseillers, sont déjà là. Ghannouchi propose, pour commencer, de recourir à l'article 56 sur l'intérim provisoire et, s'adressant à Mebazaa, lui dit : « Vous, Si Fouad, serez président de la République demain », en vertu de l'article 57, relatif cette fois à l'absence définitive du président. Ce qui sera fait. Après avoir enregistré sa déclaration pour la télévision, Ghannouchi reçoit un appel de Ben Ali, dont on ignore qui l'a informé, sur le numéro d'un membre de la sécurité : « Qu'est-ce que tu as fait ? Qu'est-ce que c'est que ça ? Démentez ce que vous avez dit, publiez un communiqué pour démentir ! » Ghannouchi : « Vous êtes parti sans prévenir alors qu'on est dans des circonstances extraordinaires. » Ben Ali : « J'accompagne la famille et je reviens le 15 janvier. » Ghannouchi : « On nous a invités au palais de Carthage et nous avons lu ce communiqué. » Ben Ali : « Démentez ! » Ghannouchi : « Je vous passe le président de la Chambre des conseillers. » Kallel tente de rassurer Ben Ali : « Quand vous reviendrez, nous vous accueillerons à l'aéroport, monsieur le président. »

19 h 30. Tarhouni livre le groupe des Trabelsi et des Ben Ali à l'armée, non sans avoir obtenu que la télévision vienne filmer le transfert. Les « otages libérés » rejoignent un autre petit groupe de Trabelsi à la base d'El-Aouina.

19 h 37. Grira à Ammar : « Êtes-vous avec moi ? Parlez d'homme à homme. » Ammar : « Avec vous. » Grira : « Kallel dit qu'il y a un complot contre lui, Ghannouchi et Mebazaa, et que vous êtes derrière ce complot. Ils sont prisonniers au palais de Carthage. » Ammar : « Laissez-moi tranquille, par Dieu ! Qu'ai-je donc fait pour que chaque fois que quelqu'un a un mal de tête il mette en cause Rachid Ammar ? »

Grira : « Avant d'entrer au palais de Carthage, le Premier ministre Mohamed Ghannouchi m'a demandé si j'avais confiance en l'armée. Je lui ai répondu : "L'armée, c'est moi." Je suis resté en contact avec lui quand il est arrivé au palais afin de m'assurer que tout allait bien. À un certain moment, il a passé le téléphone à Abdallah Kallel, qui m'a demandé si j'avais confiance en l'armée, car il avait le sentiment qu'il y avait un complot. Après cela, j'ai contacté le général Ammar pour savoir quelle était sa position. Il est possible qu'il ait résumé ce que nous nous sommes dit, mais je ne me souviens pas précisément du contenu de notre échange. » Ammar : « J'ai ensuite pu contacter Kallel pour lui dire qu'il n'était pas prisonnier de l'armée ou de qui que ce soit et qu'il était libre de quitter [le palais présidentiel] à tout moment. »

20 h 20. Le général Ammar reçoit sur son portable un appel de Ben Ali : « C'est le président. Quelle est la situation dans le pays ? Est-ce que vous la contrôlez ? Pourrai-je revenir ce soir ou pas ? » Général Ammar : « Je ne peux rien vous dire pour l'instant, monsieur le président. La situation n'est pas claire. » Ben Ali : « Alors je vous rappellerai demain, mon général. » Ben Ali ne rappellera pas.